14ème législature

Question N° 59866
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > contrainte pénale. perspectives.

Question publiée au JO le : 08/07/2014 page : 5785
Réponse publiée au JO le : 29/12/2015 page : 10805
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'expérience californienne en matière de surpopulation carcérale. Joan Petersilia, criminologue reconnu, favorable aux peines alternatives, a analysé une réduction de 25 % de la population carcérale californienne de 174 000 détenus. Ils ne sont plus aujourd'hui que 114 000, à l'image de ce que notre pays veut réaliser. À la suite de cette expérience, la criminalité en Californie est plus importante qu'ailleurs aux États unis d'Amérique notamment en matière d'atteintes aux biens. La libération de 50 000 détenus ne peut se faire sans conséquences sur la criminalité. À l'image de l'expérience californienne, le projet de la « contrainte pénale » risque davantage la capacité opérationnelle des services de police comme il renforcera le laxisme judiciaire. Il lui demande s'il n'apparaît pas évidemment inutile et dangereux pour la France de tenter des expériences de libérations massives de détenus qui ont échoué ailleurs à baisser la criminalité.

Texte de la réponse

La France est affectée par une surpopulation carcérale importante et ancienne, entraînant des conditions de travail pénibles pour les personnels ainsi que des conditions de détention indignes pour les personnes condamnées rendant difficile leur prise en charge. Le nombre de personnes détenues a augmenté de 35% en dix ans (48 594 au 1er janvier 2002 contre 64 787 au 1er janvier 2012) alors que la population française n’a augmenté que de 7% durant cette période. De même, la durée moyenne de la partie ferme des peines d’emprisonnement pour les condamnations en état de récidive légale est passée de 8,2 mois à 11 mois entre 2004 et 2010. Or, la peine de prison ne prévient pas la récidive. La principale étude réalisée en France en 2011 sur la récidive des personnes condamnées établit que 63% des personnes sortant de prison sans aménagement de peine font à nouveau l’objet d’une condamnation dans les cinq années qui suivent la libération. Ce taux est de 55 % pour les personnes libérées dans le cadre d’un aménagement de peine sous écrou (placement à l’extérieur, semi-liberté ou surveillance électronique) et de 39 % pour les sortants en libération conditionnelle. Il est de 45 % pour les personnes condamnées à une peine alternative - sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général (source : Annie Kensey – Qui ne récidive pas ? Ouvrage collectif sous la direction de Marwan Mohammed – les sorties de délinquance – La Découverte 2012). La politique pénale menée entre 2002 et 2012 et privilégiant ce recours à l’incarcération n’a pas permis que la sécurité de nos concitoyens soit fondamentalement mieux assurée. Elle n’a en outre fait qu’accroitre la surpopulation carcérale. Sur la base de ces constats, la garde des sceaux a impulsé une nouvelle politique pénale dont les axes forts ont été définis dès septembre 2012 à travers une circulaire de politique pénale. L’objectif de cette nouvelle politique pénale a été d’opérer un changement au bénéfice de solutions plus pragmatiques et ayant démontré leur utilité pour promouvoir la sécurité de tous. L’individualisation de la peine et de son exécution doit être recherchée à tous stades de la procédure. La lutte contre la surpopulation carcérale est également un axe fort de cette politique. La garde des sceaux a, dès le 19 septembre 2012 à l’occasion de sa circulaire de politique pénale générale, fait du développement des aménagements des peines d’emprisonnement ferme, qui favorisent la réinsertion du condamné et la prévention de la récidive l’une des priorités de son action. Dans un même souci de prévenir la récidive,  la loi no 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, inspirée par les travaux de la conférence de consensus des 13 et 14 février 2013, vient moderniser le droit des peines et à améliorer leur efficacité. Pour ce faire, elle favorise le prononcé de peines individualisées, répondant au triple objectif de sanction de l’acte délictueux, de réinsertion de l’auteur de l’infraction et de réparation du préjudice de la victime. Partant du constat que toute sortie accompagnée est mieux à même de réduire le risque de récidive, la loi a créé tout d’abord un dispositif d’examen obligatoire en commission d’application des peines de la situation de toute personne exécutant une ou plusieurs peines d’une durée totale inférieure ou égale à 5 ans, arrivée aux deux tiers de sa peine, en vue du prononcé éventuel, par le juge de l’application des peines, d’une mesure de libération sous contrainte. Loin des expériences de « libérations massives » évoquées, les premiers retours des juridictions sur la mise en place de ce dispositif montrent qu’il est employé avec mesure et discernement par les juges de l’application des peines. Toujours dans le souci de favoriser la prévention de la récidive, la création de la peine de contrainte pénale, issue des travaux de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, vise à contrebalancer la prépondérance de la peine d’emprisonnement. Il s’agit d’une peine de probation en milieu ouvert qui vise à favoriser la désistance du condamné par la personnalisation de la sanction pénale et la mise en place d’un suivi évolutif, renforcé et pluridisciplinaire. Par le caractère contraignant du suivi qu’elle instaure, la contrainte pénale a vocation à être prononcée à la place des courtes peines d’emprisonnement, dont l’inefficacité en matière de lutte contre la récidive est établie, et qui ne permettent pas d’engager un travail de réinsertion. Dans tous les cas, et ce dans le souci de mesurer pleinement les effets des nouvelles dispositions et les éventuelles améliorations à y apporter, la loi a prévu que le gouvernement, dans les deux ans suivant sa promulgation, remette au Parlement un rapport sur son évaluation et notamment sur la mise en œuvre de la contrainte pénale. Cette politique volontariste a permis de juguler l’augmentation du nombre de personnes détenues, sans pour autant que la sécurité de nos concitoyens ne soit moins bien préservée.