14ème législature

Question N° 60946
de M. Stéphane Demilly (Union des démocrates et indépendants - Somme )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal

Tête d'analyse > légitime défense

Analyse > régime juridique. perspectives.

Question publiée au JO le : 22/07/2014 page : 6142
Réponse publiée au JO le : 23/09/2014 page : 8110
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le régime juridique de la présomption de légitime défense. À ce jour, l'article 122-6 du code pénal limite l'application de la présomption de légitime défense aux personnes agissant pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ou pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Ces dispositions excluent de l'application de la présomption de légitime défense et du renversement de la charge de la preuve les personnes intervenant pour porter secours aux personnes victimes d'une atteinte physique. Or cette absence de présomption au profit des personnes agissant dans ce cadre perdure au détriment du droit des victimes et ne saurait qu'être défavorable à la protection de ces dernières. En outre, la législation en vigueur apporte peu de protection juridique aux personnes portant secours aux victimes d'agression. Par conséquent, les personnes qui, animées par leur civisme, souhaitent porter assistance à autrui tendent de plus en plus à s'abstenir car elles ne sont confortées par aucune protection juridique particulière. Par ailleurs, il souhaite attirer l'attention de la ministre sur le fait que le projet de loi tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales, adopté en 1e lecture, après engagement de la procédure accélérée, par l'Assemblée nationale le 10 juin 2014 n'aborde en aucun point cette question primordiale qui est celle du régime juridique de la présomption de légitime défense, renforçant ainsi les vives inquiétudes liées à la protection des victimes d'atteinte à leur intégrité physique. Aussi, il la prie de bien vouloir lui indiquer ses intentions pour faire évoluer le régime juridique de la légitime défense, notamment en instaurant une présomption de légitime défense au profit de celui qui intervient pour porter secours à la victime d'une agression.

Texte de la réponse

La loi favorise et protège toute tentative d'un tiers de porter secours à une personne agressée. L'incitation législative est illustrée par l'existence du délit de non-assistance à personne en danger ou omission de porter secours prévue par l'article 223-6 du code pénal qui sanctionne d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75000 euros quiconque qui, sans risque pour lui ou pour les tiers, s'abstiendrait volontairement d'empêcher un délit contre l'intégrité corporelle d'une personne. La protection de tout individu qui, mu par le civisme, tenterait d'empêcher une agression dont il serait témoin, est en outre assurée par le régime de la légitime défense. Cette cause d'irresponsabilité pénale assure en effet l''impunité de celui qui, pour repousser une agression actuelle et injuste le menaçant ou menaçant autrui, est amené à commettre une infraction lésant l'auteur du péril. Comme pour toutes les causes d'irresponsabilité pénale, il incombe en principe à la personne poursuivie de démontrer qu'elle a agi en état de légitime défense. Le ministère public qui a pour tâche de démontrer, le cas échéant, l'existence des éléments matériels et intellectuels indispensables à la caractérisation de toute infraction devra, dans pareille hypothèse, répondre à l'argumentation de la défense qui arguerait de la légitime défense pour justifier le comportement poursuivi. Ce n'est que de manière exceptionnelle et pour épouser des situations qui correspondent a priori à des atteintes injustifiées dont il est légitime de se défendre que le législateur a édicté une présomption de légitime défense à l'article 122-6 du code pénal. Ne cédant que face à la preuve contraire, celle-ci vise deux hypothèses spécifiques : pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité et pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Cette présomption se justifie aisément par le fait que les circonstances mêmes des faits notamment le lieu où ils sont commis (domicile de la personne arguant de la légitime défense) sont de nature à limiter grandement toute contestation éventuelle sur la réalité de la légitime défense. Ce raisonnement ne saurait cependant prévaloir pour les autres types d'agressions lesquels demeurent soumis au régime général prévu à l'article 122-5 du code pénal. Cette distinction légalement définie fut le fruit de débats doctrinaux et d'une longue évolution jurisprudentielle finalement consacrée par le code pénal en 1994.