14ème législature

Question N° 64713
de M. Joël Giraud (Radical, républicain, démocrate et progressiste - Hautes-Alpes )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Économie, industrie et numérique

Rubrique > professions libérales

Tête d'analyse > statut

Analyse > professions réglementées. réforme.

Question publiée au JO le : 23/09/2014 page : 7977
Réponse publiée au JO le : 22/12/2015 page : 10535

Texte de la question

M. Joël Giraud alerte M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur l'avenir des professions réglementées et les propositions de modifications de leurs statuts récemment annoncées, particulièrement en ce qui concerne les notaires et les pharmaciens, deux professions fondamentales dans l'équité du maillage territorial français. Si la question de l'évolution de l'organisation de ces métiers à l'aube du XXIe siècle peut réellement être posée, il convient de ne pas les vider pour autant de leur substance. En effet, ces professionnels ont démontré leurs compétences acquises à l'issue de nombreuses années d'études au cours desquelles ils se sont spécialisés dans leur domaine d'expertise respectif. En ce qui concerne les notaires, le projet prévoit que certains actes, jusqu'ici monopole des notaires en tant qu'officiers ministériels nommés par l'État, pourraient être rédigés par d'autres professionnels du droit. Dans cette optique on se dirigerait de toute évidence vers un système à la mode anglo-saxonne où, faute de sécuriser en amont les actes et les procédures, on verrait fleurir les procès et les contestations. Dans ces pays, faute de sécurité juridique, la validité d'un acte sur trois est remise en cause. Le notariat est un art régi par des règles précises et des textes de lois. Cependant, la théorie est nourrie par une expérience de terrain et une pratique empirique forgée par des réponses précises apportées à des situations complexes exigées par une excellente maîtrise des sciences humaines. Ce projet, qui vise à rendre du pouvoir d'achat aux Français, aboutirait ainsi à l'inverse de l'objectif fixé par le Gouvernement car les nombreux litiges qui en découleraient grèveraient profondément le budget de nos concitoyens sans compter que ceux qui pourront le mieux se défendre seront ceux qui en auront réellement les moyens. Face à l'évolution de la société, dans des situations familiales rendues de plus en plus complexes et délicates par l'extension de la famille recomposée, particulièrement en matière successorale, le rôle de conseil de famille jusqu'à ce jour confié au notaire se trouverait alors totalement vidé de sens. Pour preuve, l'acte de notoriété qui était à l'origine effectué en mairie est, depuis la réforme du droit successoral de 2007, la seule compétence du notaire en raison justement des difficultés à garantir la filiation. Par ailleurs, il est à souligner également que le modèle français s'exporte, les notaires français servant de modèle notamment aux professionnels installés en Afrique et en Asie, ce qui n'est nullement le fruit du hasard. En ce qui concerne l'ouverture à la concurrence, il conviendrait d'étudier cette hypothèse au sein même de la profession ce qui permettrait de répondre aux exigences de l'Union européenne en matière de liberté d'installation tout en sécurisant ce secteur. Quant à la question du montant des honoraires, si des aménagements peuvent être apportés, il convient de garder en mémoire cependant d'une part que 85 % de taxes perçues par les notaires sont reversées à l'État et d'autre part que la réforme concerne les 9 500 notaires français mais également les 50 000 salariés des études et qu'il s'agit là d'un secteur entier de l'économie qui se trouve menacé. Les zones rurales seraient les premières touchées par des fermetures d'études, les notaires n'ayant en ce cas que le choix d'une installation dans les zones les plus peuplées leur garantissant un minimum de clientèle. Le volet de la réforme relative aux officines de pharmacies est tout autant source d'inquiétude. L'équilibre économique des pharmacies étant fragile, les nouvelles mesures de déréglementation de cette profession (sortie de certains médicaments du monopole, numerus clausus...) ne contribueraient qu'à la fermeture de trop nombreuses officines provoquant la désorganisation du maillage géographique notoirement efficace, en matière de santé. Ces projets mettent en péril non seulement l'égalité d'accès aux médicaments mais également l'activité, voire la pérennité des pharmacies dans les villages, les quartiers et les zones les plus reculées. Les règles d'installation ont été prises afin de protéger la population. Elles permettent d'avoir actuellement un accès aux médicaments sans avance de frais quelle que soit la situation géographique et sociale des patients. Ces règles ont montré leur efficacité, alors que persistent de nombreuses difficultés pour avoir la même homogénéité d'offre de soins pour les autres professionnels de santé. La proposition de mise en place de médicaments à prescription médicale facultative en grande surface, médicaments les plus prescrits par les médecins et les plus utilisés dans les hôpitaux, remet en question les règles d'autorisation de mise sur le marché, de pharmacovigilance et de lutte contre la contrefaçon. Aussi, face à l'enjeu que représentent ces professions en matière d'aménagement du territoire, devant la menace de voir s'accentuer le désert médical et de lui voir succéder un désert juridique, il lui demande de bien vouloir repenser les termes de ce projet de réforme et de mettre en place une concertation approfondie avec les professionnels concernés afin de préserver un maillage territorial équilibré et de garantir un maximum de sécurité pour les patients et les usagers. Il souhaite connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet.

Texte de la réponse

En réformant certaines professions réglementées, la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques publiée au Journal officiel du 7 août 2015 a pour ambition de libérer le potentiel inexploité de croissance du pays en levant, de manière pragmatique, les blocages identifiés dans les secteurs clés de l’économie française. L’élaboration de cette loi, adoptée par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution en lecture définitive le 10 juillet 2015, a fait l’objet d’une concertation approfondie en lien avec l’ensemble des ministères en charge des professions considérées, et en particulier le ministère de la justice, qui a compétence sur les professions du droit. La modernisation des professions réglementées du droit doit permettre d’élargir l’accès à ces professions, d’offrir des prestations plus transparentes et plus justes et d’ouvrir les professions pour leur permettre de développer l’inter-professionnalité. La réforme vise à améliorer le fonctionnement de ces professions, sans remettre en cause leurs fondamentaux. La liberté d’installation offrira à ceux qui ont les diplômes nécessaires la possibilité d’ouvrir leur étude ou leur cabinet là où sont les besoins de la population et des entreprises, sans déstabiliser l’équilibre des territoires ni les professionnels aujourd’hui installés. La règlementation des tarifs reflètera davantage les coûts réels. Enfin, l’ouverture de l’accès au capital entre professionnels du droit encouragera l’investissement pour rendre l’activité plus efficace et rapprocher les professions. S’agissant des dispositions portant sur la réforme de certaines professions ou prestations de santé, initialement insérées dans cette loi, elles ont par la suite fait l’objet de négociations et d’intégration dans le cadre du projet de loi de modernisation du système de santé adopté par l’Assemblée nationale le 14 avril dernier. Ainsi, les consultations des organisations professionnelles qui avaient été engagées par le ministre chargé de l’économie se sont poursuivies sous l’égide du ministère chargé de la santé. Les propositions de réformes faites dans le secteur de la santé, à l’instar de celles portant sur certaines professions du droit dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des changes économiques, visent à moderniser et améliorer le fonctionnement de certaines professions réglementées afin d’en faciliter l’accès. Elles visent également et avant tout, à offrir des prestations dont le coût sera plus transparent, afin d’assurer un meilleur accès aux soins de premiers recours au plus grand nombre, en réunissant les conditions de mise en place d’une saine concurrence. Le gouvernement reste bien évidemment à l’écoute de toutes les propositions constructives qui pourraient être faites pour l’élaboration du cadre règlementaire visant à la mise en œuvre de ces lois.