14ème législature

Question N° 67987
de M. André Schneider (Union pour un Mouvement Populaire - Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > eau

Tête d'analyse > gestion

Analyse > factures. non-recouvrement. usagers en surendettement. conséquences.

Question publiée au JO le : 04/11/2014 page : 9198
Réponse publiée au JO le : 05/04/2016 page : 2911
Date de changement d'attribution: 28/01/2016

Texte de la question

M. André Schneider attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur le nombre croissant de sociétés et d'agences qui distribuent l'eau potable et qui se trouvent confrontées à l'impossibilité d'obtenir le paiement des factures d'eau dès lors que la situation du débiteur s'inscrit dans le cadre d'une procédure de surendettement. En effet, et ainsi que le définit l'article L. 333-1 du code de la consommation, seules les dettes dites « alimentaires » sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement. Les créances d'eau sont, quant à elles, assimilées à des dettes dites « classiques » pouvant donc être effacées. Ce non-recouvrement pénalise la gestion des services d'eau et d'assainissement et altère leur politique d'investissement. La jurisprudence de la Cour de cassation, à l'occasion de plusieurs arrêts, a élargi le bénéfice du caractère alimentaire aux créances de cantines scolaires. Aussi, il souhaiterait savoir s'il serait envisageable de considérer les dettes d'eau comme des dettes alimentaires.

Texte de la réponse

Le 1° de l'article L. 333-1 du code de la consommation dispose que, sauf accord du créancier, les dettes alimentaires sont, à côté notamment des réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale, exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement. Si la loi n'énumère pas strictement les obligations alimentaires, cette qualification résulte de textes divers ou de la jurisprudence. A cet égard, le caractère alimentaire d'une dette s'apprécie au regard des besoins vitaux du créancier. Le critère de l'obligation alimentaire est d'assurer la subsistance du créancier, en état de besoin. L'exclusion des dettes alimentaires de la procédure de surendettement a pour objectif de préserver les intérêts vitaux de ce créancier. Si des cours d'appel ont pu juger que les frais de cantine scolaire avaient le caractère de dettes alimentaires, la jurisprudence de la Cour de cassation est quant à elle constante dans le refus de considérer que les dettes de cantine scolaire sont des dettes alimentaires au sens du 1° de l'article L.333-1, précité. Ainsi, dans un avis du 8 octobre 2007, la plus haute juridiction a affirmé qu' « au sens de l'article L. 333-1 du code de la consommation, ne constituent pas des dettes alimentaires du débiteur surendetté, les dettes à l'égard d'une collectivité publique pour des créances portant sur des frais de restauration scolaire, d'accueil périscolaire ou de centre de loisirs ». Les cours d'appel se sont d'ailleurs inclinées devant le raisonnement de la Cour de cassation (Cf CA Orléans 19 oct. 2006). De manière plus générale, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser, par un raisonnement équivalent, que les frais d'hospitalisation et les achats alimentaires ne pouvaient pas non plus être qualifiés de dettes alimentaires au regard de la législation relative au surendettement. La jurisprudence s'est ainsi attachée à circonscrire cette notion à la seule hypothèse d'un lien familial entre le débiteur et le créancier d'aliments. Comme le souligne le Doyen Paisant, « le débat porte moins sur la nature des créances invoquées que sur la personne même du créancier » (RTD Com. 2008 p. 193). Selon la Cour, c'est à la qualité du créancier qu'il faut s'intéresser pour déterminer si une dette emporte ou non la qualification d'alimentaire. Cette interprétation va d'ailleurs dans le sens de la volonté du législateur de renforcer l'effectivité des mesures de désendettement. Initialement, la loi no 89-1010 du 31 décembre 1989, relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles, avait également exclu des mesures de redressement les créances fiscales, parafiscales et envers les organismes de sécurité sociale. Conscient de l'entrave au désendettement des particuliers qu'une telle prohibition pouvait poser, le législateur a progressivement ouvert aux organes du surendettement la possibilité de recommander la suspension de l'exigibilité et l'effacement des dettes sociales puis étendu cette faculté aux dettes fiscales par la loi no 2003-710 du 1er août 2003, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Cette évolution s'est vue justifiée par l'évolution des situations de surendettement elles-mêmes. Ainsi, le dispositif originaire visait à traiter le surendettement dit « actif », résultant d'un recours excessif au crédit. Progressivement, s'est développé le surendettement dit « passif », concernant des familles démunies surendettées du fait d'événements qualifiés d' « accidents de la vie » tels le chômage, le divorce ou la maladie. La dégradation de la situation économique a donné naissance à un nouveau profil de surendettés dont le budget est structurellement déficitaire et l'endettement majoritairement constitué de charges courantes. Dans un tel contexte, exclure certaines de ces charges courantes, parmi lesquelles les dettes de factures d'eau, des mesures de désendettement, reviendrait à compromettre les chances de rétablissement du débiteur surendetté et se révélerait contraire à l'objectif assigné par le législateur à la procédure de surendettement.