14ème législature

Question N° 5828
de Mme Annick Le Loch (Socialiste, républicain et citoyen - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > enfants

Analyse > kafala. réglementation.

Question publiée au JO le : 02/10/2012 page : 5344
Réponse publiée au JO le : 12/03/2013 page : 2872

Texte de la question

Mme Annick Le Loch attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés juridiques inhérentes à la kafala de droit coranique et à son articulation avec le droit français. La loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale précise que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si la loi de son pays d'origine prohibe cette institution, ce qui est notamment le cas du Maroc. Aussi, les familles qui accueillent des enfants par le biais de la kafala, forme de protection et de prise en charge de l'enfant, ne sont pas considérées comme des familles adoptives mais sont titulaires d'une simple délégation d'autorité parentale, limitative de droits. Aussi, elle lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre pour faire évoluer le statut des enfants accueillis en France sous kafala.

Texte de la réponse

La kafala est une institution de droit coranique qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une famille musulmane (kafil) afin qu'elle assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. En Algérie comme au Maroc, la kafala, qui peut être adoulaire ou judiciaire, peut concerner des enfants ayant des parents biologiques qui ne peuvent matériellement ou moralement les élever, ou des enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins. Dans ce dernier cas, la kafala procède nécessairement d'une décision judiciaire. Il s'agit donc d'une institution qui a pour objet d'offrir à un enfant une forme de protection sans créer de lien de filiation entre lui et le kafil. Elle ne peut dès lors être assimilée à une adoption, ce qui a été rappelé par la Cour de cassation à propos de l'adoption simple (Civ 1re, 10 octobre 2006). Afin de garantir le respect de la législation des pays étrangers, la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a introduit dans le code civil des dispositions interdisant le prononcé en France de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce dernier est né et réside habituellement en France. Or, le droit algérien comme le droit marocain prohibent formellement ce mode d'établissement de la filiation. Si la kafala ne peut pas être assimilée à une adoption, elle permet toutefois à l'enfant de bénéficier d'une protection en France conformément aux prescriptions de l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui prévoit qu'un enfant privé de son milieu familial doit pouvoir bénéficier d'une protection de remplacement. Ainsi, la kafala judiciaire (ainsi que la kafala adoulaire homologuée par le tribunal), comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Les effets du jugement de kafala diffèrent en fonction du contenu de la décision et de la situation de l'enfant recueilli. Ainsi, dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins pour lesquels seule une kafala judiciaire peut être prononcée, celle-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le kafil étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants recueillis par kafala qui ont une filiation établie à l'égard d'un ou deux parents, elle produit en France des effets comparables à ceux d'une délégation d'autorité parentale. A ce titre, la personne qui a recueilli l'enfant peut prendre toutes les décisions importantes nécessaires à l'épanouissement et l'éducation de l'enfant. Le kafil se trouve dans une situation identique à n'importe quel titulaire de l'exercice de l'autorité parentale. Le fait qu'il ne soit pas parent mais soit seulement délégataire de l'exercice de l'autorité parentale ne limite pas ses droits à l'égard de l'enfant dans la vie quotidienne. La kafala est donc reconnue en droit interne, tout en conciliant les impératifs que sont la protection de l'enfant et le respect de sa loi personnelle. La nécessité de cet équilibre est au fondement de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 4 octobre 2012, qui a considéré que le droit français était respectueux des conventions internationales et ne portait pas atteinte au droit à une vie familiale normale. Il n'est donc pas envisagé de modifier ces dispositions du code civil. Il convient de relever en outre que l'interdiction d'adopter cesse à partir du moment où l'enfant acquiert la nationalité française, ce qui est possible après que l'enfant ait résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. Toutefois, la garde des sceaux ne méconnait pas les difficultés auxquelles peuvent se trouver confrontées les familles comprenant un enfant régi par la kafala. Afin de renforcer l'information des juridictions, un projet de circulaire à leur attention rappelant précisément le cadre juridique applicable à la kafala est en cours d'élaboration. Par ailleurs, elle entend examiner les propositions de réforme portées à l'attention de la chancellerie par le défenseur des droits qui seraient susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil et de vie en France des enfants concernés.