14ème législature

Question N° 63310
de Mme Marietta Karamanli (Socialiste, républicain et citoyen - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales
Ministère attributaire > Affaires sociales, santé et droits des femmes

Rubrique > pharmacie et médicaments

Tête d'analyse > médicaments

Analyse > essais cliniques. métabolisme féminin. prise en compte.

Question publiée au JO le : 26/08/2014 page : 7088
Réponse publiée au JO le : 25/11/2014 page : 9795
Date de changement d'attribution: 27/08/2014
Date de signalement: 11/11/2014

Texte de la question

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la situation des femmes au regard de la prise de médicaments. Selon des études rendues publiques les femmes réagiraient de façon différente des hommes aux médicaments. Leur métabolisme et leurs capacités immunitaires les placeraient dans une situation que ne prendraient en compte que partiellement les études faites avant mise sur le marché, après diffusion et prescription de façon large. Elle lui demande si les agences et organismes en charge de la sécurité, de l'efficacité et du coût des médicaments ont été saisis de ces questions et si des initiatives, y compris en matière d'information des femmes pour les inciter à faire part de leur expérience, sont envisagées pour améliorer la qualité des produits, leur bon usage et l'efficacité des prescriptions.

Texte de la réponse

Les différences pharmacocinétiques (études de l'absorption, distribution, métabolisation et élimination d'un médicament) entre hommes et femmes sont un domaine connu et documenté. Cependant les variations de concentration dans le sang et d'exposition au médicament engendrées par ces différences homme/femme sont rarement suffisamment importantes pour créer une vraie différence d'effet, sauf dans quelques cas particuliers. A ce titre, les autorités de santé et de régulation internationales traitant de la répartition des sexes dans la recherche clinique recommandent d'inclure les deux sexes dans les études, pour autant que la pathologie soit présente et comparable chez les femmes comme chez les hommes, et en prenant des précautions pour éviter d'exposer des femmes enceintes. Les recommandations de l'agence européenne du médicament (EMA) pour les études de bioéquivalence suggèrent également d'enrôler femmes et hommes, sans en faire une obligation. Aussi, conformément à ces standards, lors du dépôt de dossier versé à l'appui d'une demande d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une nouvelle entité chimique, la partie pharmacocinétique doit obligatoirement comporter une section sur la comparaison des expositions au médicament chez les hommes et chez les femmes, au sein de mêmes études ou entre études différentes. En effet, pendant le développement de nouvelles entités chimiques, le laboratoire doit s'assurer au travers d'études spécifiques (hommes versus femmes) et d'analyses mathématiques dites de « pharmacocinétique de population » (qui ont pour but d'affiner les modèles mathématiques décrivant la pharmacocinétique en détectant et incluant des covariables, c'est-à-dire des facteurs les influençant tels que le sexe, mais aussi l'âge, le poids ou certaines catégories de pathologies), de la présence ou de l'absence de différences de pharmacocinétique entre les hommes et les femmes. S'agissant plus particulièrement de la conduite des essais cliniques, en dehors des pathologies spécifiques à un sexe (comme le cancer du sein ou de la prostate), il n'y a pas de critère de sélection des populations d'un essai clinique sur le sexe. Par conséquent, sans autre instruction, le médecin qui inclut un sujet dans un essai n'a pas à s'adresser plus à des hommes qu'à des femmes pour requérir leur participation à un essai. En revanche, des précautions sont prises lorsqu'une femme en âge de procréer participe à un essai clinique, afin de protéger le foetus de tous dangers potentiels et, en cas de prise de contraceptifs oraux, surveiller tout signe qui pourrait attester d'une interaction entre le contraceptif et le médicament. Ensuite, pendant le déroulement de l'essai, tous les sujets inclus dans l'essai doivent être pris en charge de la même manière, sans distinction de sexe (sauf indication contraire motivée) ; de même, tous les événements indésirables observés doivent être rapportés et documentés ; enfin, le lien de causalité entre l'événement rapporté et le médicament étudié doit être évalué. Par ailleurs, en situation préclinique, sauf cas exceptionnel, les études non cliniques sont réalisées chez des animaux des deux sexes et permettent ainsi de mettre en évidence une éventuelle différence d'exposition systémique liée au sexe. Cependant, cette dernière peut varier d'une espèce à l'autre ; aussi l'extrapolation à l'homme n'est-elle pas automatique. Enfin, plusieurs facteurs peuvent venir expliquer les disparités entre sexes quant à leur inclusion dans les essais cliniques et notamment une certaine réticence, par le passé, des femmes à participer aux essais cliniques par manque de disponibilité ou par inquiétude sur les risques liés à une potentielle maternité ; la fréquence des pathologies dans la mesure où il y a une inégalité des sexes devant la maladie pour bon nombre de pathologies non liées au sexe ; une plus faible participation des femmes aux essais lors des phases précoces de l'étude des médicaments chez l'humain. Ces essais dits de phase I, réalisés sur des sujets non malades, portent sur de faibles effectifs et sont l'occasion de décrire le métabolisme du médicament chez l'humain à des doses cliniques et à des doses beaucoup plus fortes. En revanche, dans les phases ultérieures du développement du médicament, les essais portent sur des patients et des effectifs beaucoup plus grands, les femmes y participant pleinement.