14ème législature

Question N° 62910
de M. Dominique Baert (Socialiste, républicain et citoyen - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > donations et successions

Tête d'analyse > droits de succession

Analyse > réglementation. perspectives.

Question publiée au JO le : 12/08/2014 page : 6822
Réponse publiée au JO le : 03/05/2016 page : 3840
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de signalement: 21/10/2014

Texte de la question

M. Dominique Baert interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possible suppression du droit de retour (prévu à l'article 738-2 du code civil). En effet, si la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a retiré la qualité d'héritier réservataire aux parents du défunt, en contrepartie le législateur a prévu que les parents bénéficient, en l'absence de descendants, d'un droit de retour légal sur les biens qu'ils ont eux-mêmes transmis au défunt : tel est le contenu de l'article 738-2 du code civil. Évidemment ce droit s'exerce cependant dans les limites de la quote-part, à laquelle ils ont droit si d'autres héritiers viennent en concurrence. Sous ces conditions donc, les père et mère bénéficient ainsi, dans la succession de leur enfant, d'un droit de retour impératif sur les biens qu'ils auraient donnés à ce dernier. Malheureusement, en pratique, ce droit de retour semble d'une exécution difficile, et fragilise le règlement successoral. En outre, il entre parfois en conflit avec les droits reconnus au conjoint survivant, à l'instar du domicile du couple par exemple, lorsque ce dernier a été donné au défunt par ses parents. Voilà pourquoi, dans son Livre blanc des simplifications du droit, le Conseil supérieur du notariat envisage, parmi ses propositions, que soit supprimé ce droit de retour. Il lui demande donc si le Gouvernement a la même analyse sur l'application concrète de celui-ci, et s'il envisage de le réformer prochainement.

Texte de la réponse

La loi no 2006-728 du 23 juin 2006, portant réforme des successions et des libéralités, en instaurant un droit de retour au profit des père et mère, a poursuivi un objectif particulier : ce droit apparaît comme la contrepartie de la suppression, par cette même loi, de leur qualité d'héritiers réservataires. Il ne s'agit donc pas tant d'un mécanisme dérogatoire de dévolution des biens fondé sur leur origine, que d'un substitut de réserve à vocation alimentaire. Il présente à cet égard un caractère d'ordre public et peut s'exercer en valeur, prenant dans ce cas la forme d'une créance contre la succession. La mise en oeuvre de ce droit peut certes poser quelques difficultés pratiques d'évaluation dès lors qu'il doit s'imputer sur les droits successoraux des père et mère sans pouvoir excéder le montant de leurs quote-parts ab intestat. Elle peut susciter également des interrogations lorsque le bien restituable en nature se trouve être d'une valeur excédant ce montant, la question étant alors celle de la licitation du bien aux fins de versement à l'intéressé de la fraction autorisée du prix ou de l'attribution à son profit du bien dans son intégralité moyennant le paiement d'une soulte. Elle pose aussi la délicate question de son articulation avec le droit viager au logement du conjoint survivant issu de la précédente réforme réalisée par la loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001, relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral, lorsque ce conjoint habite un logement donné au de cujus par ses parents. Il importe toutefois de relever que ce droit de retour a été envisagé comme un droit à caractère subsidiaire, offrant un régime légal protecteur ayant vocation à jouer faute de volonté clairement exprimée par les parents lors de la donation faite à leur enfant. Il s'ensuit que l'application de ce droit se trouve écartée si ceux-ci ont stipulé une clause de retour comme le leur permet l'article 951 du code civil. Or le retour conventionnel, très fréquent en pratique, ayant pour effet d'anéantir rétroactivement la libéralité,  n'engendre pas dans sa mise en oeuvre les difficultés rencontrées pour l'application du retour légal. Dès lors, au regard de la finalité alimentaire du droit de retour légal, qui de surcroît n'est utilisé que de manière résiduelle,  il n'est pas envisagé de le supprimer.