14ème législature

Question N° 60984
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > énergie et carburants

Tête d'analyse > énergie nucléaire et Areva

Analyse > nucléaire civil. sous-traitance. conditions de travail.

Question publiée au JO le : 22/07/2014 page : 6117
Réponse publiée au JO le : 25/11/2014 page : 9837
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la situation des personnels salariés en sous-traitance dans le secteur du nucléaire civil. Dans une précédente question écrite n° 26714 du 5 mai 2013, restée sans réponse, il attirait l'attention du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la situation de ces personnels. Comme précisé, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a récemment recommandé un encadrement de la sous-traitance en cascade pour l'ensemble des activités du secteur nucléaire civil. Déplorant que « dans certains cas, il pouvait y avoir jusqu'à 8 niveaux de prestataires », l'Office juge que de telles pratiques « font froid dans le dos car la multiplication des niveaux est source de lourdeurs et d'erreurs. Elle conduit à une dilution extrême des responsabilités et s'avère difficile à identifier ». Ces conclusions confirment les inquiétudes exprimées par la fédération CGT mines-énergie sur le fait qu'EDF a privilégié la sous-traitance, plutôt que la formation des agents, sur certains métiers décisifs en matière de sécurité (robinetiers, chaudronniers, calorifugeurs, décontamineurs). Les sous-traitants dénoncent par ailleurs la pression sur le temps et sur les coûts imposée par les exploitants. Appels d'offres et contrats trop courts, salariés pressurés et soumis à la contrainte d'arrêts de tranche toujours plus courts, multiplication des contrats précaires et d'intérim conduisent à une grave aggravation des conditions de travail et de sécurité au travail du secteur. Même le rapport annuel 2013 de l'inspecteur général pour la sûreté nucléaire et la radioprotection d'EDF rappelle que le « turn-over s'accélère » chez les sous-traitants, avec en toile de fond des prises de risque et des contournements volontaires de la réglementation en matière de contrôle des doses reçues. Ce choix d'un recours massif à la sous-traitance, fait sous la pression de la rentabilité du groupe, aboutit aujourd'hui à ce que 80 % des tâches de maintenance soient effectuées par les entreprises en sous-traitance. Cette situation, qui se double d'un déficit marqué de recrutement et de formation chez EDF, marquant une perte de savoir-faire et une dilution de la culture de radioprotection, conduit aussi à rendre moins visible le risque sur la santé au travail de salariés peu suivis et en constant turn-over. Devant la gravité de la situation dans ce secteur clé de l'industrie française, il souhaite connaître les mesures concrètes qu'elle envisage de prendre pour que les conditions de travail et la sécurité sanitaire des salariés travaillant dans le secteur soient mises en conformité avec la législation nationale. Plus largement, pour toutes les activités liées au secteur nucléaire, il désire savoir quelles mesures législatives sont envisagées pour mettre un terme aux activités sous-traitées et permettre une prévention efficace, ainsi qu'un suivi obligatoire et indépendant, de tous les salariés en activité sur les sites nucléaires.

Texte de la réponse

Le droit de recourir à des prestataires fait partie de la liberté du commerce et de l'industrie, y compris pour les exploitants d'installations nucléaires, et est pertinent dans de nombreuses situations, pour des raisons économiques mais également pour des raisons de sûreté. C'est le cas par exemple pour certaines opérations spécifiques où le recours aux meilleurs spécialistes est a priori gage de qualité. L'arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base (« arrêté INB ») pose des limites aux recours aux prestataires et à la sous-traitance : - l'exploitant doit assurer une surveillance très encadrée de ses prestataires réalisant des opérations importantes pour la sûreté, et depuis cet arrêté, il doit réaliser en propre cette surveillance et ne peut plus la sous-traiter ; - l'exploitant doit disposer en interne (ou dans une filiale) des compétences techniques pour comprendre et s'approprier de manière pérenne les fondements de son activité nucléaire ; il doit disposer en interne (strictement) des capacités techniques suffisantes pour prendre toute disposition conservatoire en cas d'urgence. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, adopté le 14 octobre par l'Assemblée nationale, prévoit en outre d'encadrer ou de limiter le recours à la sous-traitance dans le secteur nucléaire par un décret en Conseil d'Etat. Il prévoit également qu'un décret détermine les règles relatives à l'organisation, au choix et au financement du service de santé au travail ainsi qu'aux modalités de surveillance de l'état de santé des salariés exerçant une activité de sous-traitance dans l'industrie nucléaire. Sur demande des pouvoirs publics, le Comité stratégique de la filière nucléaire a élaboré un cahier des charges social, destiné à être intégré par les exploitants dans leurs appels d'offre, afin d'organiser et de réguler la relation entre les exploitants et leurs sous-traitants. Ce document, élaboré par l'ensemble des parties prenantes (exploitants nucléaires, organisations syndicales, organisations professionnelles, administrations et entreprises prestataires), a été finalisé en juillet 2012. Il intègre notamment la limitation des niveaux de sous-traitance et l'encadrement du recours à l'intérim dans un souci d'améliorer la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, ainsi que des dispositions relatives aux conditions de travail et de séjour autour des sites nucléaires, des mesures pour favoriser le maintien de l'emploi lors du renouvellement des marchés, et des dispositions permettant d'améliorer le suivi médical des salariés des entreprises prestataires. Le cahier des charges social est depuis mis en oeuvre par les exploitants, cette mise en oeuvre étant suivie régulièrement par le Gouvernement et l'ensemble des parties prenantes.