14ème législature

Question N° 58981
de M. Damien Abad (Union pour un Mouvement Populaire - Ain )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > travail

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > détachement. contrôles. mise en oeuvre.

Question publiée au JO le : 01/07/2014 page : 5441
Réponse publiée au JO le : 28/10/2014 page : 9123
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 14/10/2014

Texte de la question

M. Damien Abad attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sur l'accord européen relatif aux travailleurs détachés, signé le 9 décembre 2013. Le nombre de travailleurs détachés au sein de l'UE atteindrait 1,5 million aujourd'hui. En France, on considère que 350 000 personnes seraient concernées dont malheureusement une partie déclarée : 170 000 en 2012 et 210 000 en 2013. D'après la directive de 1996, une entreprise peut « détacher » des salariés dans un autre pays de l'UE pendant deux ans maximum, à condition d'appliquer certaines règles du pays d'accueil (salaires, conditions de travail) tout en versant les cotisations sociales dans le pays d'origine. Malheureusement, faute de contrôle efficace, ces principes sont régulièrement détournés. Les ministres européens ont trouvé un terrain d'entente pour lutter contre les abus liés au détachement de travailleurs dans l'Union européenne. Le principe de responsabilité conjointe et solidaire, autrement dit la mise en cause des entreprises donneuses d'ordre comme des sous-traitants, devrait être rendu obligatoire dans le secteur du BTP pour faire face aux montages sophistiqués de fraude. Par ailleurs, une « liste ouverte » de documents pourra être réclamée à une entreprise détachant des travailleurs. La France fixera donc dans une loi nationale la liste des documents exigibles pour tous les travailleurs détachés sur son territoire. Pour favoriser la sécurité juridique de ce nouveau cadre, la Commission et les autres États devront être informés des documents exigibles dans chaque pays. Aussi, il souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour renforcer les contrôles et endiguer les dérives des sociétés étrangères détachant leurs travailleurs en France.

Texte de la réponse

Pour la bonne application des règles relatives au détachement dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union Européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la directive européenne 2014/67/UE du 15 mai 2014 renforce les moyens dont disposent les États pour lutter contre les pratiques frauduleuses. Elle prévoit notamment différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Le Gouvernement a fait le choix de devancer la transposition de cette directive en soutenant avant même la fin des négociations, l'initiative législative du député M. Savary. La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a donc notamment pour objet de transposer cette directive et de compléter la réglementation en matière de lutte contre les fraudes au détachement Elle instaure un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants s'il ne respecte pas, ou pas intégralement, l'obligation de verser aux salariés - notamment détachés - une rémunération au moins égale au salaire minimum légal ou conventionnel. Elle transpose ainsi la directive d'application en garantissant à tous les salariés, et notamment aux salariés détachés, la possibilité de faire valoir leur droit au paiement d'un salaire conforme au minimum légal ou conventionnel. Mais elle va aussi plus loin que le dispositif prévu dans la directive. D'une part, la responsabilité solidaire mise en place n'est pas limitée au seul secteur du bâtiment mais s'applique à tous les secteurs professionnels. D'autre part, cette responsabilité pèse sur les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des donneurs d'ordre, quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance et n'est pas limitée au seul cocontractant. La loi complète également l'arsenal législatif français en matière de lutte contre les fraudes au détachement, notamment en élargissant les possibilités d'action offertes aux organisations professionnelles d'agir en justice même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée et en autorisant les organisations syndicales à agir au nom d'un salarié détaché même en l'absence d'accord expresse de l'intéressé. L'obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant en France est désormais consacrée par la loi. Son non respect est sanctionné par une amende, qui peut aussi être infligée au donneur d'ordre qui ne s'est pas assuré que son prestataire de service s'est acquitté de ces formalités. Enfin, la loi contient des dispositions qui renforcent les sanctions applicables en cas de travail illégal, qui peut souvent être constaté dans les cas de fraude au régime du détachement. La loi fera l'objet de dispositions réglementaires d'application en vue de sa mise en oeuvre complète. Par ailleurs, le Gouvernement reste attentif à la mobilisation des services de contrôle. L'un des principaux objectifs du Plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015, clairement réaffirmé lors de la réunion d'étape de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal réunie le 5 décembre 2013, est de renforcer la lutte contre les fraudes au détachement dans le cadre de prestations de service internationales. Enfin, la réforme du système d'inspection du travail, en cours de mise en oeuvre, renforce la capacité d'intervention des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi en matière de lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement en instituant des équipes spécialisées de contrôle au niveau régional et en créant un groupe national de veille, d'appui et de contrôle chargé des fraudes d'envergure nationale.