14ème législature

Question N° 66392
de Mme Virginie Duby-Muller (Union pour un Mouvement Populaire - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > ordre public

Tête d'analyse > terrorisme

Analyse > djihad. statistiques. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 14/10/2014 page : 8559
Réponse publiée au JO le : 19/05/2015 page : 3806

Texte de la question

10 % des étrangers qui quittent l'Occident pour rejoindre les rangs de Daesh seraient des femmes dont certaines âgées seulement de 14 ans ou 15 ans rapporte le quotidien "The Guardian" et la France serait le pays comptant le plus grand nombre de femmes djihadistes, avec 63 présentes en Irak et Syrie, soit 25 % du total. Mme Virginie Duby-Muller interroge M. le ministre de l'intérieur sur la véracité de ces chiffres et, s'ils s'avéraient exacts ou proches de la réalité, elle lui demande quelles sont les raisons de ce recrutement et quelles solutions sont envisagées pour y remédier.

Texte de la réponse

L'implication de femmes dans les filières syriennes : l'implication de femmes dans les filières syriennes, observée à partir de 2013, a pris une dimension nouvelle au cours de l'année passée avec l'émergence du phénomène d'hijra (« émigration ») familiale. 365 femmes (dont 29 % de converties) sont actuellement suivies en raison de leur implication, à un titre ou à un autre, dans les filières syriennes. Elles représentent ainsi près du quart des individus impliqués dans ces filières. Au registre des départs effectifs sur zone, 123 d'entre elles sont actuellement localisées en zone syro-irakienne et 73 en Turquie. Une quarantaine est revenue en France après un séjour en zone turco-syrienne. En outre, 43 mineures de plus de 15 ans sont actuellement suivies par la DGSI, dont 6 localisées en Syrie et en Irak. Le projet de ces femmes est souvent bien préparé. Avant leur départ, elles prennent contact entre elles, récoltent de l'argent et se rapprochent de facilitateurs situés aussi bien sur zone que sur le territoire national. A cet égard, la DGSI interpellait fin mars 2015 deux frères suspectés d'avoir animé une filière d'acheminement de jeunes femmes vers la Syrie au profit des combattants syriens. La majorité des femmes présentes en zone turco-syrienne reste cantonnée à des tâches subalternes (cuisine, garde des enfants, et sont souvent regroupées dans un même lieu). Certaines apportent parfois aussi un soutien logistique aux combattants : cours de langue aux nouveaux arrivants, récolte des transferts d'argent, recrutement, etc. La participation effective de femmes aux combats en Syrie n'a pas été pour l'heure constatée, bien que certaines jihadistes, dont des Françaises, s'affichent avec des armes ou des ceintures explosives sur les réseaux sociaux, ou s'y mettent en scène dans des images d'entraînements militaires. Si plusieurs éléments témoignent ainsi de leur présence au plus près des combattants, aucune Française n'a pour l'instant trouvé la mort en Syrie ou en Irak. Quelques profils exaltés ou psychologiquement déséquilibrés sont remarqués parmi ces femmes. Un éventuel basculement dans l'action violente n'est pas à exclure, par engagement idéologique ou par désir de venger un proche mort au combat. Leurs motivations : leur départ pour une zone de combat est souvent lié à leur statut de compagne et répond selon les cas à différents schémas de motivations : elles peuvent être mariées - parfois sur internet après une rencontre sur les réseaux sociaux - à des jihadistes français partis en Syrie (qu'elles rejoignent ou suivent dans le cadre d'une « hijra familiale », parfois avec leurs enfants en bas âge), ou partant en terre de jihad pour y épouser sur place un combattant. D'autres subissent un chantage de leurs époux, partis avec les enfants pour s'assurer qu'elles les rejoindront surplace. Quelques-unes enfin sont des mères qui soutiennent l'engagement jihadiste de leurs fils jusqu'à vouloir les rejoindre. Sont également recensés plusieurs cas de jeunes filles mineures, immatures, en rupture scolaire ou familiale et parfois fascinées par un proche ou une connaissance partie en Syrie. Inconscientes de la situation réelle sur le terrain et souvent très peu documentées sur l'islam, elles semblent surtout s'inscrire dans un processus de quête identitaire. La grande majorité des femmes intègre l'Etat islamique, même si certaines ont pu rejoindre les rangs du Jabhat al-Nosra. Le projet de l'EI d'intégrer les familles à la construction de son califat s'illustre en effet par certaines facilités accordées à celles-ci (soldes et permissions plus avantageuses pour les combattants mariés et pères de famille, logements plus confortables, etc.). La lutte contre le phénomène : le contre terrorisme français ne dispose pas d'un arsenal juridique et/ou opératoire spécifique lui permettant de mener une lutte ciblée contre les femmes impliquées dans les filières jihadistes. Ce phénomène est donc combattu par les mêmes voies judiciaires ou administratives, quel que soit le sexe des individus impliqués dans les filières. 1/ Entretien préventif des candidates au départ, afin de tenter de les dissuader et/ou d'évaluer leur dangerosité. 2/ Mise en oeuvre de mesures administratives destinées à contrecarrer les départs de volontaires vers la Syrie : inscriptions systématiques des individus dans le Fichier des Personnes Recherchées et au Système d'Information Schengen (SIS), signalements en vue de la non-délivrance de passeports, expulsion des ressortissants étrangers impliqués dans les filières syro-irakiennes, gel préventif des avoirs, signalements des départs auprès des organismes versant des prestations sociales, demande d'interdiction de sortie du territoire (IST) pour des velléitaires adultes, demande par les parents d'un mineur d'une mesure d'opposition à la sortie du territoire (OST) en cas de départ imminent, interdiction administrative du territoire (IAT) pour les ressortissants étrangers impliqués dans les filières syro-irakiennes. 3/ Dans les cas où les éléments constitutifs sont réunis, mise en oeuvre de procédures judiciaires, sous l'autorité du parquet et/ou de magistrats instructeurs, de procédures judiciaires. Celles-ci visent des faits passibles de poursuites, au titre de l'arsenal pénal antiterroriste dont aucune disposition ne prévoit quelque forme de traitement judiciaire discriminé en fonction du sexe des auteurs présumés des infractions.