14ème législature

Question N° 65138
de Mme Marie-Louise Fort (Union pour un Mouvement Populaire - Yonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Défense
Ministère attributaire > Défense

Rubrique > défense

Tête d'analyse > armée

Analyse > militaires et civils. pathologies liées aux essais nucléaires. perspectives.

Question publiée au JO le : 30/09/2014 page : 8170
Réponse publiée au JO le : 21/10/2014 page : 8795

Texte de la question

Mme Marie-Louise Fort attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les modalités d'application de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires. Les vétérans victimes des essais nucléaires ne sont pas indemnisés de façon juste et les seuils d'exposition ont été fixés de façon telle que peu de personnes sont concernées. Les associations des vétérans des essais nucléaires demandent à être reçues par le Premier ministre et leurs demandes d'audience répétées n'ont jusqu'à présent pas été entendues. Aussi elle souhaiterait savoir s'il envisage de les recevoir et sous quel délai, afin de solder enfin le dossier de l'indemnisation des victimes.

Texte de la réponse

Le Gouvernement suit avec la plus grande attention le dossier relatif aux conséquences sanitaires des essais nucléaires français et a, notamment, décidé l'indemnisation des personnes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires réalisés par la France, entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française. La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français a ainsi créé un régime de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français, quel que soit leur statut (civils ou militaires, travailleurs sur les sites d'expérimentations et populations civiles, ressortissants français ou étrangers). Ce cadre juridique permet à toute personne atteinte d'une pathologie radio-induite figurant parmi les vingt-et-une maladies listées en annexe du décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français de constituer un dossier de demande d'indemnisation. A ce titre, il convient d'observer que la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (LPM) a étendu à toute personne atteinte de l'une de ces pathologies, et ayant résidé ou séjourné sur la globalité du territoire de la Polynésie française, entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998, la possibilité de solliciter une indemnisation. Au regard de cette évolution, il sera procédé à un nouvel examen des demandes d'indemnisation ayant fait l'objet d'une décision de rejet sur la base des délimitations concernant la Polynésie française par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 dans sa version antérieure. Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises à un comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). Ce comité instruit au cas par cas les dossiers de demande d'indemnisation afin d'éviter d'instaurer une automaticité de la réparation, contraire au droit de la responsabilité. Si les conditions de l'indemnisation sont réunies, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable. Pour mener à bien sa mission, le CIVEN a élaboré une méthode d'examen s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et l'ensemble de la documentation scientifique disponible relative aux effets de l'exposition aux rayonnements ionisants. Chaque fois que cela est possible, le comité utilise le logiciel de calcul mis au point aux États-Unis par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH-IREP), lui-même élaboré et régulièrement tenu à jour, conformément aux recommandations de l'AIEA. Le comité retient comme probabilité de causalité la valeur médiane calculée au moyen de ce logiciel. Une probabilité de causalité supérieure ou égale à 1 % conduit à la décision de retenir la demande. Enfin, dans les dossiers présentant un cancer primitif non défini, les scientifiques du CIVEN ont parfois retenu le modèle du cancer pulmonaire primitif du fait de sa plus forte radiosensibilité pour le calcul de la probabilité, mais sans affirmer qu'il soit à l'origine des métastases retrouvées. C'est donc là aussi un calcul majorant au bénéfice du requérant. Ainsi, il peut être retenu que la méthodologie d'évaluation des risques appliquée par le CIVEN se fonde d'une part, sur une méthodologie universellement reconnue, approuvée internationalement, et appliquée par les pays les plus avancés ; d'autre part, qu'il s'agit d'un modèle reposant sur les résultats scientifiques les plus aboutis, synthétisés dans les rapports du comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR). En outre, eu égard à la situation du demandeur au moment des essais nucléaires, aux conditions de son exposition aux rayonnements ionisants et à sa maladie, l'indemnisation est accordée dès lors qu'il peut être établi un lien entre la maladie et l'exposition avec une probabilité supérieure à 1%. Il convient de noter que les dispositifs d'indemnisation étrangers retiennent quant à eux une probabilité de 50%. Les conditions de calcul sont elles-mêmes d'autant plus favorables aux requérants que les hypothèses maximales sont retenues pour le niveau d'exposition pris en compte. La LPM a élevé le CIVEN au rang d'autorité administrative indépendante, dotée d'un rôle décisionnel en matière d'indemnisation, et inséré dans la loi du 5 janvier 2010 des dispositions relatives à la composition de cet organisme, aux modalités de désignation de ses membres et d'exercice de leur mandat, propres à garantir son indépendance. Le CIVEN sera ainsi désormais constitué de 9 membres, nommés par décret, parmi lesquels au moins 5 médecins, dont l'un d'entre eux sera proposé par les associations représentatives de victimes, après avis conforme du Haut Conseil de la santé publique. Le CIVEN sera présidé par un conseiller d'État ou par un magistrat de la Cour de cassation, qui aura qualité pour agir en justice au nom du comité. Le requérant aura quant à lui la possibilité de défendre sa demande devant le CIVEN, en personne ou par l'intermédiaire d'un représentant. Par conséquent, depuis la publication du décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 pris pour l'application de la LPM, il n'appartient plus au ministre de la défense de décider d'attribuer ou non des indemnisations aux demandeurs sur le fondement des recommandations du CIVEN. Dorénavant, le CIVEN lui-même statuera sur les demandes. Associée à ce dispositif, la commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, prévue par l'article 7 de la loi du 5 janvier 2010, a pour mission d'examiner les mesures tendant à faire évoluer le processus d'indemnisation. Cette commission est composée de représentants de chacun des ministres chargés de la santé, de la défense, de l'outre-mer et des affaires étrangères, du président du Gouvernement de la Polynésie française, du président de l'Assemblée de la Polynésie française, de deux députés, de deux sénateurs, de cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires, ainsi que de quatre personnalités scientifiques qualifiées. Cette commission constitue ainsi le cadre de rencontre et de dialogue privilégié entre les ministres ou leurs représentants et ceux des associations de vétérans des essais nucléaires. Ses réunions sont l'occasion notamment d'examiner les propositions et les différents axes selon lesquels pourra être envisagée la poursuite de l'amélioration du dispositif d'indemnisation des victimes. Ses travaux, fondés sur les données scientifiques les plus récentes et la prise en compte des remarques du CIVEN, se sont principalement concrétisés par l'élargissement de la liste des maladies radio-induites mentionnée à l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010, ainsi que par l'élaboration des dispositions de la LPM modifiant celles de la loi du 5 janvier 2010. Les réunions de cet organisme se dérouleront dorénavant sous la présidence de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.