14ème législature

Question N° 62998
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Famille, personnes âgées et autonomie
Ministère attributaire > Famille, personnes âgées et autonomie

Rubrique > personnes âgées

Tête d'analyse > santé

Analyse > surmédicalisation. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 12/08/2014 page : 6817
Réponse publiée au JO le : 27/01/2015 page : 593
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de renouvellement: 18/11/2014

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie, sur l'utilisation de médicaments anticholinergiques chez les seniors. Ces substances sont employées pour traiter un grand nombre de troubles d'origine variée, touchant particulièrement les personnes âgées, comme l'insomnie, l'hypertension artérielle ou le glaucome. De nombreuses études ont démontré les effets néfastes de ces médicaments sur la santé des seniors. Récemment, l'Université d'East Anglia a analysé les résultats de 46 études ayant impliqué plus de 60 000 personnes. Outre les effets sur la cognition déjà connus, les chercheurs ont mis en évidence de façon précise l'impact de ces médicaments sur la santé physique, confirmé par 62 % des études disséquées. Les seniors sont davantage sujets aux effets secondaires de ces thérapeutiques qui peuvent aggraver la maladie à l'origine des symptômes ou réveiller une pathologie sous-jacente. Cette sensibilité tient aux dysfonctionnements affectant fréquemment les organes épurateurs de ce public tels que le foie et les reins mais également aux différents traitements suivis qui augmentent la quantité de molécules anticholinergiques dans l'organisme et par conséquent les risques de développer des effets indésirables. Les auteurs de cette enquête rappellent l'importance de lutter contre la surmédicalisation des personnes âgées en privilégiant les mesures alternatives comme la stimulation des seniors plutôt que la prescription de somnifères anticholinergiques. Il lui demande ainsi les intentions du Gouvernement pour promouvoir ces bonnes pratiques.

Texte de la réponse

Les personnes âgées sont particulièrement vulnérables aux effets indésirables (iatrogénèse) des médicaments anticholinergiques dans la mesure où d'une part, elles font souvent l'objet d'une polymédication importante et où d'autre part, elles sont plus sensibles du fait du vieillissement physiologique. De nombreux médicaments ayant des propriétés anticholinergiques sont prescrits en gériatrie, pour traiter diverses pathologies telles que les allergies, la dépression, la maladie de Parkinson, l'incontinence urinaire ou les maladies cardiovasculaires, exposant les personnes âgées à un risque accru d'effets indésirables tels que la confusion, la rétention urinaire ou les chutes. En effet, si certains médicaments sont spécifiquement utilisés pour leurs effets anticholinergiques, d'autres appartenant à diverses classes pharmacologiques (antidépresseurs, antihistaminiques, neuroleptiques, etc.) ont des propriétés anticholinergiques sans rapport avec leurs utilisations et méconnus des cliniciens. La prévention de la iatrogénie médicamenteuse constitue chez le sujet âgé l'une des préoccupations majeures de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). A ce titre, et depuis plusieurs années, les autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments comportent des informations spécifiques aux personnes âgées, notamment dans la notice à destination des patients, telles que des précisions sur les modes d'administration ou des précautions d'emploi à observer en cas d'insuffisance rénale. A ce titre, afin d'apporter une meilleure information aux professionnels de santé, l'ANSM a publié depuis juin 2005 une mise au point sur le bon usage du médicament intitulée « prévenir la iatrogénèse chez le sujet âgé » (www. ansm. sante. fr). Ce document est disponible sur le site internet de l'Agence, et rappelle les règles générales s'appliquant à toute prescription et délivrance de médicament chez les patients âgés. Il y est notamment mentionné que le médecin doit, avant de prescrire, vérifier que les symptômes présentés par le patient ne sont pas des effets indésirables d'un médicament ou d'une association de médicaments antérieurement reçus. Il y est également conseillé de dresser la liste complète des médicaments pris par le patient lors de la décision thérapeutique, qu'ils soient sur prescription ou par automédication. Par ailleurs, la mise au point donne des recommandations précises par classe thérapeutique de médicaments, et souligne, notamment pour les antidépresseurs et les neuroleptiques, la possible survenue d'effets indésirables anticholinergiques. Une surveillance clinique du patient est également requise, et le risque de survenue d'effets indésirables est mentionné pour l'association entre substances anticholinergiques et neuroleptiques « cachés » (flunarizine, métoclopramide). La mise au point mentionne également, concernant les médicaments utilisés dans le traitement de la démence, que les anticholinergiques et les médicaments à action cholinergique ne doivent pas être associés puisqu'ils sont antagonistes. La lutte contre ces manifestations iatrogéniques repose donc sur l'information des praticiens et leur vigilance lors de la prescription, qui ne doit être réalisée que si elle est strictement indispensable, et le suivi de ces traitements. Enfin, la haute autorité de santé (HAS) a édité en novembre 2005 un programme relatif à la prescription médicamenteuse chez le sujet âgé, destiné aux médecins traitants, aux prescripteurs occasionnels et aux médecins hospitaliers. Ce programme propose des protocoles d'élaboration et de suivi de la prescription chez le patient âgé, ainsi que des outils permettant aux professionnels de santé d'évaluer leur pratique en la matière. De plus, une évaluation constante de la sécurité d'emploi des médicaments chez le sujet âgé est effectuée par l'ANSM, notamment dans le cadre de ses missions de pharmacovigilance. Ainsi, en collaboration avec les centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), l'ANSM a mené plusieurs études pour évaluer la part des effets indésirables des médicaments dans les causes d'hospitalisation. L'étude EMIR (effets indésirables des médicaments : incidence et risque) menée en 2007 a permis de déterminer que 3,60 % des hospitalisations étaient dues à une iatrogénie médicamenteuse. S'il est avéré que ce taux d'incidence augmente avec l'âge (4,91 % chez les personnes de plus de 65 ans), la comparaison des résultats de cette étude avec ceux d'une étude, menée dans des conditions similaires en 1998, soit à neuf ans d'intervalle, ne met pas en évidence une augmentation de la fréquence de survenue des hospitalisations pour effets indésirables liés aux médicaments chez les personnes âgées. C'est la raison pour laquelle l'ANSM exerce une vigilance active en matière de surveillance des effets indésirables des médicaments chez le sujet âgé. En effet, parallèlement aux études épidémiologiques permettant d'évaluer la iatrogénie médicamenteuse globale, telles que l'étude EMIR, l'Agence soutient des projets de recherche sur des thématiques plus spécifiques. Ainsi, elle participe à l'étude SIRIUS, dont l'objectif est d'évaluer l'association entre prise de médicaments et hyperthermie ou déshydratation sévère chez les personnes âgées, pour quantifier les facteurs de risque aggravants représentés par les différentes classes pharmacologiques des médicaments en cas de canicule et, par conséquence, de pouvoir proposer des recommandations de bonnes pratiques adaptées. L'ANSM contribue également à une étude de prévalence des effets indésirables médicamenteux chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou d'un syndrome démentiel apparenté, dite étude PEIMA, dont l'objectif est de répondre à la mesure 14 du dernier Plan Alzheimer (amélioration de la connaissance de la iatrogénie dans la démence). De même, l'ANSM participe, au travers de diverses études épidémiologiques d'envergure nationale, à la prévention de la iatrogénie médicamenteuse chez les personnes âgées. Grâce aux résultats déjà obtenus, des recommandations ont pu être formulées et publiées sur le site Internet de l'Agence rappelant les règles de prescription et de délivrance de médicament chez le sujet âgé. Ces règles générales sont complétées par des recommandations spécifiques portant sur les classes thérapeutiques considérées comme ayant le risque plus élevé ou celles qui concernent les pathologies majeures du sujet âgé. Enfin, un document destiné au grand public a également été mis en ligne sur le site internet de l'Agence. D'une manière générale, le souci de la iatrogénie, en particulier chez le sujet âgé, doit être un réflexe lors de toute prescription médicamenteuse. Une prise en charge transversale est nécessaire. En effet, une meilleure prévention de la iatrogénie chez le sujet âgé passe par le respect des recommandations de bon usage, ainsi que par un renforcement de la formation, initiale et continue, des médecins et des autres professions de santé prenant en charge des personnes âgées. Enfin, le plan national d'action pour une politique du médicament adapté aux besoins des personnes âgées fixe quatre axes stratégiques et opérationnels en faveur d'une politique globale claire en matière de prise en charge médicamenteuse chez le sujet âgé en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Les axes de ce plan sont de limiter un recours inadéquat aux médicaments, favoriser les stratégies de soins et d'accompagnement alternatives et/ou complémentaires chaque fois que cela est possible, aider le médecin à gérer au mieux le risque de consommation inadéquate de médicaments chez les personnes âgées, favoriser l'observance et développer l'accompagnement pharmaceutique et améliorer la qualité de la prise en charge médicamenteuse pour les résidents en EHPAD.