14ème législature

Question N° 66357
de M. Thierry Mariani (Union pour un Mouvement Populaire - Français établis hors de France )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > réforme

Analyse > droit des contrats. ordonnance.

Question publiée au JO le : 14/10/2014 page : 8569
Réponse publiée au JO le : 06/09/2016 page : 7986
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de renouvellement: 03/02/2015
Date de renouvellement: 09/06/2015
Date de renouvellement: 15/09/2015
Date de renouvellement: 29/03/2016
Date de renouvellement: 12/07/2016

Texte de la question

M. Thierry Mariani interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet d'ordonnance de réforme du code civil. En effet, l'article 3 du projet de loi relatif à « la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures » autorise le Gouvernement à adopter une ordonnance en vue de la réforme du droit des contrats. Les débats parlementaires qui auraient dû avoir lieu sur une modification aussi importante de ce que l'on a appelé la « Constitution civile de la France » n'ont donc pu préalablement se tenir. Ces travaux préparatoires auraient pourtant été nécessaires pour éclairer les praticiens. Ils auraient eu pour intérêt de mettre en lumière les éventuelles défectuosités ou les lacunes du projet et évidemment d'y remédier. Or, de l'opinion de spécialistes reconnus du droit privé, le projet d'ordonnance envisagé par le Gouvernement, et dont certains médias se seraient emparés, présenteraient, outre des rédactions de forme maladroites, des choix contestables sur le fond. Certaines jurisprudences seraient révoquées ou confirmées sans réelle motivation. Des opinions doctrinales minoritaires seraient consacrées sans justification sérieuse. Des positions juridiques erronées ou incomplètes seraient adoptées. Plus particulièrement, on pourrait noter l'incohérence de la part du projet d'ordonnance de supprimer la notion de « cause » dans l'article 35 pour en conserver les principales applications dans les articles 69 et suivants. Or, sur le plan de la logique comme sur celui de la simple pédagogie, il semble peu cohérent de supprimer une institution tout en maintenant son régime. Le risque serait de créer une profonde incompréhension dans l'esprit des praticiens du droit comme des magistrats. Dès lors, quel que soit le sort futur du texte, il souhaite obtenir des éclaircissements sur certains points de ce projet d'ordonnance élaboré par le Gouvernement.

Texte de la réponse

L'article 8 de la loi no 2015-177 du 16 février 2015, relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, a habilité le gouvernement à procéder, par ordonnance, à une réforme des dispositions du code civil relatives au droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Cette option a été retenue après qu'il eut été vérifié qu'aucun obstacle constitutionnel ne s'y opposait, comme le Conseil constitutionnel l'a au demeurant confirmé. A cet égard, afin de permettre au Parlement d'exercer son contrôle, le choix a été fait de proposer un article d'habilitation très détaillé présentant les grandes lignes de la réforme. Cet article a d'ailleurs été adopté sans modification, dans les termes exacts du projet initial.  Il doit également être rappelé que l'avant-projet élaboré par la direction des affaires civiles et du sceau est l'aboutissement d'un processus de réflexion long et particulièrement mûri. Ainsi, les travaux de la Chancellerie se sont appuyés notamment sur deux rapports d'une grande qualité, rédigés l'un à l'initiative du professeur Catala en 2005 et l'autre sous l'égide du professeur Terré entre 2008 et 2013, et sur de multiples travaux associant professionnels du droit et acteurs du monde économique. Dans le cadre de la consultation publique menée en mars et avril 2015, ces derniers ont de nouveau eu l'occasion de faire part de leurs analyses, lesquelles ont été prises en compte pour amender et finaliser le projet d'ordonnance qui a été soumis au Conseil d'Etat. En définitive, l'ordonnance no 2016-131, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a été adoptée le 10 février 2016 et publiée le 11 février. Conformément aux engagements de la garde des sceaux lors des débats ayant présidé à l'adoption de la loi d'habilitation, un projet de loi de ratification spécifique a été établi et d'ores et déjà transmis au Conseil d'Etat, en vue d'un dépôt devant le Parlement avant l'expiration du délai six mois suivant la publication de l'ordonnance. Sur le fond, il convient de rappeler que si cette réforme d'ampleur propose de moderniser le droit des obligations en introduisant quelques innovations importantes, la majeure partie de l'ordonnance vise à consolider les acquis en consacrant à droit constant les solutions dégagées par la jurisprudence et qui sont ainsi connues des praticiens.  C'est dans cette perspective que l'ordonnance supprime la référence au terme de « cause ». Cette notion aux contours flous, difficile à enfermer dans une définition précise, mal comprise dans le reste du monde, a été l'instrument d'une jurisprudence abondante et fluctuante. Elle peut être perçue, non sans raisons, comme un facteur d'insécurité juridique et un frein à l'attractivité de notre droit. Il ne s'agit pas pour autant de nier l'importance des fonctions qui ont pu lui être attribuées par une jurisprudence dépassant sans aucun doute l'intention du législateur de 1804 : contrôle de l'existence d'une contrepartie, de l'équilibre et de la licéité du contrat. Ces fonctions sont consacrées par l'ordonnance, notamment aux articles 1162, 1169 et 1170, le fait de ne plus faire référence au terme même de cause n'ayant nullement pour objet de les supprimer.