14ème législature

Question N° 645
de M. Nicolas Dhuicq (Union pour un Mouvement Populaire - Aube )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > animaux

Tête d'analyse > loups

Analyse > prolifération. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 29/04/2014 page : 3450
Réponse publiée au JO le : 07/05/2014 page : 2843

Texte de la question

M. Nicolas Dhuicq attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la présence du loup, véritable menace pour l'élevage. Dans l'Aube, les attaques de loup se multiplient et les moyens de protection que les bergers ont tenté de mettre en place (chiens, parcage toutes les nuits, clôtures), sur les recommandations du plan loup, se révèlent inefficaces. Le loup se reproduit vite et sa présence se généralise en France. Aujourd'hui, on estime à sept le nombre de loups dans l'Aube. Un rapport d'information sénatorial, présenté le 4 mars 2014, demande de rétrograder le loup dans l'annexe 3 de la convention de Berne, au titre "d'espèce protégée simple" alors qu'il est actuellement classé comme espèce "strictement protégée". Cette demande est soutenue par la Confédération paysanne, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), le syndicat des Jeunes agriculteurs et la Fédération nationale ovine (FNO). Aussi souhaite-t-il connaître la position du Gouvernement sur cette question.

Texte de la réponse

CONSÉQUENCES POUR L'ÉLEVAGE D'UNE PROTECTION EXCESSIVE DU LOUP


M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour exposer sa question, n°  645, relative aux conséquences pour l'élevage d'une protection excessive du loup.

M. Nicolas Dhuicq. Ma question, qui s'adressait à Mme la ministre de l'environnement, concerne un super-prédateur, qui s'adapte remarquablement vite, dont la femelle produit 2,3 louveteaux viables par an, qui parcourt entre quatre-vingts et cent kilomètres chaque jour, égorge et décime les troupeaux de moutons, surtout dans des secteurs où les mesures de protection sont absolument impossibles à appliquer.

Sachant que l'Europe, dans sa grande sagesse, oblige nos agriculteurs à toujours tenir un couvert sur les sols qu'ils exploitent, il serait impossible d'ériger des barrières de plus de deux mètres de haut et d'employer du barbelé militaire pour protéger de ce super-prédateur les troupeaux de moutons.

Le choix est par conséquent très clair : soit l'élevage ovin disparaît complètement dans les zones de plaine en France et nous serons obligés de consommer du mouton néo-zélandais, soit nous abandonnons la délétère disposition de la convention de Berne, édifiée en 1935, au moment où il n'y avait pas de loups sur le territoire national.

Ma question est simple. Que compte faire le Gouvernement pour faire passer l'espèce de « totalement protégée » à « protégée » et pour autoriser le tir du loup d'une manière beaucoup plus efficace, à savoir autre chose que des tirs d'effarouchement qui ne servent strictement à rien puisque nous avons affaire à un super-prédateur, redoutablement intelligent, qui occupe la même niche écologique que l'homme lui-même.

La question pourrait prêter à sourire mais elle est éminemment sérieuse, lorsque l'on voit les brebis égorgées, lorsque l'on voit les éleveurs désespérés, dont certains sont poussés à abandonner leur activité.

M. le président. La parole est à M. le Secrétaire d'État chargé des sports.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État chargé des sports. Monsieur le député Nicolas Dhuicq, si nous avons souri, c'est qu'en écoutant votre question, nous nous sommes dit que la situation que vous décriviez pouvait tout aussi bien se retrouver dans le monde politique, que nous connaissons. Il est bien évident que votre question ne prête pas à sourire, lorsque l'on pense à ceux qui subissent les ravages causés par les loups dans votre département.

Vous avez parfaitement raison, le département de l'Aube a été confronté à partir du mois de mai 2013 à de nombreuses attaques sur troupeaux domestiques. Il a pu être émis l'hypothèse, pendant un temps, que le loup détecté dans l'ouest des Vosges et en Haute-Marne soit aussi le responsable de ces dommages dans l'Aube, une cinquantaine de kilomètres séparant la localisation de ces dernières attaques des foyers de dommages vosgiens et haut-marnais. La biologie de l'espèce a déjà démontré que cette distance n'était effectivement pas incompatible avec ses capacités de déplacement. Des épisodes d'attaques simultanées ont finalement permis d'écarter cette hypothèse mais l'examen, par des agents spécialement formés à cet effet, des animaux domestiques tués dans l'Aube a conduit à ne pas exclure pour autant la responsabilité du loup dans ce département.

Combien de spécimens ont-ils causé ces dommages ? Nous n'avons pas, pour le moment, les moyens de répondre aujourd'hui à cette question : aucun élément génétique – pelage, déjections – n'a pu être recueilli dans le département. Les autres indices potentiels de présence portés à la connaissance du réseau départemental de vigilance ne permettent pas non plus d'établir un diagnostic de cette nature.

Le plus probable à ce stade, au regard notamment des volumes de consommation estimés sur les proies, est qu'il s'agit d'un ou deux loups « de passage ». Je note d'ailleurs qu'un loup a été abattu illégalement à Coole dans le département de la Marne, près de la limite avec l'Aube. Il est toutefois évidemment nécessaire de mettre en place un soutien adapté aux éleveurs concernés.

Un peu plus de vingt dossiers dans le département de l'Aube, concernant principalement deux éleveurs, ont donné lieu en 2013 à une indemnisation des dommages au titre du loup – c’est-à-dire pour lesquels la responsabilité du loup ne peut être écartée –, selon les modalités prévues par le plan d'action pour la période 2013-2017.

Ce plan, qui vise à concilier la protection de l'espèce, encadrée aux niveaux international, communautaire et national, avec le maintien d'activités humaines telle que l'élevage et le pastoralisme, prévoit également un important volet d'aide technique et financière, piloté par le ministère en charge de l'agriculture, à destination des éleveurs dont les troupeaux sont exposés au risque de prédation.

Ces mesures de protection des troupeaux domestiques n'ont pas été déployées dans l'Aube, ce qui me paraît regrettable. Certes, l'engagement dans une stratégie de protection des troupeaux doit rester le fruit d'une démarche individuelle, volontaire et réfléchie. Cependant, dans d'autres départements comme la Savoie et la Haute-Savoie, que je connais plus particulièrement, la mise en place progressive et structurée de mesures de protection a permis justement de contenir la pression de prédation. J'invite donc vivement les éleveurs concernés, dans votre département, à recourir à cet accompagnement structurel des élevages.

Le classement actuel du loup dans l'annexe II de la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe implique en effet la recherche préalable de solutions alternatives aux prélèvements et donc engage fortement à cette protection des élevages, dans l'intérêt même des éleveurs. Par ailleurs, une modification du statut de protection stricte du loup au titre de la seule convention de Berne n'aurait aucune incidence sur le statut juridique du loup en France, car il est fixé par la directive dite « Habitats Faune Flore ». Seule une modification de cette directive européenne conjointe à un déclassement du loup de l'annexe II vers l'annexe III du fameux texte de la convention de Berne pourrait modifier le statut de protection stricte dont l'espèce bénéficie actuellement. Vous voyez que ce ne serait pas très simple.

Une telle double révision serait très difficile à obtenir, notamment pour réunir les majorités nécessaires à Bruxelles comme vis-à-vis de la convention de Berne. Surtout, elle aurait peu de conséquence sur les modalités de gestion de l'espèce qui resterait protégée et dont les politiques nationales devraient continuer à viser le bon état de conservation.

C'est pourquoi la seule voie pragmatique pour mieux protéger les élevages dans le respect des engagements internationaux de la France est bien, comme le propose le plan loup, de combiner la protection des troupeaux que j'ai évoquée et l'octroi, selon les cas, d'autorisations de tirs de défense, de tirs de défense renforcée et de tirs de prélèvement, dans le respect d'un plafond national de spécimens pouvant être ainsi détruits.

Le Gouvernement a toutefois pleinement conscience de la difficulté constatée pour rendre ces tirs de défense et de prélèvement pleinement efficaces. Les services de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, ainsi que ceux du ministre de l'agriculture, examinent actuellement les pistes envisageables en ce sens, en lien étroit avec les représentants des éleveurs, des chasseurs et des associations de protection de l'environnement. C'est de cette manière que, par la recherche de solution pragmatique, nous pourrons effectivement progresser dans la réduction des dégâts dus aux loups.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Quelle que soit la cordialité de M. le secrétaire d’État, ses propos ne répondent en rien aux problématiques des éleveurs puisque nous sommes en zone de plaine, qu'il faudrait fortifier les champs, ce qui coûterait plusieurs centaines de millions d'euros.

Ce qui va se produire est très simple, monsieur le secrétaire d’État : ces éleveurs vont tout bonnement disparaître et nous n'aurons plus d'élevage ovin en France, même dans les zones de montagne comme les Vosges que vous avez citées. Il est obligé de faire recours à nouveau à des instruments mécaniques et de supprimer les ovins. Où est la défense de l'environnement ?