14ème législature

Question N° 62264
de M. François-Michel Lambert (Écologiste - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Transports, mer et pêche
Ministère attributaire > Transports, mer et pêche

Rubrique > transports ferroviaires

Tête d'analyse > ligne Lyon Turin

Analyse > Cour des comptes. critiques. perspectives.

Question publiée au JO le : 29/07/2014 page : 6389
Réponse publiée au JO le : 16/12/2014 page : 10562
Date de changement d'attribution: 27/08/2014

Texte de la question

M. François-Michel Lambert interroge M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les suites données par le Gouvernement au référé de la Cour des comptes du 1er août 2012 extrêmement critique sur le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. En effet la Cour des comptes a adressé au Premier ministre un référé qui dénonce expressément : un pilotage insuffisant car ne répondant « pas aux exigences de rigueur nécessaires dans la conduite d'un projet d'infrastructure de cette ampleur et de cette complexité » ; un projet disproportionné alors même que « d'autres solutions techniques alternatives moins coûteuses ont été écartées sans avoir toutes été complètement explorées de façon approfondie » ; « des coûts prévisionnels en forte augmentation », « une rentabilité socioéconomique négative », « un financement non défini » et ce dans un contexte « de prévisions de trafic revues fortement à la baisse ». Il souhaiterait donc savoir comment les critiques de la Cour des comptes ont été prises en compte par le Gouvernement et quelles sont les réponses qui ont été apportées.

Texte de la réponse

Le projet de nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin est au coeur des relations franco-italiennes. Répondant aux engagements pris par la France dans le cadre de la convention alpine de 1991, ce projet ambitionne de modifier profondément les conditions d'échanges entre l'Italie, la France et une grande partie de l'Europe dans une réelle perspective de développement durable. Le projet de nouvelle liaison Lyon-Turin ne vise pas seulement à répondre aux besoins de mobilité mais surtout à permettre la mise en place d'un important report modal du trafic routier vers le mode ferroviaire. La nécessité de sécuriser les échanges entre la France et l'Italie à travers les Alpes a été renforcée après que les accidents survenus dans les tunnels alpins en 1999 et 2005 ont mis en évidence la fragilité du système actuel qui repose principalement sur le mode routier. Les caractéristiques techniques des infrastructures ferroviaires existantes ne permettent pas de répondre à cet objectif stratégique. Pour permettre la circulation de trains de fret de tonnage important, il est nécessaire de prévoir la réalisation d'un tunnel doté de pentes faibles, ce qui en détermine la longueur. C'est le même choix qui a été effectué par les principaux États alpins : la Suisse avec les tunnels du Gothard et du Lötschberg, l'Autriche et l'Italie avec le tunnel du Brenner. Il s'agit ainsi d'un projet structurant à l'échelle européenne visant à assurer, dans une vision de long terme, une liaison performante, sûre et de grande capacité entre la France et l'Italie, ainsi qu'avec les autres pays desservis, notamment du corridor méditerranéen. L'action du Gouvernement sur ce projet s'inscrit dans le cadre d'engagements internationaux qui ont été renouvelés par la récente ratification de l'accord franco-italien, signé à Rome le 30 janvier 2012. Le sommet franco-italien qui s'est tenu à Rome le 20 novembre 2013 a été l'occasion de souligner à nouveau le caractère prioritaire que représente la mise en oeuvre du projet pour les deux États, ce que le Premier ministre a récemment confirmé par une déclaration du 17 octobre 2014. Le projet, fait en France, l'objet d'un suivi très attentif par l'ensemble des administrations concernées et un délégué interministériel au projet Lyon-Turin a été désigné en 2009 afin d'élaborer la stratégie afférente au projet et d'en coordonner les actions. Les études et les travaux préliminaires sont effectués sous la responsabilité de la société Lyon Turin Ferroviaire (LTF) SAS, créée à la suite du traité de Turin du 29 janvier 2001 et dont les actionnaires sont Réseau ferré de France (RFF) et Rete ferroviaria Italiana (RFI). Le conseil d'administration de la société est composé de représentants des deux gestionnaires d'infrastructures. Les réunions du conseil d'administration sont préparées entre LTF et les ministères de l'économie, du budget et des transports. Le renforcement du pilotage de l'opération est une préoccupation essentielle des deux Gouvernements. Ainsi, l'accord franco-italien du 30 janvier 2012 prévoit la mise en place d'un promoteur public, contrôlé à parité par les deux États, qui aura pour mission de réaliser le projet. Cette nouvelle entité, qui pourra être mise en place après la réalisation des formalités afférentes, permettra aux deux États de piloter de manière plus étroite cette opération, sur le plan stratégique et sur le plan opérationnel. En effet, les représentants des différents ministères directement concernés siégeront à son conseil d'administration et de nouveaux organes de gouvernance seront créés. L'évolution des coûts depuis 2002, pointée par la Cour des comptes en août 2012, porte sur trois périmètres différents. La nouvelle liaison ferroviaire est en effet composée de trois sections : une section transfrontalière, comportant notamment un tunnel de base de 57 kilomètres et des accès français et italiens à cette section, Elle s'articule, par ailleurs, avec le projet de contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise (CFAL). Le coût de la section transfrontalière est estimé à 8,5 milliards d'euros aux conditions économiques de janvier 2010. Les « descenderies » (galeries techniques) en cours de percement en France constituent les travaux préliminaires dont les enseignements seront utiles à une juste évaluation des coûts, d'une part, parce que le comportement des terrains les plus complexes a pu être analysé, d'autre part, parce que les méthodes constructives appropriées ont pu être conçues et mises en oeuvre. Le surcoût généré par le changement de tracé en Italie, compte tenu du phasage adopté dans l'accord du 30 janvier 2012, ne reviendra pas à la charge de la France puisque le tunnel de l'Orsiera, long de dix-neuf kilomètres et situé en dehors de la section transfrontalière, sera financé entièrement par l'Italie. Dans ces conditions l'évolution du coût global, tenant compte de la variation des prix au cours des années, restera limitée. Il n'en demeure pas moins qu'il sera nécessaire d'examiner ce coût de manière rigoureuse. À cet effet, l'Accord franco-italien du 30 janvier 2012 prévoit qu'un tiers extérieur procède à sa certification. En tout état de cause, compte-tenu de la dimension européenne de cette infrastructure, une participation communautaire au niveau le plus élevé possible - soit 40 % du coût des travaux et 50 % des études - est un élément particulièrement décisif pour sa réalisation. Il est nécessaire d'obtenir la confirmation formelle de la Commission européenne pour ce financement. C'est pourquoi, les deux États présenteront, d'ici le 26 février 2015, une demande de financement conjointe dans le cadre de l'appel à projets lancé par la Commission. Une fois déduite la participation de l'Union européenne, l'accord du 30 janvier 2012 prévoit que la France apportera 42,1 % du montant des travaux qui aura été certifié et l'Italie 57,9 %.