14ème législature

Question N° 59815
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > sécurité publique

Tête d'analyse > sécurité des biens et des personnes

Analyse > communes. forces de l'ordre. moyens.

Question publiée au JO le : 08/07/2014 page : 5765
Réponse publiée au JO le : 10/03/2015 page : 1800
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité pour des villes comme Reims de créer des brigades de nuit pour protéger la population. Il semblerait que les chiffres catastrophiques du Gouvernement soient tels vis-à-vis de la sécurité des citoyens que des mairies établissent la nécessité de créer et de mettre en place des brigades de nuit. Reims, par exemple, a dû débloquer un budget d'un minimum de 400 000 euros par an pour cette brigade. Pourtant, même si cette initiative est salutaire pour la sécurité des citoyens, ce n'est pas la solution. Les problèmes viennent d'une justice laxiste : rappelons que la densité de population carcérale en France est inférieure à la moyenne européenne, inférieure à celle des États-unis non pas parce que la France n'a personne à condamner, mais parce que personne n'est condamné ; mentionnons le mépris et la perte d'autorité constante des forces de l'ordre qui sont ridiculisés par l'impossibilité de la justice à punir les coupables. Il lui demande d'assurer et de permettre une sécurité sur l'ensemble du pays et de garantir l'autorité des forces de l'ordre par une justice punitive.

Texte de la réponse

Il ne saurait être soutenu l'absence de toute condamnation venant sanctionner un acte délinquant, et plus particulièrement la faiblesse de l'emprisonnement dans les peines prononcées. Une analyse approfondie des données recensées par le Conseil de l'Europe en témoigne. Il résulte en effet de deux études SPACE I et SPACE II du Conseil de l'Europe, publiées en avril 2014, que la France comptait, au premier octobre 2012, 102 personnes détenues pour 100000 habitants. Si ce taux de détention est effectivement moins important que dans certains pays de l'Union européenne, comme la Lituanie (327 personnes détenues pour 100 000 habitants), la Pologne (218), l'Espagne (142) ou le Royaume-Uni (123), il est toutefois bien plus important que dans des pays proches tels que l'Allemagne (76 pour 100 000 habitants), la Suède (68) ou les Pays-Bas (66). Ces études montrent des différences assez marquées entre l'ensemble de l'Union européenne et la seule « Europe de l'Ouest » (17 pays d'Europe occidentale dont l'Autriche, la Grèce, la Finlande, la Norvège et la Suisse, et à l'exclusion de la Croatie et de la Slovénie). En effet, avec 102 personnes détenues pour 100 000 habitants, la France se situe en dessous de la moyenne des 28 pays de l'Union européenne qui est de 137 personnes détenues pour 100 000 habitants, mais au-dessus de la moyenne des pays de l'Europe de l'Ouest (98). Parallèlement, la France, à l'image de la plupart des pays du conseil de l'Europe, est affectée par une surpopulation carcérale importante et ancienne, entraînant des conditions de travail difficiles pour les personnels ainsi que des conditions de détention rendant difficile une vraie prise en charge de chaque personne condamnée. Le nombre de personnes détenues a en effet augmenté de 35 % en dix ans (48 594 au 1er janvier 2002 contre 64 787 au 1er janvier 2012) alors que la population française n'a augmenté que de 7 % durant cette période. De même, la durée moyenne de la partie ferme des peines d'emprisonnement pour les condamnations en état de récidive légale est passée de 8,2 mois à 11 mois entre 2004 et 2010. Il convient dans tous les cas de dépasser une approche purement quantitative des questions relatives à la répression et à la détention, le seul nombre de peines d'emprisonnement prononcées n'étant nullement significatif d'une justice efficace et durable. La garde des sceaux a à cet effet souhaité, sans remettre en cause la légitimité de la peine de prison qui apparait dans certaines circonstances la seule réponse adaptée à l'acte délinquant et à la personnalité de son auteur, poser la question du sens et des finalités de la peine afin de garantir efficacement la sécurité de tous : la peine ne sera en effet efficace que si elle allie à la sanction de faits délictueux et à la célérité de son exécution, la garantie de la réinsertion de la personne condamnée. Or, la peine de prison ne permet nullement de garantir, à elle seule, l'absence de récidive. La principale étude réalisée en France en 2011 sur la récidive des personnes condamnées établit que 63 % des personnes sortant de prison sans aménagement de peine font à nouveau l'objet d'une condamnation dans les cinq années qui suivent la libération. Ce taux est de 55 % pour les personnes libérées dans le cadre d'un aménagement de peine sous écrou (placement à l'extérieur, semi-liberté ou surveillance électronique) et de 39 % pour les sortants en libération conditionnelle. Il est de 45 % pour les personnes condamnées à une peine alternative - sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général (source : Annie KENSEY - Qui ne récidive pas ? Ouvrage collectif sous la direction de Marwan MOHAMMED - les sorties de délinquance - La Découverte 2012). Pour autant, le constat est fait d'un recours accru à la peine d'emprisonnement, alors même que le droit de la peine français offre une diversité de réponses pénales adaptées à chaque situation. Entre 2000 et 2011, le nombre de condamnations à une peine privative de liberté est passé de 284 841 à 290 293, sans correspondre à une augmentation corrélative des crimes et délits les plus graves. En 2011, les peines d'emprisonnement étaient ainsi prononcées dans 48 % des condamnations. En excluant les ordonnances pénales (procédure qui ne permet pas le prononcé d'un emprisonnement), les peines d'emprisonnement étaient alors prononcées dans 68 % des condamnations et 28 % des condamnations comportent une peine d'emprisonnement totalement ou partiellement ferme. Sur la base de ces constats, la garde des sceaux a impulsé une nouvelle politique pénale dont les axes forts ont été définis dès septembre 2012 à travers une circulaire de politique pénale. L'objectif de cette nouvelle politique pénale est d'opérer un changement au bénéfice de solutions plus pragmatiques et ayant démontré leur utilité pour promouvoir la sécurité de tous. L'individualisation de la peine et de son exécution doit être recherchée à tous stades de la procédure. A ce titre, la garde des sceaux a, dès le 19 septembre 2012 à l'occasion de sa circulaire de politique pénale générale, fait du développement des aménagements des peines d'emprisonnement ferme, qui favorisent la réinsertion du condamné et la prévention de la récidive l'une des priorités de son action. Dans un même souci de prévenir la récidive, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, adoptée dans le prolongement de la conférence de consensus des 13 et 14 février 2013, vient moderniser le droit des peines et améliorer leur efficacité. Pour ce faire, elle favorise le prononcé de peines individualisées, répondant au triple objectif de sanction de l'acte délictueux, de réinsertion de l'auteur de l'infraction et de réparation du préjudice de la victime.