14ème législature

Question N° 63583
de M. Alain Leboeuf (Union pour un Mouvement Populaire - Vendée )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > bioéthique

Tête d'analyse > procréation avec donneur

Analyse > réglementation.

Question publiée au JO le : 09/09/2014 page : 7530
Réponse publiée au JO le : 14/06/2016 page : 5585
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de renouvellement: 10/11/2015

Texte de la question

M. Alain Leboeuf attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de l'arrêt Menesson rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme le 26 juin 2014. Si cet arrêt doit conduire les autorités françaises à reconnaître la filiation des enfants nés d'une gestion par autrui, il n'autorise toutefois pas celle-ci. Elle avait d'ailleurs devancé cet arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme par sa circulaire du 25 janvier 2013 adressée aux procureurs généraux près les cours d'appel, au procureur près le tribunal supérieur d'appel, aux procureurs de la République et aux greffiers des tribunaux d'instance. Or l'article 227-12 du code pénal réprime toujours la gestation pour autrui et ni l'arrêt Menesson ni la circulaire du 25 janvier 2013 n'ont conduit à en modifier la lettre ou l'esprit. Afin que cet arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme ne constitue pas un encouragement à la gestation pour autrui, il lui demande quelles instructions elle entend donner aux parquets afin qu'ils poursuivent les parents qui auraient provoqué, soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité, une mère porteuse à abandonner un enfant né ou à naître, en France ou à l'étranger, ainsi que les personnes ou entreprises qui exerceraient une activité d'entremise entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une mère porteuse.

Texte de la réponse

Outre le principe d'indisponibilité du corps humain qui constitue un des fondements de l'état des personnes, les lois du 29 juillet 1994 dites de bioéthique, confirmées par la loi du 6 août 2004, ont introduit à l'article 16-7 du code civil une disposition interdisant toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui. Les débats entourant l'adoption de la loi no 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ont été l'occasion pour le Gouvernement de rappeler cette interdiction, et d'affirmer qu'il n'y aurait aucune tolérance à l'égard des activités d'intermédiaire ou de recrutement visant à mettre en relation des couples avec des mères porteuses dans le but de conclure des contrats de gestation pour autrui. Cette interdiction est accompagnée d'un dispositif répressif sanctionnant non seulement la gestation pour autrui, mais aussi toute activité d'intermédiaire destinée à favoriser cette pratique. L'article 227-12 alinéa 1 du code pénal punit en effet de 6 mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité, les parents ou l'un d'entre eux à abandonner un enfant né ou à naître. L'article 227-12 alinéa 2 punit quant à lui d'un an d'emprisonnement le fait, dans un but lucratif, de s'entremettre ou de tenter de s'entremettre entre une personne désireuse d'adopter un enfant et un parent désireux d'abandonner son enfant. Enfin, l'article 227-12 alinéa 3 punit des mêmes peines le fait de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre, et de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende de tels faits lorsqu'ils ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif. La tentative de ces infractions est également punissable. Il résulte des articles 113-2 et 113-6 du code pénal que les textes réprimant la gestation pour autrui s'appliquent soit lorsque les faits ont été commis en France, soit lorsqu'ils ont été commis par un ressortissant français dans un pays étranger sur le territoire duquel les faits sont également punissables. En revanche, le recours à la gestation pour autrui à l'étranger par des ressortissants français n'est pas punissable en droit français en l'absence de réciprocité de la répression de cette pratique dans le droit national du pays étranger. La volonté de réprimer les Français qui ont eu recours à la gestation pour autrui à l'étranger exigerait dès lors de créer une exception à ce principe de double incrimination. A ce titre, elle ne peut que susciter un avis défavorable du Gouvernement. En effet, une telle exception existe en matière de tourisme sexuel ou de terrorisme mais elle est réservée aux comportements dont la répression est consensuelle sur le plan international, et notamment aux infractions régies par des conventions internationales ou européennes, ce qui n'est pas le cas de la répression de la gestation pour autrui. Dans ce contexte, il appartient aux procureurs de la République saisis de ces affaires d'y apporter, après enquête, les suites judiciaires appropriées.