14ème législature

Question N° 65773
de M. Jean-Philippe Nilor (Gauche démocrate et républicaine - Martinique )
Question écrite
Ministère interrogé > Transports, mer et pêche
Ministère attributaire > Transports, mer et pêche

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > aquaculture et pêche professionnelle

Analyse > filets maillants dérivants. politiques communautaires.

Question publiée au JO le : 07/10/2014 page : 8377
Réponse publiée au JO le : 03/02/2015 page : 780

Texte de la question

M. Jean-Philippe Nilor attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur le devenir des professionnels de la pêche en Martinique. La Commission européenne a adopté le 14 mai 2014 une proposition de règlement n° 2014-0138 (COD) prévoyant une interdiction de la pêche au filet dérivant. Cette proposition de règlement se fonde sur une approche de précaution et prévoit une interdiction totale de détenir à son bord ou d'utiliser tous types de filet dérivant à compter du 1er janvier 2015. Si elle était votée et adoptée en l'état, cette proposition provoquerait irrémédiablement la disparition des pêcheurs de volants de Martinique avec des conséquences économiques et sociales sans précédent. La pêche aux volants est considérée pour certains comme salvatrice. Les dispositions prévues par ce projet ne sont donc pas adaptées aux modes de pêche de notre territoire. En outre, l'analyse d'impact de cette proposition a examiné quatre possibilités variant entre le statu quo, des actions sur les mesures techniques et/ou de contrôle pour améliorer le contrôle et la compatibilité avec l'environnement, l'interdiction sélective des activités de pêche au filet dérivant et l'interdiction totale de la pêche au filet dérivant. C'est cette dernière option qui a été retenue. Elle est la moins pertinente, la moins efficace, la moins efficiente et la moins cohérente pour la pêche martiniquaise. S'il est vrai que depuis 2002, tous les filets dérivants sont interdits lorsqu'ils sont destinés à la capture des espèces énumérées en annexe VIII du règlement (CE) n° 894-97 du Conseil, la nouvelle interdiction telle que proposée par la commission viserait tous les navires de pêche et toutes les eaux de l'Union européenne alors que jusqu'à présent, les petits filets dérivant étaient encore autorisés. De plus, d'après l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), les espèces protégées ne sont pas capturées par nos pêcheurs martiniquais et aucune capture accidentelle n'a été observée. Par ailleurs, la pêche au filet dérivant en Martinique ne concerne qu'une seule espèce : le poisson volant pour un niveau de capture d'environ 100 tonnes. La ressource du poisson volant est suivie par un groupe de travail de la Food and Agriculture Organization (FAO), la Commission des pêches pour l'Atlantique centre ouest (Copaco) et la Caribbean regional fisheries mechanism (CRFM) et elle ne donne pour l'instant aucun signe de surexploitation. Suite aux ravages de la pollution au chlordécone, 40 % de la zone côtière dans la sonde des 20 mètres est interdite à la pêche. La durabilité, la dynamique spatio-temporelle de cette pollution et l'étroitesse de notre plateau continental imposent de redéployer les efforts de pêche vers le large. Par conséquent, tenant compte du principe de proportionnalité, cette proposition va pour la Martinique, au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis par ce projet de règlement, et est inadaptée à notre contexte. Il lui demande donc quelles mesures concrètes il entend prendre pour permettre aux pêcheurs martiniquais d'exercer leur métier et ainsi satisfaire aux besoins de leur famille, prenant en compte une réelle approche écosystémique régionalisée, eu égard l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui permet la mise en oeuvre de dispositifs spécifiques en faveurs des régions ultrapériphériques.

Texte de la réponse

La réglementation communautaire actuelle permet de pêcher au moyen de filets dérivants d'une longueur inférieure ou égale à 2,5 kilomètres. Cette pêche est pratiquée uniquement par la petite pêche côtière, en métropole et en outre-mer, dans la bande côtière et en zone estuarienne. Le cadre actuel est satisfaisant car il permet d'assurer aux flottilles concernées une certaine polyvalence de leur activité, l'utilisation de petits filets maillants dérivants étant généralement complémentaires d'une autre activité de pêche. Le filet dérivant est parfois la seule technique de pêche véritablement adaptée dans les zones à forts courants ou à fortes conditions de mer ou pour certaines espèces de poisson. Dans le cas de la Martinique, le filet dérivant est ainsi la technique la plus adaptée pour la pêche du poisson volant. Cette pêcherie traditionnelle est sélective et son interdiction dans le cadre d'une interdiction globale des filets maillants dérivants est disproportionnée et contraire à l'approche de régionalisation prônée par la nouvelle politique commune de pêches. Dès lors, la France ne partage pas la position de la Commission européenne sur ce dossier d'autant que la proposition d'interdiction de la Commission semble avoir un fondement scientifique extrêmement fragile et sous-estime les conséquences socio-économiques qu'elle emporterait. Les discussions sur ce règlement européen sont en cours dans le cadre de la procédure législative ordinaire entre le Conseil des ministres de l'Union européenne et le Parlement européen. Le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche portera au Conseil des ministres de l'Union européenne une position visant à garantir cette pêche importante pour les pêcheurs côtiers artisanaux, qui font la richesse et le dynamisme de notre économie littorale. Cette proposition de règlement risque en effet de déstabiliser un secteur artisanal qui est pourtant encouragé par la nouvelle politique commune de la pêche, y compris par son instrument financier, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). C'est la raison pour laquelle le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche fera pleinement valoir l'importance de réviser les parties de ce règlement dont les motivations sont mal assurées.