Question de : Mme Geneviève Gaillard
Deux-Sèvres (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Mme Geneviève Gaillard attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur les conséquences désastreuses de la pratique de la pêche en eau profonde. En juillet 2012, a été lancée la réforme du règlement européen encadrant la pêche en eaux profondes, dont la principale mesure réside dans l'interdiction du chalutage profond, pratique particulièrement destructrice de l'écosystème sous-marin. La France s'était opposée à une telle interdiction, qu'elle justifiait par les dégâts socio-économiques qu'aurait une telle interdiction pour l'activité de la pêche. Afin de mesurer les enjeux de cette mesure, l'Ifremer a rendu publiques, le 2 juillet 2014, des données sur les activités de pêche en eaux profondes en France. Ces informations étaient attendues depuis très longtemps, ce qui a nécessairement faussé la mise en balance des intérêts environnementaux et socio-économiques soulevés à l'époque, par la France. Il ressort de ces informations d'une part, que seul un petit nombre de chalutiers français pratiquaient cette pêche, et qu'à court terme, il n'en resterait qu'un nombre très restreint, remettant en cause l'affirmation selon laquelle l'interdiction aurait de graves conséquences socio-économiques sur l'activité, et d'autre part que les espèces menacées d'extinction figurent parmi les prises dites accessoires les plus importantes des chalutiers français. En effet, par exemple, dans les filets des chalutiers, se retrouvent 6 % de requins profonds, représentant 30 % des rejets totaux. Ainsi, elle lui demande quelle est la position du Gouvernement sur cette question et quelles mesures ce dernier entend mettre en œuvre concernant cette pratique de pêche particulièrement destructrice de l'écosystème et des espèces.

Réponse publiée le 9 décembre 2014

Il existe depuis 2002 un régime d'encadrement de la pêche des espèces d'eau profonde adopté par l'Union européenne (UE). Ce régime d'encadrement de cette activité a mis en place des quotas de pêche, des limitations de l'effort de pêche, un renforcement des contrôles et un effort de collecte de données pour améliorer la connaissance des stocks halieutiques concernés. Cet encadrement a porté ses fruits s'agissant de la santé des stocks halieutiques. Les stocks de poissons de l'Atlantique nord-est sont évalués, selon un processus strict et rigoureux, par le Conseil international pour l'exploitation de la mer (CIEM), qui est l'Organisme scientifique indépendant et compétent pour l'Atlantique nord-est. Il regroupe plus de 4 000 scientifiques provenant d'environ 300 instituts, avec environ 1 600 scientifiques participant annuellement aux travaux. Parmi plus d'une centaine de stocks évalués régulièrement, cet organisme dispose d'une compétence reconnue sur les espèces en eaux profondes. Les derniers avis du CIEM sur ces espèces datent de mai 2014 et sont encourageants, notamment pour le sabre noir, la lingue bleue et le grenadier de roche qui sont les trois principales espèces exploitées par les pêcheries françaises. Ils s'inscrivent dans la tendance positive des avis précédents de juin 2012 sur l'état de ces stocks. L'adoption en 2013 d'une nouvelle politique commune de la pêche (PCP) a permis de conforter ces progrès afin de parvenir ou de rester à l'objectif de restauration des stocks permettant leur exploitation maximale durable, à savoir l'atteinte du rendement maximum durable (RMD). L'élimination progressive des rejets de poissons fait également partie des objectifs de cette nouvelle PCP. Afin d'améliorer encore la gestion des pêcheries des stocks d'eau profonde, un renforcement de l'encadrement règlementaire est en cours de discussion, sur la base d'une proposition présentée par la Commission européenne en juillet 2012. Cette proposition comprend de nombreuses dispositions visant à renforcer l'encadrement de ces pêcheries, dont l'interdiction du chalut et des filets maillants profonds, et à améliorer la connaissance des stocks d'eau profonde. Le Parlement européen, qui est co-législateur avec le Conseil sur ce texte, a effectué un examen très approfondi de la proposition de la Commission européenne et a procédé à de nombreuses auditions. Par l'adoption du rapport de sa Commission pour la pêche le 4 novembre 2013, à l'unanimité moins quatre abstentions, puis par son vote en séance plénière le 10 décembre 2013, le Parlement européen a confirmé le principe de nombreuses propositions de la Commission, affirmant ainsi le besoin de renforcer la protection des écosystèmes marins vulnérables et d'augmenter les connaissances scientifiques. Mais il n'a pas souhaité retenir l'interdiction a priori du chalut profond et du filet maillant profond. Il a souhaité qu'une évaluation du règlement qui serait adopté soit effectuée quatre ans après son entrée en vigueur, sur la base de laquelle une nouvelle proposition pourrait si nécessaire être effectuée en intégrant des dispositions sur les engins. À l'instar du Parlement européen, le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche considère qu'il faut renforcer l'encadrement de la pêche profonde, dans le cadre d'une approche éco-systémique, pour mieux protéger les écosystèmes marins vulnérables, tout en prenant en compte l'impact socio-économique de ces mesures. En effet, cette pêcherie est importante pour la Bretagne (ports de Lorient, Concarneau, Le Guilvinec) et le Nord-Pas-de-Calais (port de Boulogne-sur-Mer). Les navires qui seraient affectés par le règlement proposé, selon les termes de la profondeur et des captures, sont en nombre très important. Dans ce cadre, la volonté de transparence du Gouvernement a abouti à la publication des informations disponibles concernant la pêcherie profonde française sur le site internet du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie (http ://www. developpement-durable. gouv. fr/reglementation-applicable-aux,40035. html) ainsi que sur le site de l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (liens référencés sur le site du MEDDE). Par ailleurs, les apports de ces espèces constituent une part non négligeable du chiffre d'affaires des halles à marées concernées (24 % de la valeur des ventes totales à Lorient par exemple). De ce point de vue, accepter une mesure qui viserait à interdire purement et simplement l'utilisation de certains engins et notamment le chalut de fond serait problématique. En outre, une telle mesure n'est recommandée ni par les organisations internationales, ni par les conclusions du projet scientifique européen Deepfishman financé par la Commission européenne à hauteur de 3,7 millions d'euros, et qui a réuni 13 organismes scientifiques. Dans le droit fil de ces conclusions, le Gouvernement plaide pour un gel de l'empreinte écologique en limitant la pêche profonde aux zones actuellement pêchées et pour la mise en place, le cas échéant, de mesures de gestion spatio-temporelles (mesures d'évitement) pour protéger les éventuels écosystèmes marins vulnérables présents dans les zones de pêche. Le vote au Parlement européen a été une étape importante. Les discussions se déroulent désormais au sein du Conseil des ministres de l'UE. Dans ce cadre, les discussions techniques qui se sont tenues tout au long du premier semestre de 2014 ont montré que les positions de la France sur ce dossier étaient partagées par de nombreux autres États membres notamment concernant le gel de l'empreinte comme mécanisme alternatif et efficace de protection des EMV profonds. Le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche continuera dans les mois à venir à participer activement à ces travaux et à défendre une approche équilibrée et ambitieuse permettant de mieux connaitre et de mieux encadrer la pêche des stocks d'eau profonde. La Commission européenne a transmis le 3 octobre 2014 une proposition de règlement du Conseil établissant, pour 2015 et 2016, les possibilités de pêche ouvertes aux navires de l'Union, pour certains stocks de poissons d'eau profonde. L'exposé des motifs de cette proposition souligne que pour les requins des grands fonds, le CIEM ne rendra pas d'avis scientifique avant fin octobre 2014. C'est la raison pour laquelle trois totaux admissibles de captures (TAC) concernant les requins des grands fonds sont indiqués comme « à déterminer ultérieurement (TAC analytique) » dans le projet d'annexe à cette proposition de règlement. En outre, l'exposé des motifs précise que le Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP) recommande l'extension de mesures de gestion appropriées pour la conservation des requins des grands fonds afin de couvrir la totalité de l'aire de répartition de ces stocks, il est donc proposé d'étendre la zone du TAC pour les requins des grands fonds dans les eaux de l'Union et les eaux internationales des zones V, VI, VII, VIII et IX aux eaux de la zone Copace (Comité des pêches pour l'Atlantique Centre-Est) autour de Madère, à savoir les eaux de l'Union des zones Copace 34.1.1, 34.1.2 et 34.2. Cette extension visant à améliorer l'encadrement de cette pêcherie de requins des grands fonds est soutenue par le Gouvernement.

Données clés

Auteur : Mme Geneviève Gaillard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Aquaculture et pêche professionnelle

Ministère interrogé : Transports, mer et pêche

Ministère répondant : Transports, mer et pêche

Dates :
Question publiée le 16 septembre 2014
Réponse publiée le 9 décembre 2014

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