14ème législature

Question N° 67307
de M. Jean-Pierre Blazy (Socialiste, républicain et citoyen - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > bioéthique

Tête d'analyse > procréation avec donneur

Analyse > délit d'entremise. poursuites.

Question publiée au JO le : 28/10/2014 page : 8901
Réponse publiée au JO le : 15/12/2015 page : 252
Date de signalement: 17/03/2015
Date de renouvellement: 10/02/2015

Texte de la question

M. Jean-Pierre Blazy attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la tenue de réunion de consultations pour le compte de sociétés américaines proposant les services de mères porteuses. Cette réunion s'est tenue au coeur de Paris dans l'hôtel Westin à 300 mètres de l'assemblée nationale. Pourtant, le Gouvernement se déclare inflexible sur la question de la GPA. L'enquête confiée à la brigade de répression de la délinquance sur la personne à la suite d'une première plainte déposée le 10 janvier 2014 n'a encore donné lieu à aucune poursuite alors que les faits dénoncés et contraires à la loi sont connus. Ce démarchage commercial constitue une « infraction d'entremise en vue de la GPA », sanctionnée par l'article 227-12 du code pénal qui prévoit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende. Il constate que le Gouvernement n'a pas fait appel de la condamnation de la CEDH sur la non-reconnaissance de la filiation d'un enfant né d'une GPA à l'étranger et que le Gouvernement laisse les entreprises étrangères installer leur marché de la GPA en France en toute impunité. Il souhaite savoir comment le Gouvernement compte faire respecter la loi sur le territoire français, et ce qu'il compte faire au niveau international pour mettre fin à cette commercialisation du corps des femmes.

Texte de la réponse

Outre le principe d’indisponibilité du corps humain, qui constitue un des fondements de l’état des personnes, les lois du 29 juillet 1994 dites de "bioéthique", confirmées par la loi du 6 août 2004, ont introduit à l’article 16-7 du code civil une disposition interdisant toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui. Les débats entourant l’adoption de la loi no 2013-404 du 17 mai 2013, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, ont été l’occasion pour le Gouvernement de rappeler cette interdiction et d’affirmer qu’il n’y aurait aucune tolérance à l’égard des activités d’intermédiaire ou de recrutement visant à mettre en relation des couples avec des mères porteuses dans le but de conclure des contrats de gestation pour autrui. Les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme condamnant la France ne remettent aucunement en cause cette position. Elles marquent la recherche d’un équilibre entre le principe d’ordre public de prohibition de telles conventions qui demeure, et auquel le Gouvernement français est particulièrement attaché, et la nécessaire protection qu’il convient de garantir à l’enfant au nom de son intérêt supérieur au sens de l’article 3 paragraphe 1 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant, et de son droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elles confirment ainsi la nécessité impérieuse de distinguer le sort des enfants de celui de leurs parents ayant eu recours à un contrat illicite et ainsi de leur garantir, sur le territoire national, le droit au respect de leur identité, dont la filiation et la nationalité française constituent un aspect essentiel.  L’interdiction de toute convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui est accompagnée d’un dispositif répressif sanctionnant non seulement la gestation pour autrui, mais aussi toute activité d’intermédiaire destinée à favoriser cette pratique. Les deuxième et troisième alinéas de l’article 227-12 du code pénal punissent en effet respectivement d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre, et de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende de tels faits lorsqu’ils ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif. La tentative de ces infractions est également punissable. Le premier alinéa de l’article 227-12 du code pénal punit quant à lui de 6 mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d’autorité, les parents ou l’un d’entre eux à abandonner un enfant né ou à naître. Il résulte des articles 113-2 et 113-6 du code pénal que les textes réprimant la gestation pour autrui s’appliquent soit lorsque les faits ont été commis en France, soit lorsqu’ils ont été commis par un ressortissant français dans un pays étranger sur le territoire duquel les faits sont également punissables. En revanche, le recours à la gestation pour autrui à l’étranger par des ressortissants français n’est pas punissable en droit français en l’absence de réciprocité de la répression de cette pratique dans le droit national du pays étranger. La volonté de réprimer les Français qui ont eu recours à la gestation pour autrui à l’étranger exigerait dès lors de créer une exception à ce principe de double incrimination. A ce titre, elle ne peut que susciter un avis défavorable du Gouvernement. En effet, une telle exception existe en matière de tourisme sexuel ou de terrorisme mais elle est réservée aux comportements dont la répression est consensuelle sur le plan international, et notamment aux infractions régies par des conventions internationales ou européennes, ce qui n’est pas le cas de la répression de la gestation pour autrui. S’agissant de la plainte visant des sociétés américaines proposant des services de mères porteuses, il appartient au procureur de la République saisi de cette affaire d’apporter, après enquête, les suites judiciaires appropriées. En application de l’article 1er de la loi du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique, et conformément aux engagements pris dans la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012, il n’appartient pas à la garde des Sceaux de donner quelque instruction que ce soit aux parquets dans le cadre d’affaires individuelles ni d’interférer dans les procédures judiciaires.