14ème législature

Question N° 66355
de Mme Valérie Lacroute (Union pour un Mouvement Populaire - Seine-et-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > réforme

Analyse > droit des contrats. ordonnance.

Question publiée au JO le : 14/10/2014 page : 8569
Réponse publiée au JO le : 18/08/2015 page : 6402

Texte de la question

Mme Valérie Lacroute interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. L'article 3 de ce projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à réformer le droit des contrats par ordonnance. Les débats parlementaires qui auraient dû avoir lieu sur une modification aussi importante de ce que l'on a appelé la « Constitution civile de la France » n'ont donc pas pu préalablement se tenir. Ces travaux préparatoires sont pourtant nécessaires pour éclairer les praticiens et ont pour intérêt de mettre en lumière les éventuelles défectuosités ou les lacunes du projet et évidemment d'y remédier. Or, de l'opinion de spécialistes reconnus du droit privé, le texte envisagé par le Gouvernement présente des choix contestables sur le fond. Certaines jurisprudences sont ainsi révoquées ou confirmées sans réelle motivation. Des opinions doctrinales minoritaires sont consacrées sans justification sérieuse. Des positions juridiques erronées ou incomplètes sont adoptées. Elle lui demande s'il n'est pas profondément incohérent de supprimer la notion de « cause » dans l'article 35 pour en conserver les principales applications dans les articles 69 et suivants ? Comment peut-on sur le plan de la logique comme sur celui de la simple pédagogie, supprimer une institution tout en maintenant son régime ? N'y a-t-il pas là le risque de créer une profonde incompréhension dans l'esprit des praticiens du droit comme des magistrats.

Texte de la réponse

L'article 3 de la loi relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures vise à habiliter le gouvernement à procéder, par ordonnance, à une réforme des dispositions du code civil relatives au droit des contrats, au régime et à la preuve des obligations. Exclure par principe le recours à l'ordonnance risquerait de compromettre l'aboutissement d'une réforme sur le principe même de laquelle un large consensus s'est dégagé. Une habilitation à procéder par voie d'ordonnance n'aurait au demeurant pas pour effet d'écarter les parlementaires de ce chantier ambitieux. Tout d'abord, le gouvernement s'est engagé à déposer un projet de loi de ratification spécifique et à l'inscrire à l'ordre du jour. Le Parlement pourra ainsi exercer son droit de regard dans l'examen de ce projet de loi et apporter les modifications qu'il jugera nécessaires. Ensuite, des parlementaires désignés par chaque assemblée pourront travailler avec la Chancellerie sur l'avant-projet d'ordonnance afin de proposer les améliorations qu'ils estimeront utiles. Il doit à cet égard être rappelé que l'avant-projet élaboré par la direction des affaires civiles et du sceau est l'aboutissement d'un processus de réflexion long et particulièrement mûri. Ainsi, les travaux de la Chancellerie s'appuient notamment sur deux rapports rédigés, l'un à l'initiative du professeur Catala en 2005, et l'autre à celle du professeur François Terré entre 2008 et 2013, ainsi que sur de multiples travaux associant professionnels du droit et acteurs du monde économique, lesquels pourront de nouveau faire part de leurs analyses à l'occasion de la consultation que le ministère de la justice ne manquera pas de lancer si l'habilitation est votée. Sur le fond, il convient de rappeler que si cette réforme d'ampleur propose de moderniser le droit des obligations en introduisant de nouvelles dispositions, une grande partie du projet vise à consolider les acquis en consacrant à droit constant les solutions dégagées par la jurisprudence, et qui sont ainsi connues des praticiens. C'est dans cette perspective que le projet de réforme propose de supprimer le terme de « cause » du contrat. Cette notion aux contours flous, difficile à enfermer dans une définition précise, mal comprise dans le reste du monde, a été l'instrument d'une jurisprudence abondante et fluctuante. Elle peut être perçue, non sans raisons, comme un facteur d'insécurité juridique et un frein à l'attractivité de notre droit. Il ne s'agit pas pour autant de nier l'importance des fonctions qui ont pu lui être attribuées par une jurisprudence dépassant sans aucun doute l'intention du législateur de 1804 : contrôle de l'existence d'une contrepartie, de l'équilibre et de la licéité du contrat. Les propositions de la Chancellerie visent à consacrer ces fonctions, le fait de ne plus faire référence au terme même de cause n'ayant nullement pour objet de les supprimer. En toute hypothèse, le gouvernement entend soumettre cette proposition, comme l'ensemble du projet, à une large consultation qui permettra d'examiner les objections faites afin, le cas échéant, d'y apporter des réponses concrètes dans l'élaboration du texte.