14ème législature

Question N° 65241
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > jeunes

Tête d'analyse > politique à l'égard des jeunes

Analyse > mixité fille-garçon.

Question publiée au JO le : 30/09/2014 page : 8195
Réponse publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2328

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la confusion malsaine opérée par le Gouvernement entre la mixité des sexes et l'identité de genre. En effet, la lettre n° 30 de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse développe largement le rôle positif de la mixité dans la protection judiciaire de la jeunesse : l'impact de la mixité fille-garçon serait très positif en termes de socialisation et de dynamique de groupe ; la présence de filles permettrait notamment d'apaiser le climat et d'ouvrir la discussion. Toutefois, il apparaît simultanément dans ce document de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse que la déconstruction des « stéréotypes de genre » est une mission attribuée aux équipes éducatives chargées de l'insertion des mineurs. Alors que le Gouvernement n'a de cesse de mettre en oeuvre la théorie du genre dans les écoles de la République, on ne peut que se féliciter de la reconnaissance par les spécialistes de l'insertion des mineurs en difficulté des bénéfices de la mixité fille-garçon. Il est évident que l'expérience de cette altérité est primordiale pour une organisation sociale apaisée et qu'elle doit être privilégiée tant elle permet les repères nécessaires à l'épanouissement des individus, notamment des enfants. À l'inverse, la théorie du genre, largement promue par le Gouvernement auprès des enseignants et des éducateurs, consiste en la négation de cette altérité, de la complémentarité naturelle fondant les rapports entre homme et femme. Vouloir ainsi déconstruire les « stéréotypes de genre », mission de déstructuration confiée aux acteurs de l'insertion des mineurs en difficulté, c'est demander à des éducateurs d'appliquer les thèses des féministes les plus radicales, en confondant égalité et indifférenciation des sexes. C'est bouleverser l'équilibre et les repères recherchés par ceux dont le métier est d'aider des mineurs en difficulté à se réinsérer dans la société. C'est pourquoi, si la mixité est une valeur essentielle, fondée sur l'enrichissement par les différences, il est indispensable de ne pas l'identifier à la lutte contre de soi-disant stéréotypes de genre. Il se demande quand le Gouvernement mettra fin à la schizophrénie qui l'amène, d'un côté à valoriser la complémentarité issue de la mixité fille-garçon, et de l'autre à nier toute spécificité et identité propre à chacun des deux sexes.

Texte de la réponse

Au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), la mixité s'entend au sens large, celle qui compose notre société aujourd'hui et va au-delà de l'égalité garçons/filles : cohésion sociale, mixité dans le sport (valide-handicap), lutte contre les discriminations et contre l'homophobie, travail sur le « vivre ensemble », travail sur l'estime de soi au moment de l'adolescence. La mixité questionne le rapport à l'autre, à la famille et les représentations collectives et individuelles des jeunes pris en charge mais aussi des professionnels. Concernant plus particulièrement les relations garçons/filles, dans les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la présence de filles et de garçons est une donnée prise en compte et travaillée au quotidien. La mixité présente plusieurs intérêts pédagogiques. Lorsque la mixité est mise en oeuvre, elle implique un réel engagement éducatif, car il convient d'adapter les activités et les modes de prise en charge du groupe mixte concerné. Tout d'abord, la mixité peut permettre des échanges de qualité sur la reconnaissance de l'autre, sur le genre et l'altérité. La mixité permet surtout d'entamer dans la pluralité une réflexion sur les relations garçons/filles, comme par exemple les relations amoureuses. Il importe toutefois de préciser qu'en ne représentant que 9 % des effectifs du placement judiciaire classique, les filles sont souvent très peu nombreuses voire seules aux côtés d'un collectif d'environ 10 garçons. La mixité, dans une telle disproportion entre les deux sexes, peut alors présenter d'évidentes difficultés de cohabitation, liées à la potentielle pression du groupe de garçons sur la ou les filles, des jeux de séduction plus ou moins appropriés, et la nécessité pour la ou les filles de masculiniser leur comportement pour tenir leur place et se faire respecter. Ce constat nécessite une anticipation et une adaptation constante des modalités de prise en charge pour garantir au placement sa fonction de protection. La DPJJ travaille actuellement à l'élaboration d'un document thématique sur l'ensemble de ces questions à destination des professionnels qui y sont confrontés au quotidien.