14ème législature

Question N° 62133
de M. Pierre Morel-A-L'Huissier (Union pour un Mouvement Populaire - Lozère )
Question écrite
Ministère interrogé > Décentralisation et fonction publique
Ministère attributaire > Fonction publique

Rubrique > retraites : fonctionnaires civils et militair

Tête d'analyse > pensions

Analyse > discriminations. perspectives.

Question publiée au JO le : 29/07/2014 page : 6338
Réponse publiée au JO le : 04/10/2016 page : 8044
Date de changement d'attribution: 12/02/2016
Date de renouvellement: 11/11/2014
Date de renouvellement: 03/03/2015
Date de renouvellement: 04/08/2015
Date de renouvellement: 02/08/2016

Texte de la question

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur le régime de retraite des fonctionnaires. Par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que le régime français introduit une discrimination indirecte fondée sur le sexe, en faveur des femmes. Il lui demande son avis sur le sujet.

Texte de la réponse

Dans son arrêt « Leone » du 17 juillet 2014 (affaire C-173/13), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a considéré que les dispositifs de bonification de durée de services au titre des enfants et de départ anticipé en retraite au titre des enfants engendrent une discrimination indirecte en matière de rémunération entre travailleurs féminins et travailleurs masculins, contraire au droit communautaire. La Cour considère en effet que les femmes se trouvent systématiquement en position de satisfaire aux conditions de ces dispositifs, contrairement aux hommes. Pour ne pas être contraires au droit communautaire, ces dispositifs doivent être justifiés par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. La CJUE a estimé que ces facteurs devaient être appréciés par le juge national. Par suite et sur la base de cet arrêt, le Conseil d'Etat, dans sa décision d'assemblée « Quintanel » du 27 mars 2015 (n° 372426), a considéré que ces deux dispositifs de bonification de durée de services au titre des enfants et de départ anticipé en retraite au titre des enfants ne méconnaissent pas le droit communautaire. S'agissant de la bonification pour enfant, le juge national a constaté, d'une part, que ce dispositif ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens du droit communautaire, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées. D'autre part, il a estimé que le législateur de 2003 a entendu maintenir à titre provisoire ce dispositif destiné à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître. Partant, il en a conclu que la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité est objectivement justifiée. Concernant le dispositif de départ anticipé en retraite au titre des enfants, le juge a d'abord constaté que le législateur de 2010 a procédé à une extinction progressive de la retraite anticipée pour les parents de trois enfants et que, ce faisant, ce mécanisme n'est maintenu que transitoirement. Dans ces conditions, le dispositif de départ anticipé en retraite au titre des enfants, pris pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant afin d'offrir une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme est objectivement justifiée. La décision de Conseil d'Etat « Quintanel » permet ainsi de considérer qu'en application de l'arrêt de la CJUE « Leone », des évolutions législatives pour mise en conformité de ces deux dispositifs au regard du droit communautaire ne sont pas nécessaires pour les situations passées. Pour les situations à venir, le Gouvernement considère qu'il y a lieu de poursuivre la réflexion en matière d'égalité entre les femmes et les hommes au regard de la carrière et de la retraite et que des actions restent à mener, tant à l'égard des agents publics que des travailleurs du secteur privé. Cette réflexion avait été amorcée avant l'arrêt de la CJUE et la décision du Conseil d'Etat, l'article 22 de la loi « retraites » de janvier 2014 ayant prévu la remise au Parlement d'un rapport du Gouvernement sur l'évolution des droits familiaux afin de mieux compenser les effets de l'arrivée d'enfants au foyer sur la carrière et les pensions des femmes. Cet article a trouvé application dans le rapport sur les droits familiaux de retraite de M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille, remis au Gouvernement en février 2015, puis transmis au Parlement le 25 mars 2015. Ce rapport constate notamment que, tous régimes confondus, les droits à pension des mères de famille sont moindres que ceux des hommes compte tenu d'une activité professionnelle plus réduite et des inégalités salariales entre les sexes. Il observe également que les droits familiaux de retraite (majorations de durée d'assurance et de pension, départ anticipé en retraite) ont un effet correcteur en ce qu'ils permettent de réduire l'écart de pension entre les femmes et les hommes, mais que, pour autant, la pension moyenne des femmes s'élève à seulement 60 % de celles des hommes (pour la génération 1946). Le rapport indique que cet écart devrait se réduire à long terme mais lentement, puisqu'à l'horizon 2040, la pension moyenne des femmes nées dans les années 1970 devrait être encore inférieure de 20 % à celle des hommes. Enfin il propose plusieurs leviers d'actions : développer la promotion de l'activité et des salaires des femmes et refondre des droits familiaux de retraite, notamment sous l'angle de l'équité inter-régimes.