14ème législature

Question N° 65301
de Mme Cécile Untermaier (Socialiste, républicain et citoyen - Saône-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > professions de santé

Tête d'analyse > vétérinaires

Analyse > médicaments. délivrance. perspectives.

Question publiée au JO le : 30/09/2014 page : 8163
Réponse publiée au JO le : 06/01/2015 page : 40

Texte de la question

Mme Cécile Untermaier appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur la vente de médicaments vétérinaires. La loi n° 75-409 du 29 mai 1975 a instauré un système de monopole partagé entre les pharmaciens, les groupements agréés d'éleveurs et les vétérinaires, à condition pour ces derniers de ne pas tenir officine ouverte et de délivrer des médicaments aux seuls animaux auxquels ils donnent personnellement leurs soins ou dont la surveillance sanitaire et les soins leurs sont régulièrement confiés. Si cette réglementation n'a pas évolué depuis, les pratiques ont elles bien changé, laissant apparaître depuis longtemps déjà sur ce marché spécifique un monopole dit de fait des vétérinaires, notamment évoqué par le dernier rapport de l'inspection générale des finances (IGF) sur les professions réglementées. Une telle situation pose un certain nombre de difficultés, tant sur le plan de la nécessaire loyauté de la concurrence que sur le plan moral. En effet, les pharmaciens se sentent lésés, mis à l'écart par les effets pervers d'une loi au demeurant non appliquée et dénoncent par ailleurs des pratiques qu'ils considèrent déloyales. La « fausse » libre concurrence qu'ils évoquent résulterait d'un déséquilibre de fait entre les deux ayants droit de plein exercice que sont les vétérinaires et les pharmaciens, car si le choix du dispensateur est censé être libre, il ne serait en réalité que très relatif à raison d'un processus de délivrance du médicament qui finalement ne dépasserait jamais les murs du cabinet vétérinaire. L'explication donnée révèle l'existence d'enjeux financiers d'une telle importance que les vétérinaires auraient tout intérêt à délivrer eux-mêmes les médicaments. Un précédent rapport de l'IGF daté de mai 2013 évoque à ce sujet l'existence de contrats de coopération commerciale qui permettraient aux vétérinaires de se dégager une marge arrière très importante grâce aux remises accordées par les laboratoires pharmaceutiques. Au total, toutes marges confondues, presque 75 % du prix de vente reviendraient à ces prescripteurs-vendeurs qui, se prêtant malgré eux au jeu préjudiciable à tous points de vue de l'incitation à prescrire, réussissent à capter 80 % du marché contre 5 % pour les pharmaciens. Il y a dans ce système un conflit d'intérêts manifeste et très contestable, qui pose corollairement une importante question de santé publique. Mais à ce jour, aucun état des lieux sur la situation permettant de mettre en lumière les mauvaises pratiques n'a été effectué, sans compter que les contrôles sont très rares et leur nombre méconnu. C'est ainsi que ces mauvaises pratiques se pérennisent, en marge de la loi, et ce au détriment des autres ayants droits de plein exercice, les pharmaciens, forcés d'admettre leur impuissance. Face à ce constat, nombreux sont ceux qui réclament la mise en place du système dit de découplage entre prescripteur et dispensateur. Cette question a d'ailleurs été évoquée dernièrement à l'occasion du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, sans que cette option ne soit retenue. Pourtant, le Parlement européen, dans la recommandation n° 16 de sa résolution du 11 décembre 2012 visant à lutter contre l'antibiorésistance, exhorte à établir cette distinction. Aussi, elle lui demande dans un premier temps si le Gouvernement prévoit d'effectuer un état des lieux des pratiques de sorte, le cas échéant, de rétablir un système de monopole partagé conforme à l'esprit de la loi, équitable et juste. Dans un second temps, elle souhaiterait connaître ses intentions s'agissant de la mise en place du système de découplage préconisé dans notre pays.

Texte de la réponse

Il faut d'abord rappeler que les vétérinaires assurent au quotidien, parfois dans des situations d'urgence, un service de proximité apprécié des citoyens, propriétaires d'animaux de compagnie et éleveurs, à savoir des actes de diagnostic, de soins et de délivrance des médicaments nécessaires au recouvrement de l'état de santé des animaux. À ce sujet il convient de souligner leur efficacité, car elle a permis au cours des décennies précédentes, de contenir, prévenir voire éradiquer de grandes maladies animales (rage, brucellose, tuberculose, influenza aviaire...) qui peuvent être préjudiciables à l'économie des filières animales et à la santé publique, et ce, grâce au réseau de vétérinaires qui maille le territoire et qu'il convient de préserver pour éviter des déserts sanitaires. Les vétérinaires ne peuvent pas tenir officine ouverte et ils ne peuvent donc délivrer des médicaments vétérinaires que pour les seuls animaux auxquels ils donnent personnellement leurs soins ou dont la surveillance sanitaire leur est confiée. Le ministre chargé de l'agriculture tient à souligner qu'après avoir effectué leur diagnostic, les vétérinaires ont l'obligation de ne prescrire que les seules quantités nécessaires au traitement et de remettre une ordonnance. Ces importantes restrictions en matière de prescription et de délivrance ne sauraient être interprétées comme la source d'une concurrence déséquilibrée au détriment des pharmaciens qui ont eux la possibilité de tenir officine ouverte. S'agissant du découplage, cette perspective a été envisagée lors des travaux préparatoires à la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, et a fait l'objet d'un examen approfondi. Il en ressort que le découplage n'a pas apporté la preuve de son efficacité en matière de réduction des consommations de médicaments vétérinaires notamment dans le domaine de lutte contre l'antibiorésistance. En effet, les ventes d'antibiotiques vétérinaires en Espagne et en Italie sont parmi les plus élevées de l'Union européenne, bien au-delà de la situation française, alors même que le découplage y est la règle. Enfin, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a mis un terme aux pratiques commerciales qui pouvaient influencer la prescription d'antibiotiques car ces médicaments doivent être utilisés de façon raisonnée et prudente du fait du risque d'antibiorésistance.