14ème législature

Question N° 65889
de M. Élie Aboud (Union pour un Mouvement Populaire - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité publique

Tête d'analyse > sécurité des biens et des personnes

Analyse > djihadistes. arrestation. dysfonctionnements.

Question publiée au JO le : 07/10/2014 page : 8368
Réponse publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2308

Texte de la question

M. Élie Aboud attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'exceptionnel raté concernant l'incroyable non-arrestation de trois djihadistes français à leur retour du Moyen-Orient. En effet, les services du ministère ont signalé leur interpellation à Orly, alors même que ces derniers se promenaient librement dans les rues de Marseille. Surveillés de longue date, en raison de leur appartenance à la mouvance islamique extrême, ceux-ci semblent avoir déjoué toutes les mesures de précaution concernant notre territoire. Comme près de 1 000 ressortissants français sont ou ont été repérés dans des réseaux actifs ou dormants de la mouvance, on est en droit de s'interroger sur l'efficacité de notre protection. Le ministère de l'intérieur est directement impliqué dans cette affaire. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui préciser ses intentions pour déjouer toute nouvelle bévue.

Texte de la réponse

Comme d'autres pays de l'Union européenne, la France est confrontée au basculement de plusieurs centaines de jeunes hommes et de jeunes filles dans l'engagement radical violent, le plus souvent en lien avec les filières terroristes. Leur départ pour des théâtres de combat (Syrie, Irak...) représente une menace pour eux-mêmes, pour la sécurité du pays et pour le territoire européen, notamment au regard du retour de personnes radicalisées et formées au maniement des armes. L'émergence d'une nouvelle génération de terroristes aguerris, susceptibles de frapper le territoire européen et français, appelle de l'Etat une réaction déterminée et efficace. Plusieurs mesures ont été prises pour renforcer le dispositif français de lutte anti-terroriste, sur le plan juridique et sur le plan de l'organisation. La loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, adoptée par le Parlement dans un esprit de rassemblement, a permis de consolider et d'adapter les moyens d'action préventifs et répressifs des policiers et des magistrats. Elle permet en particulier de poursuivre dorénavant des Français, ou des personnes résidant habituellement en France, qui se rendent à l'étranger pour commettre des actes de terrorisme (participation à des camps d'entraînement...) alors même qu'aucun acte n'a été commis sur le territoire français. La chaîne du renseignement a également été renforcée et consolidée, en complétant et en adaptant la réforme du renseignement menée en 2008. La France s'est dotée d'un grand service de renseignement interne, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), dotée de moyens humains et technologiques accrus. Parallèlement, la filière du renseignement territorial, assurant un maillage étroit du territoire, a été renforcée, gage de meilleures capacités de détection des « signaux faibles ». Les liens entre le renseignement intérieur et le renseignement territorial ont été resserrés. L'évolution de la menace et son ampleur, liée à la présence grandissante parmi les combattants en Syrie et en Irak d'individus originaires des pays européens, ont conduit le Gouvernement à aller plus loin. Le ministre de l'intérieur a présenté en conseil des ministres le 23 avril dernier un plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes, intégrant un volet répressif mais aussi des actions préventives. Ce plan d'action prend en compte le désarroi des familles confrontées à des enfants qui basculent dans la radicalisation. C'est pour les aider qu'un numéro national d'assistance et d'orientation a été mis à leur disposition dès le 29 avril dernier (numéro vert 0800 005 696) au sein du ministère de l'intérieur. Il permet aux familles ou aux proches de signaler une situation inquiétante et de bénéficier d'une écoute et de conseils. C'est aussi dans le cadre de ce plan d'action qu'a été adoptée, à une large majorité, la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Pour démanteler les filières de recrutement et empêcher le départ de ceux qui souhaiteraient rejoindre les théâtres d'opérations de groupements terroristes, la loi du 13 novembre 2014 a instauré une interdiction administrative de sortie du territoire. Elle a également renforcé les capacités de blocage des sites internet faisant l'apologie du terrorisme ou y provoquant. Pour appréhender des individus qui s'auto-radicalisent ou préparent un attentat de façon isolée, une nouvelle incrimination d'entreprise terroriste individuelle a été instaurée, qui permettra notamment de neutraliser ceux qui reviendraient en France et y prépareraient des actes terroristes. Une interdiction administrative du territoire a également été créée, afin de s'opposer à l'entrée en France d'étrangers présentant une menace grave pour l'ordre public. L'efficacité de la lutte contre le terrorisme passe par une action qui se prolonge à l'échelle européenne et internationale, notamment en termes d'échanges d'informations. La France coopère donc étroitement avec ses différents partenaires. Le ministre de l'intérieur, avec d'autres partenaires européens, s'engage ainsi pour renforcer le système d'information Schengen (SIS) et pour favoriser l'adoption d'un système PNR (Passenger Name Record) européen, c'est-à-dire d'un système d'enregistrement des passagers qui permettra de connaître précisément les personnes impliquées dans des activités terroristes qui transitent par des aéroports européens. La mobilisation et l'efficacité de nos services, notamment de renseignement, doivent être saluées. S'agissant des événements évoqués par le parlementaire concernant le retour fin septembre de trois jeunes gens en provenance de Turquie, le ministre de l'intérieur tient à souligner qu'il s'agit d'un fait isolé et qu'aucune faute n'a été commise par les services français, dont la mise en cause par les médias a été totalement injustifiée. Dans un Etat de droit tel que la France, des règles doivent être respectées et l'ont été : les fonctionnaires de police présents à Marseille, où ont débarqué les trois Français, ne disposaient pas de commission rogatoire et ces trois individus ne faisaient pas l'objet d'un mandat d'arrêt international. Pour autant, il est indiscutable que ce transfèrement aurait dû se dérouler différemment et a révélé une carence. La coordination avec la Turquie n'a en effet pas été suffisante, même s'il doit être souligné que ces faits s'inscrivent dans un contexte inédit d'augmentation exponentielle de Français qui rentrent en France après un passage en Syrie. Le ministre de l'intérieur s'est rendu dès après ces faits à Ankara pour discuter avec son homologue turc des moyens d'améliorer la coordination concernant les procédures d'expulsion. La France a pris, avec le gouvernement turc et dans le respect de la souveraineté, des dispositions pour consolider les procédures. Une action globale est donc menée, combinant détection et anticipation, prévention et neutralisation, et préservant l'indispensable équilibre entre les moyens dont l'Etat doit être doté et la protection des libertés publiques. Cette action globale, reposant sur la mobilisation de l'ensemble des services de l'Etat engagés dans la prévention et la répression du terrorisme (communauté du renseignement, services de police, juridictions...) produit des résultats. Pour les seuls 11 premiers mois de l'année 2014, près de 140 individus revenus du théâtre des opérations en Irak ou en Syrie ont ainsi été interpellés par les services de police.