14ème législature

Question N° 67016
de M. Patrice Verchère (Union pour un Mouvement Populaire - Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > marchés publics

Tête d'analyse > appels d'offres

Analyse > entreprises en redressement judiciaire.

Question publiée au JO le : 21/10/2014 page : 8747
Réponse publiée au JO le : 23/08/2016 page : 7542
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de renouvellement: 03/03/2015
Date de renouvellement: 09/06/2015
Date de renouvellement: 05/07/2016

Texte de la question

M. Patrice Verchère attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les pratiques de certains dirigeants d'entreprises, en particulier dans le secteur des bâtiments et travaux publics, qui engendrent une concurrence déloyale. En effet, certains dirigeants semblent tirer profit des dispositifs légaux pour sauvegarder les entreprises, comme la procédure de redressement judiciaire. Ce dispositif qui permet aux entreprises en cessation de paiement de poursuivre leurs activités peut être dévoyé de sa fonction initiale par des dirigeants peu scrupuleux. En causant volontairement une situation financière délicate par la pratique d'une politique de prix très agressive, qui, par ailleurs, déséquilibre les niveaux de prix de l'ensemble du secteur, certains dirigeants utilisent les procédures de redressement et de liquidation judiciaire pour se débarrasser de leurs dettes. Or les jugements emportant la liquidation judiciaire d'une entreprise ne comportent qu'exceptionnellement des sanctions à l'égard du dirigeant d'entreprise. La pratique douteuse consiste à créer une nouvelle société, exerçant la même activité, dirigée par la même personne, souvent à la même adresse et parfois sous le même nom que la première, juste avant le prononcé de sa liquidation. Ainsi par ce stratagème, l'entreprise en redressement peut transférer ses contrats, en recourant à la sous-traitance, à la nouvelle société. Ceci pose une situation de concurrence déloyale, notamment dans le cadre des marchés publics, où une entreprise qui n'a pas concouru à un appel d'offres peut finalement se voir confier la réalisation des travaux. Il lui demande si le Gouvernement entend renforcer la législation pour éviter ces pratiques déloyales, abusives voire frauduleuses.

Texte de la réponse

En principe, un dirigeant dont l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peut créer une nouvelle entreprise s'il n'est pas lui-même en procédure collective. Cependant, s'il a, par son comportement, provoqué volontairement la cessation des paiements de son entreprise, plusieurs types d'actions peuvent être mises en œuvre à son égard. Le livre VI du code de commerce prévoit trois types de sanctions applicables aux dirigeants dont le comportement malhonnête a été à l'origine de la cessation des paiements de l'entreprise. Les articles L. 651-1 et suivants du code de commerce organisent une sanction patrimoniale, la responsabilité pour insuffisance d'actif ; les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce établissent des sanctions professionnelles, la faillite personnelle et l'interdiction de gérer ; et les articles L. 654-1 et suivants mettent en place des sanctions pénales telles que le délit de banqueroute. C'est ainsi d'abord que la responsabilité pour insuffisance d'actif vise à faire supporter au dirigeant qui a commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif tout ou partie du passif de l'entreprise en liquidation judiciaire. La caractérisation de la faute de gestion est laissée à l'appréciation du tribunal de telle sorte que des comportements visant à causer volontairement la cessation des paiements peuvent être sanctionnés par cette voie. La responsabilité pour insuffisance d'actif permet d'obliger le dirigeant à rembourser tout ou partie des dettes de sa société et contribue ainsi à améliorer le sort des créanciers de la société en liquidation judiciaire. Ensuite, les autres sanctions professionnelles ont pour objectif d'écarter les dirigeants fautifs voire malhonnêtes de la vie des affaires. Ces sanctions professionnelles, que sont la faillite personnelle et l'interdiction de gérer, sont prononcées à l'encontre de dirigeants personnes physiques notamment lorsque ceux-ci ont poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale. Enfin, le délit de banqueroute sanctionne les actes les plus répréhensibles des dirigeants d'une entreprise en redressement ou liquidation judiciaire tel que le fait d'avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours. Indépendamment des sanctions, il existe,  dans le cadre de la liquidation judiciaire, une action pour le créancier qui considère que le débiteur a commis des actes frauduleux à son égard. En principe, les créanciers ne recouvrent pas leur droit de poursuite individuelle à l'égard du débiteur lors de la clôture de la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif. Toutefois, cette mesure de faveur est écartée lorsque le débiteur a commis des actes frauduleux à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers. L'appréciation de la nature frauduleuse des actes commis par le débiteur revient au tribunal, saisi sur la demande de l'un des créanciers. Ainsi, les tribunaux disposent d'ores-et-déjà des moyens de sanctionner les entrepreneurs qui, par leur comportement, utilisent les procédures de redressement ou de liquidation judiciaire à des fins anticoncurrentielles.