Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du numérique, sur le bilan de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet pour l'année 2013. Le nombre de recommandations adressées aux internautes en raison de téléchargements illégaux a doublé par rapport à 2012. Aussi ont été envoyés près de 300 000 premiers avertissements et 150 000 deuxièmes avertissements. Il lui demande son avis sur le sujet.

Réponse publiée le 2 décembre 2014

La Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) a été créée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, complétée par la loi n° 2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet. Elle bénéficie du statut d'autorité publique indépendante (autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale). Ses crédits sont inscrits en totalité au budget du ministère de la culture et de la communication. La HADOPI a commencé, au second semestre 2010, à exercer sa mission de protection des oeuvres sur Internet et à mettre en application la procédure dite de « réponse graduée ». Lorsque la HADOPI constate, après saisine par les représentants des ayants droit (sociétés de perception et de répartition des droits, organismes de défense professionnelle, Centre national du cinéma et de l'image animée) ou par le procureur de la République, un fait susceptible de constituer un manquement à l'obligation de surveillance de l'accès à Internet, elle peut envoyer une recommandation. Celle-ci est envoyée par courrier électronique au titulaire de l'abonnement et l'avertit qu'il a manqué à son obligation de surveillance de sa connexion à Internet. En cas de réitération dans un délai de six mois, la Commission de protection des droits (CPD) peut lancer la seconde étape : l'envoi d'une recommandation par courrier électronique, doublée d'une lettre remise contre signature. En cas de nouvelle réitération dans un délai d'un an suivant l'envoi de la seconde recommandation, la CPD informe l'abonné par lettre remise contre signature que ces faits sont susceptibles de poursuites pénales. L'abonné peut alors présenter ses observations dans un délai de 15 jours par courrier ou lors d'une audition. Les procureurs de la République doivent décider ou non de faire appel à un juge, seul habilité à se prononcer sur la légalité du téléchargement et sur la sanction de 1 500 euros d'amende, seule sanction en vigueur depuis l'abrogation par le décret n° 2013-596 du 8 juillet 2013 de la peine de suspension de connexion à Internet. Sur son site Internet, la HADOPI a indiqué avoir envoyé, entre la mise en oeuvre de la réponse graduée en octobre 2010 et le 1er septembre 2014 : - 3 500 503 premières recommandations (par courrier électronique) ; - 359 092 deuxièmes recommandations (par courrier électronique doublé d'une lettre remise contre signature) ; - 1 502 dossiers au stade de la 3e phase (dont 116 transmissions aux tribunaux). Pour chaque année d'activité de la HADOPI, les données suivantes établissent la montée en puissance de la réponse graduée.

BILAN
réponse graduée
2010-2011
(du 01/10/10
au 30/06/11)
2011-2012
(du 01/07/11
au 30/06/12)
2012-2013
(du 01/07/12
au 30/06/13)
2013-2014
(du 01/07/14
au 30/06/14)
Premières recommandations 470 935 682 525 759 387 1 336 634
Deuxièmes recommandations 20 598 82 256 83 299 148 570
Troisièmes phase délibérations 0 340 361 588
Dans près de neuf cas sur dix, la Commission décide de ne pas transmettre les procédures au procureur de la République. Ces décisions sont motivées, le plus souvent, par l'absence de nouveau fait après l'envoi de la lettre de notification ou par l'engagement pris par l'internaute de prendre les mesures propres à prévenir l'utilisation de son accès à Internet à des fins de contrefaçon (en sécurisant son accès WiFi par une clé WPA 2, en désinstallant le logiciel de partage, en mettant en place un contrôle parental, ou encore en modifiant le mot de passe d'accès au WiFi communautaire, etc.). Ce bilan démontre toute la portée du travail de pédagogie accompli par la HADOPI au titre de la réponse graduée, notamment à travers l'augmentation des échanges avec les internautes lors des différentes phases. Si la réponse graduée est pérennisée, il paraît néanmoins nécessaire de distinguer davantage les acteurs et logiques à l'oeuvre derrière les pratiques de téléchargement illégal et d'adapter en conséquence les dispositifs de sanction. C'est dans cette optique que la précédente ministre de la culture et de la communication a signé le décret n° 2013-596 du 8 juillet 2013 supprimant la sanction de la suspension d'accès à Internet. Cette mesure est essentielle parce qu'elle met fin à une sanction inadaptée, au regard du caractère massif des pratiques en cause. C'est également un changement de philosophie, qui repose sur la volonté de ne plus opposer les créateurs et les internautes en menaçant ces derniers d'une coupure de leur accès à Internet, alors que ce dernier est devenu une voie d'accès incontournable à la culture, notamment pour les jeunes. L'axe prioritaire est désormais celui de la lutte contre les sites de piratage, autrement dit contre les sites qui tirent profit des contenus piratés ou dont l'objet même est la mise en ligne d'oeuvres pour lesquelles le droit d'auteur n'est pas respecté, et qui les monétisent sans rémunérer les créateurs. La précédente ministre de la culture et de la communication a ainsi chargé Madame Mireille Imbert-Quaretta, conseillère d'État et présidente de la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), de conduire une mission destinée à élaborer les outils opérationnels permettant d'impliquer les intermédiaires techniques et financiers dans la lutte contre la contrefaçon commerciale en ligne. Le rapport, rendu public en mai dernier, considère que l'implication des acteurs de la publicité et du paiement en ligne est de nature à favoriser la lutte contre la contrefaçon à grande échelle sur Internet. Les recettes provenant de la publicité et des abonnements constituent en effet une importante source de revenus pour les sites de référencement et les sites d'hébergement de contenus illicites. Le rapport relève que les acteurs de la publicité et du paiement en ligne sont déjà engagés dans la lutte contre diverses infractions commises sur Internet et qu'ils ne souhaitent pas être assimilés aux contrefacteurs de droits d'auteur et de droits voisins. Ils se sont déclarés prêts à s'engager dans une démarche spécifique de défense de ces droits pour des raisons tenant au souci de la qualité du service rendu, à la protection de leur image de marque et à la promotion d'un climat de confiance sur Internet. Le rapport propose donc la signature de chartes visant à définir un cadre d'implication des acteurs de la publicité et du paiement en ligne dans la lutte contre la contrefaçon du droit d'auteur et des droits voisins sur Internet et de préciser certaines modalités de leur intervention. Une autorité publique serait chargée en amont de dresser une liste des sites abritant massivement de la contrefaçon, afin que ces acteurs puissent prendre des mesures à l'égard de ces sites sans engager leur responsabilité contractuelle. Le rapport préconise par ailleurs de renforcer l'implication des services d'hébergement en instaurant une injonction de retrait prolongé des contenus contrefaisants préalablement notifiés par les ayants droit. Le rapport constate en effet que les fichiers contrefaisants retirés à la suite d'une notification réapparaissent bien souvent, peu après, sur le même site Internet, ce qui oblige les ayants droit à procéder à de nouvelles notifications. Pour réduire cette difficulté, le rapport propose la possibilité d'enjoindre à un site de communication au public en ligne de faire cesser et de prévenir, pendant une durée déterminée, la réapparition de contenus qui lui ont été signalés comme constituant une atteinte aux droits d'auteur ou aux droits voisins sur le site. Ces propositions sont actuellement examinées afin d'enrichir les orientations du ministère de la culture et de la communication en matière de protection du droit d'auteur et de lutte contre le piratage commercial et donnent lieu aujourd'hui à un travail interministériel.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Culture et communication

Dates :
Question publiée le 29 juillet 2014
Réponse publiée le 2 décembre 2014

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