14ème législature

Question N° 61322
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Affaires européennes

Rubrique > politique extérieure

Tête d'analyse > aide au développement

Analyse > soutien à l'initiative privée. financements. perspectives.

Question publiée au JO le : 22/07/2014 page : 6071
Réponse publiée au JO le : 23/06/2015 page : 4743
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 28/10/2014
Date de renouvellement: 03/02/2015
Date de renouvellement: 12/05/2015

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes, sur les aides financières accordées par les pays membres de l'Union européenne aux projets privés dans les pays en voie de développement. Selon le rapport publié en juillet par le réseau européen sur la dette et le développement (Eurodad), plus de la moitié de cet argent alloué au secteur privé serait attribué par des institutions financières, dont des banques d'investissement. Ces institutions de financement du développement (IFD), dont font partie la Banque européenne d'investissement (BEI) et la Société financière internationale (SFI), structure de la Banque mondiale, jouent un rôle de plus en plus important dans le financement de l'aide au développement ; elles devraient investir 73,5 milliards d'euros dans le secteur privé d'ici 2015. Or il semblerait que cette aide au développement soit en grande partie orientée vers les banques d'investissement et entreprises multinationales occidentales plutôt que vers les entreprises locales des pays en voie de développement. Ainsi, le rapport assure que seulement 25 % des entreprises aidées par la BEI et la SFI pendant la période de 2006 à 2010 étaient établies dans des pays à bas revenus. En outre, 40 % des entreprises bénéficiaires d'aide au développement seraient des multinationales cotées sur les plus grands marchés boursiers du monde. Ainsi, la BEI aurait attribué en vertu d'un « mandat de développement durable » un prêt de 14 millions d'euros pour la rénovation du Club Med Yasmina en 2012. En outre, les représentants des pays en développement estiment avoir peu de poids sur le fonctionnement et la prise de décisions au sein des IFD ; à la SFI, les pays en développement représenteraient moins de 30 % des votes. Le rapport Eurodad regrette enfin le fait que les institutions de financement du développement soient moins transparentes dans leur fonctionnement que les organisations d'aide au développement, et ne publient que peu d'informations sur leurs activités. Il souhaite donc connaître son avis sur les conclusions du rapport cité, au vu de l'enjeu majeur que représente le soutien à l'initiative privée dans les pays en voie de développement pour une meilleure répartition des richesses dans le monde.

Texte de la réponse

Le soutien au secteur privé dans les pays en développement constitue un enjeu essentiel pour la lutte contre la pauvreté : ce secteur fournit près de 90 % des emplois dans ces pays. Des réflexions sont en cours au sein de l'Union européenne sur cette thématique dans le cadre notamment de l'agenda international post-2015. La Commission européenne a ainsi adopté en mai 2014 une communication intitulée « un rôle plus important pour le secteur privé en vue de parvenir à une croissance inclusive et durable dans les pays en développement » et sur laquelle reposent les travaux en cours. Pour la période 2008-2013, tous dispositifs confondus, le soutien de l'Union européenne au secteur privé dans les pays en développement a représenté 2,4 milliards d'euros. La communication de la Commission européenne dessine des pistes d'actions pour améliorer l'efficacité de cette aide européenne. La France, pour sa part, promeut un recours plus important aux mécanismes de mixage prêt-dons dont l'objectif est de faciliter, par effet de levier, l'accès aux financements pour des investissements conséquents, notamment des projets d'infrastructures (énergie, transports, eau, environnement), en lien étroit avec les objectifs du développement durable du cadre post-2015 ainsi qu'avec ceux de la COP 21. Le rapport d'Eurodad porte spécifiquement sur le soutien au secteur privé par les institutions de financement du développement, principaux acteurs en matière de développement de ce secteur. Les institutions de financement du développement sont complémentaires des agences de développement ainsi que des banques commerciales privées. Elles participent au financement du développement au sens large mais leurs activités ne remplissent généralement pas les critères de l'aide publique au développement selon la définition de l'OCDE. En effet, alors que les agences de développement ou les guichets « concessionnels » (par exemple l'AFD ou l'Association internationale de développement, rattachée au groupe Banque mondiale) agissent principalement auprès des acteurs publics, les institutions de financement du développement opèrent directement auprès des acteurs du secteur privé et ont pour mandat le développement du secteur privé. Par conséquent, elles se positionnent en complément de l'offre commerciale pour répondre aux insuffisances de marché en finançant des opérations économiquement viables et financièrement rentables. Ces investissements peuvent aussi constituer un levier pour permettre la mobilisation ultérieure d'autres ressources privées. La Société financière internationale (SFI), mentionnée dans le rapport d'Eurodad, juridiquement et financièrement indépendante de la Banque mondiale, a pour mandat de « stimuler l'expansion économique en encourageant le développement d'entreprises privées de caractère productif dans les États membres, en particulier dans les régions moins développées, en vue de compléter ainsi les opérations de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement [BIRD] ». Elle poursuit les deux objectifs de la Banque mondiale (réduction de la pauvreté et prospérité partagée dans un cadre soutenable) et son Conseil d'administration a fait de l'intervention dans les pays les plus pauvres ou fragiles une de ses cinq priorités. Ainsi, ses investissements dans ces pays ont été multipliés par huit depuis 2005 pour atteindre 8,5 milliards de dollars sur l'exercice 2014 (dont 1,6 milliard mobilisé auprès d'autres investisseurs). Concernant spécifiquement les États fragiles ou touchés par un conflit, les investissements ont augmenté de 20 % entre 2013 et 2014 pour atteindre 950 millions de dollars en 2014. Par ailleurs, la SFI a soutenu plus de 4 millions de petites et moyennes entreprises locales en 2013. Le rapport Eurodad cite également Proparco, société anonyme filiale à 63 % de l'AFD en charge du développement du secteur privé. L'objet social de Proparco est d'intervenir auprès du secteur privé dans les pays en développement. Son activité annuelle s'élève à 1,1 milliard d'euros, dont près la moitié à destination de l'Afrique. Proparco s'est fixée, dans sa stratégie 2014-2019, un objectif de 25 % de ses volumes de financement dans les pays dits frontières, définis comme étant les pays les moins avancés, les pays à faible revenu et les pays en transition ou en sortie de crise. Proparco intervient dans le strict principe de subsidiarité par rapport à l'offre de financement locale. S'agissant enfin de la Banque européenne d'investissement, la structure de son activité ainsi que son mandat diffèrent des autres institutions mentionnées par Eurodad. Elle opère en effet à 90 % au sein de l'Union européenne.