14ème législature

Question N° 63550
de M. Marc Francina (Union pour un Mouvement Populaire - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Logement, égalité des territoires et ruralité
Ministère attributaire > Logement, égalité des territoires et ruralité

Rubrique > urbanisme

Tête d'analyse > PLU

Analyse > recours judiciaires. annulations. portée.

Question publiée au JO le : 02/09/2014 page : 7294
Réponse publiée au JO le : 18/11/2014 page : 9658

Texte de la question

M. Marc Francina attire l'attention de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur les recours judiciaires possibles contre les PLU des communes françaises. En effet, les procédures d'établissement de PLU sur les communes sont des procédures longues et coûteuses pour les communes et plus encore pour les communes rurales. Très souvent les communes s'appuient pour élaborer leur PLU sur les conseils des services de l'État via la DDT et la préfecture, sur des urbanistes reconnus... Les procédures prennent souvent entre 2 et 3 années, voire plus, ce qui représente un travail conséquent et un coût manifeste pour une commune. Malgré la validation de l'ensemble des autorités de ces PLU il arrive encore parfois qu'afin de défendre un intérêt particulier, voire un simple intérêt politicien, le nouveau PLU de la commune soit attaqué en justice. Or, dans ces cas-là, ce n'est pas seulement la disposition qui pourrait ne pas être conforme qui est sanctionnée par l'autorité judiciaire mais l'ensemble du PLU. Certaines communes se retrouvent ainsi parfois à devoir reprendre la procédure d'élaboration du PLU à son origine pour parfois un simple vice de forme dans le délai de convocation ou tout autre point de droit. Ne pourrions-nous pas, compte tenu de l'argent public engagé dans ces procédures de PLU, estimer que seule la disposition concernée par l'erreur pourrait être remise en question par la justice et non l'intégralité du PLU ? Il lui demande donc sa position quant à la faisabilité de cette limitation des recours et décisions judiciaires relatives aux PLU des communes.

Texte de la réponse

Plusieurs dispositions récentes permettent d'encadrer le contentieux des documents d'urbanisme. La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové du 24 mars 2014 (ALUR), a ainsi mis en place un nouvel article L. 600-9 dans le code de l'urbanisme. Cet article permet au juge, sous certaines conditions, de surseoir à statuer lorsqu'il est saisi d'une demande d'annulation d'un document d'urbanisme mais que l'illégalité est régularisable. Le document d'urbanisme reste alors applicable dans l'attente de l'adoption d'un nouveau document dans un délai fixé par le juge. Le juge se prononcera ensuite et pourra valider le document puisque l'illégalité aura été régularisée. Il n'y aura ainsi pas de retour à l'application du document d'urbanisme précédent ou du règlement national d'urbanisme, ce qui est normalement le cas lorsqu'un document d'urbanisme est annulé, et pose de nombreux problèmes lorsque le document précédent est très ancien ou la commune fortement urbanisée. Par ailleurs l'arrêt du Conseil d'État « Danthony » (23 décembre 2011, n° 335033) consacre et étend le principe des formalités non substantielles déjà posé par l'article 70 de la loi n° 2011 525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. L'arrêt expose qu'un vice affectant le déroulement d'une procédure suivie à titre obligatoire ou facultatif n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer une influence sur cette décision, ou s'il a privé les intéressés d'une garantie. Il précise que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. En application de cette jurisprudence, la cour administrative d'appel de Lyon a refusé d'annuler un document d'urbanisme pour lequel le centre régional de la propriété forestière avait été consulté au lieu du centre national de la propriété forestière. L'omission d'une formalité pourtant obligatoire n'ayant pas eu d'influence sur la décision, ne privant pas les intéressés d'une garantie et n'affectant pas la compétence de l'auteur du plan local d'urbanisme (PLU), le PLU n'a pas été annulé (CAA Lyon, 24 avril 2012, n° 11LY02039). Cette jurisprudence, combinée aux dispositions de la loi du 17 mai 2011, ouvre ainsi des perspectives intéressantes en matière de contentieux pour des motifs liés à des vices de forme ou de procédure, et ce pour les autorisations de construire comme pour les documents d'urbanisme. Par ailleurs, les annulations partielles des documents d'urbanisme peuvent être mises en oeuvre par les juridictions administratives et la loi pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové (ALUR) du 24 mars 2014 a confirmé cette divisibilité contentieuse des documents d'urbanisme. Elle prévoit dans un nouvel article L. 600-9 du code de l'urbanisme que si l'illégalité n'affecte que le programme d'orientations et d'actions (POA) du plan local d'urbanisme (PLU), les dispositions des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) relatives à l'habitat ou aux transports et déplacements ou, enfin, les plans de secteur du document, le juge peut limiter l'annulation à l'élément concerné. L'article L. 600-9 emploie toutefois le terme « notamment », laissant ainsi ouverte la possibilité pour le juge de prononcer une annulation partielle dans d'autres hypothèses, par exemple pour une erreur de délimitation de zones, comme auparavant. L'annulation ne portera alors que sur le seul zonage concerné et le reste du PLU perdurera. Ce mécanisme est utilisable pour toutes les dispositions divisibles des autres documents d'urbanisme ou de planification (schéma de cohérence territoriale, cartes communales). En ce qui concerne un autre type d'illégalité, lié à l'insuffisance ou au défaut de motivation des rapports d'enquête publique, l'article R. 123-20 du code de l'environnement permet dorénavant à l'autorité responsable de l'enquête publique de saisir le tribunal administratif pour que ce dernier demande au commissaire enquêteur de compléter son rapport. L'autorité compétente dispose d'un délai de quinze jours pour saisir le tribunal et il importe donc qu'elle surveille attentivement la remise du rapport auprès de ses services. Le tribunal peut faire usage de cette faculté également lorsque le rapport lui est remis. Par ailleurs, il est possible pour une commune de saisir la juridiction compétente pour obtenir des dommages et intérêts du fait d'une requête qu'elle estime abusive contre son document d'urbanisme. Elle devra toutefois démontrer la faute, à savoir le caractère abusif de la requête, le préjudice qu'elle subit, et le lien de causalité entre les deux, conformément aux règles de droit commun en matière de recherche juridique de la responsabilité. Le législateur tout comme le Gouvernement partagent donc cette préoccupation de simplifier le droit de l'urbanisme afin d'en faciliter l'application opérationnelle.