14ème législature

Question N° 59698
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > presse et livres

Tête d'analyse > presse

Analyse > déontologie. identité. protection.

Question publiée au JO le : 08/07/2014 page : 5784
Réponse publiée au JO le : 12/04/2016 page : 3154
Date de changement d'attribution: 28/01/2016

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la protection de l'identité des condamnés dans la presse. Dans son édition du 29 janvier 2014, le Monde révèle l'identité de six jeunes personnes jugées à Paris suite à leur interpellation en marge de la manifestation organisée le 26 janvier par « jour de colère ». Aucun des autres journaux n'a révélé l'identité de ces jeunes, respectant ainsi une des règles les plus élémentaires de la déontologie journalistique. Il lui demande si elle pourrait faire instaurer une règle soit de publication systématique de l'intégralité de l'identité des condamnés dans les articles de presse, soit de non divulgation, afin d'éviter tout sentiment de deux poids deux mesures.

Texte de la réponse

En droit français, il n'existe pas de dispositions légales spécifiques relatives à la divulgation, dans la presse, de l'identité d'une personne qui a fait l'objet d'une condamnation par une juridiction pénale, sauf lorsqu'elle est mineure. Le principe de la publicité des décisions de justice a un caractère général. Ce principe, consacré par la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 6-1), inséré dans le code de procédure pénale, permet à tout citoyen de pouvoir vérifier dans quelles conditions les décisions de justice sont rendues. La publication des décisions de justice sous leur forme nominative est le pendant du principe de publicité de l'audience et la diffusion de l'information judiciaire au public contribue à l'effectivité du principe du prononcé public des décisions. La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse vient également confirmer ce principe de publicité des décisions, condition de la liberté d'information, son article 39 précisant d'ailleurs que les restrictions qu'il fixe (s'agissant en particulier des interdictions de compte rendu dans les affaires de diffamation, de filiation ou bien encore de divorce…) ne s'appliquent pas au dispositif des décisions. Les médias sont ainsi libres de contribuer à cette publicité et elle n'est pas limitée à l'enceinte du prétoire ; il entre même dans la mission du journaliste de donner à cette publicité un caractère extensif en vue d'informer le public des décisions judiciaires. Dès lors, s'agissant de personnes majeures, aucune interdiction ni aucune obligation de publier l'identité d‘un condamné n'est prévue. La seule exception légale au principe de publicité des décisions concerne les jugements de mineurs. Afin de ne pas compromettre l'avenir d'un mineur et sa future réinsertion, la liberté de publication est très limitée et l'ordonnance no 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante prévoit plusieurs mesures destinées à éviter la diffusion au public des erreurs de jeunesse d'un mineur, en particulier l'interdiction de révéler l'identité du mineur, à tous les stades de la procédure, y compris lors du jugement de condamnation. Ainsi, si le jugement prononcé en audience publique en présence du mineur peut être publié, il doit l'être sans mention du nom, ni même d'une initiale du mineur, sous peine d'une amende de 3 750 € (Ord. no 45-174, 2 févr. 1945, art. 14, al. 5). En outre, l'ordonnance du 2 février 1945 interdit la publication du compte rendu des débats des tribunaux pour enfants dans le livre, la presse, la radiophonie, le cinématographe, ou de quelques manières que ce soit, ainsi que la publication, par les mêmes procédés, de tout texte ou de toute illustration concernant l'identitéet la personnalité des mineurs délinquants (Ord. no 45-174, 2 févr. 1945, art. 14, al. 4). Le dispositif légal en vigueur assure dans ces conditions un équilibre entre le droit à l'information et la nécessaire protection des mineurs et il n'est pas envisagé, s'agissant de la divulgation de l'identité des condamnés majeurs, de modification du droit existant.