Question de : M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur la situation des producteurs de fruits et légumes en France. Une nouvelle fois en cette fin d'été 2014, les producteurs de fruits et légumes de France se trouvent dans une situation économique dramatique. D'une part, ils sont les victimes des importations déloyales au regard des normes sanitaires et sociales des pays tiers. En effet, de très nombreux produits phytosanitaires sont interdits sur leurs cultures et les conditions d'utilisation de ceux qui sont autorisés sont extrêmement rigoureuses. Dans ces conditions, les productions françaises subissent des importations abusives venant des pays qui n'ont pas les mêmes règles sanitaires et qui utilisent toujours des produits de traitement interdits en France. Ces fruits et légumes d'importation ainsi traités seraient interdits à la vente s'ils étaient cultivés dans notre pays, mais sont autorisés s'ils viennent de l'étranger au détriment des consommateurs et des producteurs français. Ce dumping environnemental continue de se doubler d'un véritable dumping social lié aux conditions de travail et de protection sociale des salariés de l'agriculture dans les pays tiers. Par ailleurs, les producteurs doivent désormais faire face depuis quelques jours à des importations massives de fruits et légumes, notamment espagnols, suite aux mesures d'embargo prises par la Russie en lien avec les positions françaises et européennes prises dans le cadre de la crise ukrainienne. Des stocks très importants sont ainsi écoulés à prix bradés sur le marché français, venant casser les prix d'achat à la plus grande satisfaction de la grande distribution qui poursuit sa politique de marges en l'absence d'application du coefficient multiplicateur tel que prévu à l'article L. 611-4-2 du code rural. Au regard de cette situation critique pour ce secteur, il lui demande quelles mesures il compte prendre pour garantir les prix d'achat des fruits et légumes aux producteurs et l'écoulement des productions françaises, notamment par une application immédiate du coefficient multiplicateur, et comment il compte intervenir pour de véritables mesures d'urgence pour ce secteur au niveau européen.

Réponse publiée le 25 août 2015

La plupart des filières fruits et légumes ont connu une campagne d'été 2014 dans des conditions dégradées par l'abondance de l'offre et la superposition des calendriers de production de plusieurs pays producteurs européens. Ces difficultés de campagne ont été amplifiées par l'entrée en vigueur de l'embargo russe le 7 août 2014. En réponse, des mesures ont été adoptées au niveau européen afin d'organiser l'intervention des opérateurs sur les marchés. Plusieurs dispositifs successifs ont ainsi permis, depuis le 18 août 2014, aux organisations de producteurs, ainsi qu'aux producteurs non affiliés à des organisations de producteurs, de distribuer gratuitement à des organismes caritatifs agréés, de retirer du marché et/ou de procéder à des dispositifs de récolte en vert ou de non-récolte des fruits et des légumes en bénéficiant d'un cofinancement européen. Ce dispositif a été prolongé jusqu'au 30 juin 2015. Au-delà des dispositifs d'aide temporaires adoptés au niveau européen pour certains produits périssables, l'ensemble des producteurs de fruits et légumes regroupés en organisations de producteurs peuvent procéder à des interventions sur les marchés à travers leurs programmes opérationnels. De plus, les difficultés ayant été identifiées en amont de la campagne, des actions de promotion génériques s'appuyant sur FranceAgriMer et l'interprofession en 2014 ont permis de relancer la consommation. Au niveau national, des mesures d'accompagnement des entreprises les plus en difficultés (prêts de trésorerie, fonds d'allègement des charges et prises en charge des cotisations sociales) ont été mises en oeuvre au cas par cas, après instruction des demandes par les services compétents, pour permettre aux entreprises agricoles concernées de passer ce cap difficile. L'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime donne au Gouvernement la possibilité d'instaurer, en période de crise conjoncturelle, un coefficient multiplicateur encadrant les marges des fruits et légumes périssables, par la limitation du rapport entre le prix d'achat et le prix de vente. Ce dispositif n'a toutefois jamais été mis en application, en raison notamment de risques d'effets collatéraux, dont celui d'encourager la substitution des produits français par des produits importés. Il ne saurait par ailleurs garantir l'augmentation des volumes mis en marché ni le relèvement mécanique des prix à la production, raison pour laquelle le Gouvernement favorise en premier lieu le dialogue interprofessionnel. D'autre part, les accords de modération des marges de distribution des fruits et légumes frais, signés en application de l'article L. 611-4-1 du code rural et de la pêche maritime, prévoient qu'en période de crise conjoncturelle sur un produit, les groupes de distribution signataires des accords s'engagent à réduire, le cas échéant, la marge brute pratiquée sur ce produit, afin que leur taux de marge brute sur ce produit soit inférieur ou égal au taux de marge brute moyen du rayon fruits et légumes. Par ailleurs, la filière fruits et légumes bénéficie de mesures structurelles à plusieurs niveaux. Au niveau communautaire, le régime d'aide spécifique au secteur des fruits et légumes permet d'investir dans les entreprises agricoles et de concentrer l'offre par l'intermédiaire des organisations de producteurs, rééquilibrant ainsi le partage de la valeur ajoutée entre l'amont et l'aval dans la filière. Les programmes opérationnels permettent ainsi de mobiliser 100 M€ par an de crédits européens sur des actions visant à améliorer l'optimisation de la production, la qualité des produits, l'impact sur l'environnement, la commercialisation des produits, et des mesures soutenant la recherche et l'expérimentation, la formation, ainsi que sur les mesures de prévention et de gestion de crise. En outre, l'action du Gouvernement en matière de coût du travail, à travers le dispositif « travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi » TO-DE) et le dispositif de crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), sera poursuivie. Le pacte de responsabilité et de solidarité contribuera dès 2015 à alléger les charges supportées par les entreprises. Ainsi, l'allègement supplémentaire de charges en 2015 dans le secteur des fruits et légumes s'élèvera à 70 millions d'euros de plus qu'en 2014. A l'initiative de l'interprofession des fruits et légumes frais, des assises des filières fruits et légumes se tiendront en octobre 2015 afin de mettre en perspective les difficultés rencontrées et de définir les solutions à y apporter. Enfin, en ce qui concerne les conditions de concurrence entre production française et d'autres origines, le Gouvernement s'emploie, tant sur le plan européen que dans le cadre de ses relations avec des pays tiers à l'Union, à faire progresser l'alignement des cadres sociaux et environnementaux, tout en s'engageant en faveur de normes sociales, environnementales, sanitaires et phytosanitaires exigeantes. Un effort plus particulier est mené actuellement par la France, soutenue par d'autres pays, plus particulièrement les pays du Sud, Espagne et Portugal en tête, afin de redéfinir les conditions d'entrée des végétaux au sein de l'Union européenne. Il s'agit d'inscrire dans la nouvelle réglementation relative à la santé végétale, en cours de discussion au niveau du Conseil et du Parlement européen, des dispositions permettant d'analyser le risque des filières d'importation des végétaux et d'adapter le dispositif de contrôle afin de prévenir l'introduction de parasites des plantes inconnus en Europe. En effet, une fois ceux-ci introduits ils sont extrêmement difficiles à éliminer et peuvent être à l'origine de calamités agricoles et environnementales.

Données clés

Auteur : M. André Chassaigne

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 26 août 2014
Réponse publiée le 25 août 2015

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