14ème législature

Question N° 68046
de M. Christian Kert (Union pour un Mouvement Populaire - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Rubrique > enseignement supérieur

Tête d'analyse > emploi et activité

Analyse > précarité. résorption. perspectives.

Question publiée au JO le : 04/11/2014 page : 9207
Réponse publiée au JO le : 17/03/2015 page : 1988
Date de changement d'attribution: 06/03/2015

Texte de la question

M. Christian Kert attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conséquences de la loi Sauvadet (loi n° 2012-347 du 12 mars 2012, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique) entraînant un sentiment de gâchis chez les jeunes chercheurs. En effet, ceux-ci passent souvent plusieurs années, après leur thèse, en CDD dans divers laboratoires afin d'acquérir de l'expérience pour construire leurs CV en publiant des articles dans les revues scientifiques et compléter ainsi leur formation. La restriction imposé par la loi Sauvadet de limiter à 6 ans la durée maximum d'un même emploi en CDD, ramené à 3 ans par décision des directions de l'INSERM et du CNRS ne laisse que très peu de choix aux jeunes docteurs : - l'exil à plus ou moins court terme (ou "fuite des cerveaux"), sans possibilité réelle de retour pour nombre d'entre eux. Cette situation entraîne ainsi un incalculable gâchis de formation, de déperdition de savoirs, de savoir-faire et de compétitivité pour les laboratoires.- postuler dans l'industrie, ce qui ramène à la question lancinante de la faiblesse historique en France des débouchés dans l'industrie pour les docteurs d'Université.- se réorienter en entamant de nouvelles formations après huit années d'études, véritable perte tant sur le plan humain que financier. Cette loi, même si elle est importante pour les précaires de la fonction publique qui pourront trouver un CDI, ne correspond donc pas au besoin de la recherche Française et positionne les jeunes docteurs dans une précarité bien pire que celle dont elle est censée les sortir. Il serait préférable de laisser aux jeunes diplômés le choix d'enchaîner plusieurs CDD plutôt que de se trouver sans emploi. Toutefois, une autre solution pourrait être apportée à ce problème épineux. En effet, aujourd'hui, il ne suffit plus de maintenir l'emploi scientifique statutaire en remplaçant les départs à la retraite : il faut résorber la précarité et redonner aux carrières scientifiques dynamisme et inventivité. Cela suppose un plan d'emploi pluriannuel pour toutes les catégories de personnel de la recherche. Le nombre des postes précaires financés aujourd'hui dans l'enseignement supérieur et la recherche est estimé à plusieurs dizaines de milliers. Ce chiffre donne la mesure des besoins actuels de personnel dans notre pays. Il donne également un ordre de grandeur des recrutements à prévoir pour les années à venir. L'objectif n'est pas d'augmenter les effectifs totaux actuels, mais simplement de revenir à des proportions de postes permanents cohérentes pérennisant ainsi des savoirs faire. C'est là que se situe le véritable « investissement d'avenir » pour que la France demeure un acteur mondial incontournable de la recherche. C'est pourquoi compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il lui demande quelle est la politique que son ministère entend mener en faveur de l'emploi dans la recherche.

Texte de la réponse

Dans le cadre de la préservation du budget de la recherche souhaitée par le Président de la République, la priorité a été donnée à l'emploi scientifique. Depuis cinq années, l'emploi scientifique est en progression constante. C'est le cas pour l'emploi scientifique public global, où se concentrent 42 % des emplois consacrés à la recherche, et davantage encore dans le privé qui en accueille 58%. Toutefois, même si, trois ans après leur thèse, l'insertion professionnelle des jeunes chercheurs s'est améliorée, la situation actuelle reste insatisfaisante. Dans le secteur public, les difficultés s'expliquent par la réduction de moitié du nombre de départs annuels à la retraite pour les quatre prochaines années. Conjuguée aux effets de la loi Sauvadet, cette évolution a un impact défavorable sur les nouveaux recrutements. A effectifs constants, les possibilités d'embauche sont alors mécaniquement réduites. Afin de donner des perspectives d'avenir aux jeunes doctorants et jeunes chercheurs et continuer la résorption de la précarité (8 400 titularisations en 4 ans), le Gouvernement maintient un engagement fort pour la recherche et en particulier l'emploi scientifique. Cet engagement donne aux organismes les moyens budgétaires de remplacer systématiquement les départs en retraite au cours des années à venir. En outre, l'engagement de créer 1 000 emplois par an à l'université, contribue à la poursuite de l'augmentation des effectifs d'enseignants chercheurs. Par ailleurs, il convient d'encourager les jeunes chercheurs à se tourner vers les autres débouchés du secteur public et privé. Cinq ans après leur soutenance, ils sont seulement 25 % à exercer dans une entreprise. Il existe pourtant un véritable potentiel de progression. Dans ce cadre, le Gouvernement agit pour : - renforcer les conditions du crédit impôt recherche (CIR) en faveur de l'emploi des jeunes docteurs (doublement du CIR sur deux ans) ; - maintenir les contrats CIFRE [convention industrielle de formation par la recherche] (1 350 nouveaux contrats en 2012) pour favoriser l'emploi des docteurs dans le secteur privé ; - ouvrir des discussions avec les grands corps de la fonction publique et les organisations professionnelles pour favoriser le recrutement de docteurs. A cet égard, conformément à la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, les procédures de recrutement dans des corps de catégorie A de la fonction publique seront progressivement adaptées pour les docteurs, dans l'objectif de valoriser les acquis de leur expérience professionnelle spécifique. Différentes modalités d'adaptation pourront être envisagées, telles que la création de concours réservés aux docteurs, ou l'adaptation de concours existants en ce qui concerne les conditions de candidature ou la nature des épreuves. Il est à noter que l'IGAS (inspection générale des affaires sociales) et le corps des mines prévoient d'ores et déjà le recrutement direct de docteurs. D'autres pistes d'amélioration existent en matière d'emploi des jeunes chercheurs. La recherche française pourrait notamment se tourner davantage vers les financements de l'Union européenne. Enfin, il est également de la responsabilité des organismes et des établissements de décliner, dans leur dialogue social interne, la priorité à l'emploi en mobilisant toutes les marges de manoeuvre disponibles pour favoriser la continuité des recrutements et les débuts de carrière.