14ème législature

Question N° 65140
de M. Christophe Priou (Union pour un Mouvement Populaire - Loire-Atlantique )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal

Tête d'analyse > légitime défense

Analyse > régime juridique. assistance à victimes. perspectives.

Question publiée au JO le : 30/09/2014 page : 8191
Réponse publiée au JO le : 10/03/2015 page : 1802
Date de changement d'attribution: 11/11/2014

Texte de la question

M. Christophe Priou attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les témoins d'une agression qui préfèrent ne pas intervenir de peur d'encourir des poursuites judiciaires de la part de l'agresseur. En effet, la crainte de porter secours est renforcée par les ennuis judiciaires possibles si l'agresseur venait à porter plainte en cas de blessures. La présomption de légitime défense devrait pourtant renverser la charge de la preuve au profit de celui qui intervient pour porter secours à la victime d'une agression. Il lui demande donc quelle lecture juridique il faut faire de cette situation et quelles sont les solutions qui permettent de renforcer la protection juridique des témoins.

Texte de la réponse

La loi favorise et protège toute tentative d'un tiers de porter secours à une personne injustement agressée. L'incitation législative est illustrée par l'existence du délit de non-assistance à personne en danger ou omission de porter secours prévue par l'article 223-6 du code pénal qui sanctionne d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75000 euros quiconque qui, sans risque pour lui ou pour les tiers, s'abstiendrait volontairement d'empêcher un délit contre l'intégrité corporelle d'une personne. La protection de tout individu qui, mu par le civisme, tenterait d'empêcher une agression dont il serait témoin, est en outre assurée par le régime de la légitime défense. Cette cause d'irresponsabilité pénale assure en effet l''impunité de celui qui, pour repousser une agression actuelle et injuste le menaçant ou menaçant autrui, est amené à commettre une infraction lésant l'auteur du péril. Comme pour toutes les causes d'irresponsabilité pénale, il incombe en principe à la personne poursuivie de démontrer qu'elle a agi en état de légitime défense. Le ministère public qui a pour tâche de démontrer, le cas échéant, l'existence des éléments matériels et intellectuels indispensables à la caractérisation de toute infraction devra, dans pareille hypothèse, répondre à l'argumentation de la défense qui arguerait de la légitime défense pour justifier le comportement poursuivi. Ce n'est que de manière exceptionnelle et pour épouser des situations qui correspondent a priori à des atteintes injustifiées dont il est légitime de se défendre que le législateur a édicté une présomption de légitime défense à l'article 122-6 du code pénal. Ne cédant que face à la preuve contraire, celle-ci vise deux hypothèses spécifiques : pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité et pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. Cette présomption se justifie aisément par le fait que les circonstances mêmes des faits notamment le lieu où ils sont commis (domicile de la personne arguant de la légitime défense) sont de nature à limiter grandement toute contestation éventuelle sur la réalité de la légitime défense. Ce raisonnement ne saurait cependant prévaloir pour les autres types d'agressions, lesquels demeurent soumis au régime général prévu à l'article 122-5 du code pénal. Cette distinction légalement définie fut le fruit de débats doctrinaux et d'une longue évolution jurisprudentielle finalement consacrée par le code pénal en 1994.