éducation nationale : académies
Question de :
Mme Sandrine Mazetier
Paris (8e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Mme Sandrine Mazetier interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la perspective d'une redéfinition des académies d'Ile-de-France. En effet, la persistance de très profondes inégalités de destin scolaire au sein de la région Ile-de-France d'une part, et l'affirmation de la métropole du grand Paris d'autre part, devraient amener à repenser le périmètre des académies actuelles. Les bons résultats aux diplômes du bac et du brevet des collèges sont concentrés dans les zones géographiques les plus privilégiées en termes de capital économique et culturel, soit l'Ouest parisien et l'ouest de Paris. C'est pourquoi elle lui demande si de telles évolutions sont à l'étude au ministère et quels moyens sont mis en œuvre pour lutter contre les inégalités de destin scolaire en Ile-de-France d'une part et de l'Ile-de-France par rapport au reste du territoire national d'autre part.
Réponse publiée le 27 janvier 2015
Il apparaît en effet en Ile-de-France des différences de réussite entre académies et départements correspondant globalement aux contours géographiques, même si des nuances existent. Ainsi, au diplôme national du brevet, le taux de réussite était de 87 % à Versailles en 2013, 84,7 % à Paris et 83,2 % dans l'académie de Créteil (moyenne nationale : 84,7 %). L'observation des résultats au niveau départemental montre que les Hauts-de-Seine et les Yvelines affichent des résultats supérieurs (respectivement 88,5 et 89,2%) aux autres départements de la petite couronne (Val-de-Marne : 84 %, Val-d'Oise 83,2 % et Seine-Saint-Denis 80,8%). Il en est de même pour le baccalauréat. Toutes séries confondues, en 2013, l'académie de Paris affiche un taux de réussite de 88%, devant Versailles (86%) et Créteil (82%), alors que la moyenne nationale est de 87%. Au niveau départemental, on observe que les Yvelines (89,4%) et les Hauts-de-Seine (87,4%) obtiennent des résultats bien plus satisfaisants que le Val-de-Marne (83,9%), le Val-d'Oise (81,4%) ou la Seine-Saint-Denis (78,3%). L'observation de l'origine sociale des élèves conforte l'analyse. A Paris, la proportion d'élèves de condition sociale défavorisée entrant en 6e était de 16,6 % en 2013. Dans l'académie de Versailles, elle était de 23,3 % et dans l'académie de Créteil de 35,5%, ce qui est proche de la moyenne nationale 35,2%. L'examen au niveau départemental indique que les élèves issus de familles socialement défavorisées sont bien moins nombreux dans les Hauts-de-Seine (15,7%) et dans les Yvelines (18,8%) que dans le Val d'Oise (32,6%) ou la Seine-Saint-Denis (42,6%) et, dans une moindre mesure, dans le Val-de-Marne (25,7%). Il en est de même pour les taux de réussite au baccalauréat, celui des enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures étant le plus élevé, suivi par celui des enfants d'agriculteurs exploitants. Ainsi en 2013, le taux de réussite des enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures reste toujours en tête pour le baccalauréat général. Pour les baccalauréats technologique et professionnel, celui des enfants d'agriculteurs est le plus élevé. C'est au baccalauréat général que l'écart de taux de réussite entre les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures et ceux d'ouvriers est le plus important : 8,6 points. Il diminue très légèrement de 0,9 point par rapport à l'année passée. À l'inverse, l'écart entre ces deux classes sociales est minimal au baccalauréat technologique (5,8 points) et stable par rapport à 2011. Dans la voie professionnelle, l'écart augmente fortement (7,4 points en 2012 contre 5,2 en 2011), conséquence d'une baisse du taux de réussite plus marquée chez les enfants d'ouvriers (- 6,2 points) que chez les enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures (- 4 points). En réalité, le creusement des inégalités sociales et la concentration de populations en grande difficulté sur certains territoires ont été tels depuis plus de dix ans que la mixité sociale a reculé, voire disparu dans beaucoup d'écoles et d'établissements. La France se classe au 27e rang des 34 pays de l'OCDE du point de vue de l'équité scolaire. Même si le système éducatif français a fait de grands progrès depuis quarante ans en triplant le nombre d'élèves d'une génération accédant au baccalauréat, toutes conditions sociales réunies, il ne reste pas moins vrai que le lien entre difficultés socio-économiques et moins bonne réussite scolaire reste une de ses caractéristiques. C'est pourquoi, la politique d'éducation prioritaire actuellement en cours de refondation a pour objectif de corriger l'impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire par un renforcement de l'action pédagogique et éducative dans les écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales. L'exigence de justice étant au coeur de cette politique, le périmètre de l'éducation prioritaire doit donc être cohérent avec celui de la difficulté sociale. Le ministère a ainsi construit un indice social permettant de mesurer les difficultés rencontrées par les élèves et leurs parents, et leurs conséquences sur les apprentissages. Cet indice prend en compte la part d'élèves dont les parents appartiennent aux catégories socioprofessionnelles défavorisées, la part d'élèves boursiers, la part d'élèves résidant en zones urbaines sensibles et la part d'élèves arrivant en sixième avec au moins un an de retard. La politique d'éducation prioritaire distinguera désormais deux niveaux d'intervention. Les réseaux d'éducation prioritaire (REP) regroupent les collèges et les écoles rencontrant des difficultés sociales plus significatives que celles des collèges et écoles situés hors éducation prioritaire. Les REP+ concernent les quartiers ou les secteurs isolés qui connaissent les plus grandes concentrations de difficultés sur le territoire. À la rentrée 2015, les dispositifs REP et REP+ seront mis en place et les dispositifs Eclair et RRS disparaîtront. Pour les écoles et établissements hors éducation prioritaire, l'allocation progressive des moyens s'applique en fonction de la difficulté sociale et permet de mieux différencier les réponses pédagogiques au niveau des difficultés rencontrées. Ainsi un établissement ou une école qui accueille une population partiellement défavorisée doit être proportionnellement mieux doté qu'un établissement ou une école qui accueille une population presque exclusivement favorisée. Dès la rentrée 2014, 102 REP+ dits préfigurateurs, qui couvrent l'ensemble des académies, ont été identifiés par les recteurs sur la base de cet indice social et de la qualité des projets de réseaux portés par les collèges et les écoles. L'académie de Paris comptera 4 REP+ à la rentrée 2015, l'académie de Versailles 23, l'académie de Créteil 34. Pour autant, l'éducation prioritaire ne constitue pas un système éducatif à part. Elle permet que le système éducatif soit le même pour tous dans des contextes sociaux et territoriaux différenciés avec la même hauteur d'exigence : il s'agit de réduire à moins de 10 % les écarts de résultats entre les élèves scolarisés en éducation prioritaire et ceux scolarisés hors éducation prioritaire dans la maîtrise des compétences de base en français et en mathématiques sans que les résultats globaux ne baissent. Il devra être également atteint pour tous les savoirs et toutes les compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, actuellement en cours d'élaboration. Enfin, la performance du système éducatif ne se réserve pas aux seuls résultats aux examens, et notamment à ceux du diplôme national du brevet et du baccalauréat. En effet, ces indicateurs ne mesurent que la réussite des élèves ayant atteint la classe de terminale et se présentant aux examens et les résultats peuvent varier considérablement entre établissements à public scolaire comparable. D'autres indicateurs permettent de mieux évaluer les parcours des élèves et de les mettre en perspective avec les politiques éducatives menées au plus près des élèves : une meilleure fluidité des parcours et une réelle politique d'orientation favorisent une plus grande ambition scolaire pour les élèves les plus fragiles. Ces leviers mobilisés quotidiennement par les équipes pédagogiques et éducatives contribuent, au-delà de la définition même du périmètre géographique d'une académie, à lutter contre tout déterminisme social afin d'assurer une plus grande équité au sein et entre les territoires. Le système éducatif est à l'oeuvre, dans le cadre des périmètres actuels des académies, pour réduire les inégalités et pour que l'école apporte à tous la garantie d'un accès à une qualification et à une insertion professionnelle réussie. Les effets attendus du Grand Paris sur l'urbanisme, le logement, l'économie, la culture et les transports seront de nature à résoudre les problématiques exogènes à l'école qui aggravent les déterminismes sociaux. Naturellement, l'éducation nationale, comme l'ensemble des services de l'Etat, prendra toute sa part à cet objectif de justice sociale. Avec la réforme territoriale, elle aura à réfléchir à son action dans un cadre élargi, tout en conservant une gestion de proximité, à l'écoute des parents d'élèves, pour la réussite de tous.
Auteur : Mme Sandrine Mazetier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ministères et secrétariats d'état
Ministère interrogé : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère répondant : Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Dates :
Question publiée le 29 juillet 2014
Réponse publiée le 27 janvier 2015