14ème législature

Question N° 65189
de M. Jean-Frédéric Poisson (Union pour un Mouvement Populaire - Yvelines )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > famille

Tête d'analyse > adoption

Analyse > procréation avec donneur. Cour de cassation. arrêt. conséquences.

Question publiée au JO le : 30/09/2014 page : 8194
Réponse publiée au JO le : 03/05/2016 page : 3843
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de signalement: 16/02/2016

Texte de la question

M. Jean-Frédéric Poisson appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'avis rendu ce 23 septembre 2014 par la Cour de cassation au sujet d'un enfant né à l'étranger par (procréation médicalement assistée). La Cour de cassation considère désormais qu'un enfant né par une procréation médicale assistée effectuée à l'étranger peut être adopté en France par la compagne de sa mère. À travers cet arrêt, la Cour de cassation déclare tirer « les conséquences de la loi du 17 mai 2013, qui a eu pour effet de permettre, par l'adoption, l'établissement d'un lien de filiation entre un enfant et deux personnes de même sexe, sans aucune restriction relative au mode de conception de cet enfant ». Les effets iniques de cette loi se font de plus en plus cruellement sentir, au détriment de l'intérêt supérieur de l'enfant. La législation française ne prévoit d'accès à la PMA que pour les couples formés d'un homme et d'une femme, qui souffrent d'une infertilité médicalement diagnostiquée ou pour lesquels existe un risque de transmission soit à l'enfant, soit à un membre du couple, d'une maladie particulièrement grave : cet arrêt de la Cour de cassation constitue donc une incitation à contourner la loi et une première étape vers la légalisation de la PMA pour les couples de femmes, donc ultérieurement de la GPA pour les couples d'hommes. L'autorisation de la GPA se profile d'ailleurs déjà, avec sa circulaire qui facilite l'obtention d'un certificat de nationalité française pour les enfants nés à l'étranger de mère porteuse. Il lui demande de prendre fermement position contre l'arrêt de la Cour de cassation. Dans un souci de cohérence et de clarté, il lui demande quelles mesures elle compte prendre et quelles précisions législatives elle compte engager afin que, sur des sujets aussi graves que la PMA et la GPA, ce qui n'est pas autorisé en France ne le soit pas de manière implicite par une légalisation a posteriori sur le sol français.

Texte de la réponse

La Cour de cassation a estimé dans deux avis rendus le 22 septembre 2014 que le prononcé d'une adoption sollicitée par la conjointe d'une femme ayant accouché d'un enfant issu d'une assistance médicale à la procréation réalisée à l'étranger était juridiquement possible. Elle a ainsi exclu que le fait de recourir à une assistance médicale à la procréation à l'étranger puisse constituer une fraude à la loi française et conduire à s'opposer, pour ce seul motif, à l'adoption de l'enfant au bénéfice de la conjointe de la femme ayant accouché. Comme la Chancellerie l'a toujours indiqué dans le cadre des débats ayant précédé l'adoption de la loi du 17 mai 2013, cette question relève avant tout de l'appréciation souveraine des juridictions, lesquelles ont, avant même que la Cour de Cassation ne se prononce, fait droit dans leur grande majorité à de telles demandes d'adoption. Il ressort ainsi des évaluations statistiques menées par la Chancellerie qu'au 1er juillet 2014 seules neuf décisions refusant le prononcé de l'adoption avaient pu être comptabilisées pour 295 décisions y faisant droit. Ces avis de la Cour de cassation corroborent l'analyse du Gouvernement, particulièrement attaché à ce qu'une distinction claire puisse être opérée entre la situation des couples bénéficiant d'une assistance médicale à la procréation à l'étranger, laquelle ne fait l'objet d'aucune prohibition, et celle des couples ayant choisi de recourir, en fraude à la loi française, au mécanisme de la gestation pour autrui, qui fait l'objet d'une prohibition d'ordre public, passible sous certaines conditions de sanctions pénales. A cet égard, la portée de la circulaire mentionnée, dont la régularité a été confirmée par un arrêt du Conseil d'Etat du 12 décembre 2014, ne porte pas atteinte au principe de prohibition de la gestation pour autrui en France affirmé à l'article 16-7 du code civil. Elle marque la recherche d'un juste équilibre entre le principe d'ordre public de prohibition de la gestation pour autrui, auquel le gouvernement français reste attaché, et la nécessaire protection qu'il convient de garantir à l'enfant au nom de son intérêt supérieur au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la Convention de New York du 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant et de son droit à mener une vie familiale normale au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle illustre, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme issue de ses décisions du 26 juin 2014 ayant condamné la France, la nécessité de distinguer le sort des enfants de celui de leurs parents ayant eu recours à un contrat illicite et, ainsi, de leur garantir, sur le territoire national, le droit au respect de leur identité, dont la nationalité française constitue un aspect essentiel.