maladies du bétail
Publication de la réponse au Journal Officiel du 14 juin 2016, page 5490
Question de :
Mme Laurence Abeille
Val-de-Marne (6e circonscription) - Écologiste
Mme Laurence Abeille alerte Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'abattage des bouquetins dans le massif du Bargy. Le bouquetin des Alpes est classé parmi les espèces protégées en France depuis 1981. Cependant, la population de bouquetins du massif de Bargy est suspectée d'avoir joué un rôle de réservoir et de relais « silencieux » entre le dernier foyer domestique de brucellose de 1999 et celui découvert en avril 2012 dans une exploitation de vaches laitières du Grand-Bornand. En conséquence, le préfet de Haute-Savoie a ordonné l'abattage des bouquetins de cinq ans et plus de ce massif par le biais de l'arrêté préfectoral n° 2013274-0001 signé le 1er octobre 2013. Mme la ministre a elle-même apporté son soutien à cette action en déclarant le 6 septembre 2014 qu'il fallait « assainir le massif du Bargy ». L'arrêté ministériel du 23 avril 2007 stipule pourtant que l'abattage du bouquetin des Alpes est interdit sur tout le territoire métropolitain et en tout temps. Certes l'article L. 411-2-4° du code de l'environnement autorise des dérogations aux interdictions encadrant le statut de protection du bouquetin des Alpes mais celles-ci ne peuvent être délivrées que s' « il n'existe pas d'autre solution satisfaisante ». Or il convient de noter qu'en l'occurrence, ce n'est pas le cas. Dans son avis du 12 septembre 2013, la commission faune du Conseil national de la protection de la nature expliquait ainsi « qu'en ce qui concerne l'abattage partiel [des bouquetins du massif du Bargy], deux options ont été envisagées et étudiées : d'une part l'abattage total des animaux de plus de cinq ans car il semblerait que ce soit eux qui soient les plus affectés par la maladie, les femelles notamment. Toutefois, sur le terrain, l'estimation de l'âge des femelles s'avère extrêmement difficile, contrairement à celle des mâles. D'autre part, l'abattage des seuls animaux séropositifs [...]. Bien que longue à mettre en œuvre - elle devra être échelonnée sur trois ans - c'est cette solution qui a été retenue par les membres de la commission par 13 voix, contre 6 pour la première option, et l’abstention. Cette solution éviterait outre une déstabilisation de la population, l'essaimage d'animaux, en particulier infectés, vers les massifs avoisinants, une réintroduction trois ans plus tard coûteuse et controversée, et l'élimination de cadavres qui, en petit nombre, pourraient être abandonnés aux prédateurs naturels ». Les mesures retenues par le préfet de Haute-Savoie semblent donc contrevenir à l'article L. 411-2-4° du code de l'environnement. Il convient aussi de noter que l'Agence nationale de sécurité sanitaire estimait dans son avis du 4 septembre 2013 que « le risque de transmission de la brucellose des bouquetins aux cheptels domestiques reste minime », et que la contamination de l'élevage laitier était « vraisemblablement accidentelle et exceptionnelle ». Aussi, l'Anses faisait remarquer que son « analyse ne permet pas de confirmer la nécessité de mettre en œuvre dans l'urgence les actions d'abattage envisagées, compte tenu en particulier de leur ampleur et de leur nature ». Si la réduction du risque posé par le taux de séroprévalence élevé constaté chez les bouquetins est un objectif qui ne saurait être remis en cause, il convient de s'interroger sur la méthode choisie. Non seulement celle-ci contrevient aux recommandations des experts - et par là au code de l'environnement - mais elle semble en outre susceptible de favoriser la contamination de nouveaux massifs ainsi que d'affecter d'autres animaux protégés, tels que les gypaètes barbus qui sont très sensibles au saturnisme et donc menacés par l'usage de balles de plomb. Face à cette situation, elle souhaiterait savoir quelles sont les suites que le Gouvernement entend donner à la question de la brucellose dans le massif du Bargy.
Réponse publiée le 14 juin 2016
La France a été confrontée en avril 2012 à un foyer de brucellose dans un élevage bovin laitier à proximité du massif du Bargy en Haute-Savoie. Un lien épidémiologique a été établi entre ce foyer bovin et deux cas de brucellose humaine. Les investigations conduites depuis cet événement ont permis de mettre en évidence des animaux sauvages infectés de brucellose, notamment des bouquetins des Alpes Capra ibex, et d'émettre l'hypothèse que ces animaux ont pu jouer le rôle de réservoir et d'assurer ainsi un rôle de relais « silencieux » entre le dernier foyer domestique de 1999 et celui de 2012. Dans ce contexte, se pose la question de la maîtrise à long terme du risque de transmission de la brucellose des bouquetins du massif du Bargy en Haute-Savoie aux ruminants domestiques et à l'homme. Le bouquetin des Alpes est protégé au titre du code de l'environnement. Il est toutefois possible de déroger à l'interdiction de destruction des spécimens, notamment dans l'intérêt de la protection de la faune, pour prévenir des dommages importants à l'élevage ou dans l'intérêt de la santé publique. Pour protéger les enjeux de biodiversité, de santé publique et d'économie des filières d'élevage, au regard des connaissances scientifiques et techniques du moment, en particulier de l'avis de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) du 4 septembre 2013, l'État a décidé en 2013 un ensemble de mesures s'appliquant aux ruminants domestiques et aux bouquetins du massif du Bargy. S'agissant des bouquetins, les travaux d'étude menés en 2012 et 2013 par l'office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) montraient notamment que les individus âgés de 5 ans et plus étaient les plus infectés par la bactérie. Comme il est possible, dans les conditions de terrain, de sélectionner visuellement ces individus quel que soit leur sexe, il a été décidé de les abattre par balle sans plomb pour rendre nul le risque de saturnisme chez les animaux nécrophages, en particulier le gypaète barbu dont la grande sensibilité est connue. Il a toutefois été constaté cette année que ces mesures appliquées au bouquetin n'avaient pas permis d'améliorer la situation de l'infection dans la population du massif du Bargy. En effet, malgré les mesures prises l'infection a perduré à des niveaux importants : les analyses effectuées en 2015 sur plus de 100 animaux ont ainsi révélé que 37 % étaient séropositifs. L'infection a été également constatée cette année chez 10 % animaux pourtant sains les années précédentes. L'infection n'est toujours pas jugulée. Il n'y a pas de cas comparable connu. Le rapport remis par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) en juillet 2015 a décrit la complexité de l'infection et a fait état des avantages et inconvénients de plusieurs scénarios. Après avoir soumis sa proposition au conseil national de la protection de la nature, le scénario retenu par le préfet en septembre dernier vise à assainir la population de bouquetins en réduisant fortement la taille de la population de bouquetins en sauvegardant un noyau d'animaux sains à partir duquel pourra s'effectuer la restauration de l'espèce sur le massif.
Auteur : Mme Laurence Abeille
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie
Ministère répondant : Environnement, énergie et mer
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 29 septembre 2015
Dates :
Question publiée le 30 septembre 2014
Réponse publiée le 14 juin 2016