14ème législature

Question N° 59430
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi et dialogue social
Ministère attributaire > Économie, industrie et numérique

Rubrique > industrie

Tête d'analyse > politique industrielle

Analyse > emploi. perspectives.

Question publiée au JO le : 08/07/2014 page : 5820
Réponse publiée au JO le : 28/04/2015 page : 3237
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social sur l'évolution de l'industrie dans notre pays. L'industrie française est passée de 18,4 % du PIB en 1990 à 11,5 % en 2013. Cette chute se confirme année après année et la tendance ne semble pas près de s'inverser. Pourtant, l'industrie reste le moteur des autres activités. C'est un outil clef de la lutte contre le chômage. Le taux de chômage dans les territoires désindustrialisés confirme ce constat. Pour résorber le déficit de sa balance commerciale qui s'élève à 2,2 % du PIB, la France ne peut faire l'impasse d'une industrie performante. Les causes de cette évolution sont connues : le déclin des investissements industriels, le coût trop élevé du travail, la trop faible rentabilité du capital, le taux des prélèvements obligatoires le plus élevé d'Europe et le taux de marge le plus faible (28 % de taux de marge contre 40 % en moyenne en Europe et 41 % en Allemagne). Cette situation est principalement le résultat du coût astronomique de l'assistanat systématique et incohérent qui semble être la règle dans notre pays. Il lui demande donc s'il compte enfin changer cette politique suicidaire menée depuis trop longtemps et prendre des décisions courageuses pour relancer l'industrie et l'économie françaises.

Texte de la réponse

L'existence d'un socle industriel compétitif et diversifié est une condition essentielle pour une croissance élevée et durable de l'économie française. C'est pourquoi le Gouvernement est attaché, depuis le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, à mettre en place une politique industrielle ambitieuse et volontariste. A cet égard, la France soutient l'objectif de la Commission européenne de travailler au relèvement à 20 % de la part de l'industrie dans le produit intérieur brut de l'Union européenne à l'horizon 2020 (contre environ 16 % actuellement). Cet objectif constitue un signal politique fort et utile en faveur de nos industriels. Bien que la baisse du poids de l'industrie dans l'économie française découle en partie de facteurs structurels (gains de productivité relativement élevés du secteur manufacturier, qui ont pour effet de faire baisser sa part dans l'emploi total) ou de l'évolution de l'organisation de l'industrie (externalisation de certains services auparavant réalisés au sein des entreprises industrielles), elle traduit également les difficultés des entreprises françaises face à la concurrence internationale. Ces difficultés s'expliquent d'abord, comme le souligne l'auteur de la question, par une dégradation de leur compétitivité-coût. Les coûts salariaux unitaires de l'industrie française ont progressé plus rapidement en France qu'en Allemagne. Le coût des intrants des entreprises industrielles, qu'il s'agisse de biens (matières premières, énergie, construction) ou de services, a sensiblement augmenté sur la dernière décennie. Cette dégradation de la compétitivité-coût des entreprises industrielles les a contraintes à concéder des efforts de marge pour résister à la concurrence étrangère. En retour, ces efforts de marge ont pu retarder la modernisation et la montée en gamme de l'appareil productif, ce qui contribue à expliquer les performances relativement moyennes des entreprises industrielles françaises en matière d'innovation. Afin de réindustrialiser l'économie française, le Gouvernement travaille sur trois dimensions complémentaires. En premier lieu, il s'agit de créer un environnement favorable au développement des entreprises. Ceci suppose un climat de confiance pour les entrepreneurs, qui passe d'abord par l'assainissement de nos comptes publics via un effort d'économies en dépenses de 50 Mds€, annoncé par le Président de la République le 14 janvier 2014 et dont le Premier ministre a présenté le détail le 16 avril 2014. Ce plan permet en particulier de mettre en oeuvre le pacte de responsabilité et de solidarité dans le respect des engagements européens de réduction des déficits publics. Cet effort d'économies sans précédent permettra non seulement de diminuer la pression fiscale sur le travail et le capital, mais aussi de préserver les conditions de financement favorables dont bénéficient actuellement les entreprises françaises, avec des taux d'intérêt très bas. Le Gouvernement s'est aussi engagé à alléger le stock des normes existantes, au prix d'un effort de simplification qui doit se poursuivre dans la durée, sous l'égide du conseil de la simplification pour les entreprises, institué le 8 janvier 2014 par le Premier ministre. Le deuxième axe d'action vise à restaurer la compétitivité de nos entreprises, en particulier dans les secteurs exposés à la concurrence internationale. Il s'agit en priorité de diminuer la pression fiscale pesant sur les facteurs de production. Concernant le coût du travail, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui représente un effort de 20 Mds€ d'euros en faveur des entreprises, se couplera bientôt avec les mesures du pacte de responsabilité et de solidarité, qui prévoit des allègements supplémentaires de cotisations sociales patronales à partir de 2015. Cette baisse du coût du travail est associée à un ensemble de mesures structurelles, permettant de limiter les coûts des intrants de l'industrie (immobilier, services aux entreprises, énergie), et par ailleurs, favorables au pouvoir d'achat des ménages. S'agissant du coût du capital, le Gouvernement s'est engagé à réduire l'impôt sur les sociétés et à supprimer progressivement la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S). A côté des mesures visant à restaurer la compétitivité-coût des entreprises françaises, le Gouvernement poursuit sa politique d'amélioration de la compétitivité hors-coûts. Les dispositifs en faveur de l'innovation ont ainsi été élargis : le crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) est désormais étendu à l'innovation, aux prototypes et au design. Le dispositif de soutien aux jeunes entreprises innovantes (JEI) a été renforcé. Les 34 plans de la nouvelle France industrielle contribueront à fédérer les entreprises autour de projets technologiques de rupture. Le renforcement du système éducatif et le développement de l'apprentissage permettront par ailleurs de fournir aux entreprises les compétences dont elles ont besoin pour se développer. Le troisième axe d'action du Gouvernement concerne le financement des entreprises et leur soutien à l'export. L'industrie nécessite des outils adaptés à son horizon de temps long et à l'importance de ses besoins de financement. La naissance de la Banque publique d'investissement, Bpifrance, y concourt grâce à une meilleure articulation de l'offre de financement à destination des petites et moyennes entreprises (PME), grâce à sa logique de guichet unique et grâce à l'écosystème de capital-risqueurs qu'elle entraîne dans son sillage. Le Gouvernement s'est également attaché à diversifier les sources de financement des entreprises en forte croissance, avec la mise en place d'un plan d'épargne en actions affecté au financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) -PEA-PME-, avec la création d'un nouvel outil de financement par le marché dédié aux PME-ETI au sein de la Bourse de Paris, et avec la création d'un régime favorable au « crowdfunding ». Par ailleurs, l'action du Gouvernement auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI) et des instances européennes vise à développer les offres de financements et garanties de la BEI, notamment en lien avec le budget de l'Union européenne (de sorte à accroître l'effet de levier de ce dernier). Les nombreux guichets d'ores et déjà existants de la BEI sont disponibles sur le territoire national ; ils appellent à être mieux mobilisés par nos entreprises. Le Gouvernement a également réformé les instruments de financement des exportations, afin de les mettre au niveau des meilleures pratiques existantes dans les pays étrangers (création d'une garantie de refinancement pour faciliter l'accès des banques à la liquidité et extension des garanties aéronautiques à d'autres industriels qu'Airbus en décembre 2012, réforme des outils dédiés au soutien à l'exportation des PME et des ETI en mai 2013, mise en place d'un système d'assurance-crédit public de court terme en décembre 2013...). Cet effort est destiné à se poursuivre au cours des mois à venir, qui verront la mise en oeuvre de nouvelles réformes. Le redressement de la compétitivité économique de la France est un travail de longue haleine. Il implique du volontarisme, de la persévérance et du dialogue avec toutes les parties prenantes. La réindustrialisation de la France suppose de faciliter chaque étape du développement des entreprises en améliorant leur environnement. Au-delà des réformes en cours, il faut en outre donner de la lisibilité et de la continuité à l'action publique, pour construire un environnement favorable et un climat de confiance. C'est dans ce chemin que le Gouvernement s'est engagé, et continuera ses efforts.