14ème législature

Question N° 67986
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires étrangères
Ministère attributaire > Affaires étrangères

Rubrique > droits de l'Homme et libertés publiques

Tête d'analyse > protection

Analyse > résolution. Nations-unies. multinationales. rejet.

Question publiée au JO le : 04/11/2014 page : 9154
Réponse publiée au JO le : 09/12/2014 page : 10219

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur le refus de la France de soutenir au niveau international l'élaboration de nouvelles normes contraignantes sur les entreprises multinationales au regard du respect des droits humains et sociaux. En effet, le Conseil des droits de l'Homme de l'Organisation des Nations-unies s'est prononcé en faveur de l'adoption de la résolution n° 26 du 26 juin 2014 demandant l'élaboration d'un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises quant au respect des droits de l'Homme. Cette résolution, présentée par l'Afrique du Sud, la Bolivie, Cuba, l'Équateur et le Venezuela, avait été soutenue par 85 États de la planète pour ouvrir enfin une opportunité pour combler le manque flagrant d'instrument juridiquement contraignant, pourvu de mécanisme de sanction, pour réguler et contrôler les impacts des multinationales sur les droits humains et assurer l'accès à la justice pour les victimes de leurs activités. Les groupes transnationaux continuent de bénéficier d'une asymétrie dans le droit international puisqu'ils disposent aujourd'hui de toute une batterie d'instruments normatifs (traités de libre-échange, traités bilatéraux sur les investissements, mécanismes d'arbitrages internationaux) qui protègent leurs droits et intérêts, renforçant d'autant leur pouvoir économique. Toutes les tentatives passées pour contrôler et sanctionner leurs activités ayant des impacts sur les droits humains ont échoué, du fait du lobbying incessant qu'ils mènent envers les États et leurs organisations régionales. Alors que les négociations conduites par la Commission européenne sur différents traités de libre-échange, et tout particulièrement le traité transatlantique, démontrent l'emprise sans précédent que pourront avoir les groupes transnationaux sur le droit des états, le vote de refus de la France comme de l'ensemble des pays de l'OCDE, à l'exception du Chili, sur cette résolution appuie l'affirmation d'une soumission aux intérêts des multinationales sur les droits humains. En conséquence, il lui demande d'expliciter les motivations de cette position de la France au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, et s'il compte la revoir.

Texte de la réponse

La France est engagée de longue date dans la promotion des droits de l'Homme et leur respect par les entreprises multinationales. Lors du conseil des droits de l'Homme, qui s'est tenu à Genève en juin dernier, la France a coparrainé la résolution portée par la Norvège qui promeut la mise en oeuvre effective des principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l'Homme, adoptés à l'unanimité en 2011. Cette résolution renouvelle le mandat du groupe de travail sur les entreprises et les droits de l'Homme et l'invite à formuler des recommandations pour faciliter la mise en oeuvre de ces principes directeurs par tous les Etats. Une deuxième résolution a été présentée de façon inopinée et concurrente par l'Equateur et l'Afrique du Sud. Ces pays ont refusé les démarches conjointes qui auraient pu permettre d'arriver à un compromis et à l'adoption d'une résolution unique sur les entreprises et les droits de l'Homme. Ils se sont focalisés sur une approche polarisée et réductrice de la question, raison pour laquelle la France a voté contre cette deuxième résolution. A plus long terme, l'élaboration d'un traité au niveau international pourrait être envisagée et devrait être menée de manière non clivante, de façon à aboutir à un résultat effectif. Un groupe de travail a été lancé aux Nations unies, auquel la France participe. Lors de ce débat au conseil des droits de l'Homme, la France a, par l'intermédiaire de l'Union européenne, clairement réaffirmé son engagement à faire appliquer les principes directeurs des Nations unies adoptés il y a trois ans. L'UE est particulièrement impliquée sur cette question. La Commission européenne a notamment demandé à chaque Etat membre d'élaborer un plan national d'action pour l'application de ces principes. La France a saisi pour avis la commission nationale consultative des droits de l'Homme, tandis que le MAEDI, qui pilote la rédaction de ce plan d'action, a commencé à procéder à l'audition des différentes parties prenantes, entreprises et ONG notamment. Par ailleurs, la promotion de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) au niveau international ne se limite pas aux principes directeurs des Nations unies. La France est particulièrement engagée dans ce domaine et dispose d'un ambassadeur dédié à ce sujet. Elle veille ainsi à l'inclusion de normes RSE dans les accords internationaux, à l'instar des accords de libre-échange conclus par l'UE, qui comportent des clauses sociales et environnementales. La France oeuvre également à les prendre en compte dans sa politique de développement, comme en témoigne l'article dédié à la RSE de la loi sur l'aide au développement récemment adoptée. La France sera particulièrement attentive, notamment dans le cadre des activités de l'AFD, à la mise en oeuvre de ces dispositions. La France veille également au respect des lignes directrices de l'OCDE, autre outil incontournable de la RSE pleinement mobilisé à la suite du drame du Rana Plaza. La France a, par ailleurs, récemment organisé et présidé, avec les Pays-Bas, une session ministérielle à l'OCDE à Paris sur la conduite responsable des entreprises.