14ème législature

Question N° 68862
de M. Jean-Jacques Urvoas (Socialiste, républicain et citoyen - Finistère )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > professions judiciaires et juridiques

Tête d'analyse > avocats

Analyse > accès à la profession.

Question publiée au JO le : 11/11/2014 page : 9454
Réponse publiée au JO le : 15/12/2015 page : 253

Texte de la question

M. Jean-Jacques Urvoas attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'injustice subie par les juristes de cabinets d'expertise comptable souhaitant intégrer la profession d'avocat d'affaires par la voie de la « passerelle », c'est-à-dire par le biais de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 régissant l'accès à la profession d'avocat pour les juristes d'entreprise disposant de huit années de pratique professionnelle. Il semblerait que les demandes formulées dans ce cadre soient systématiquement rejetées par les barreaux qui, pour justifier leur refus, s'appuient sur une jurisprudence particulièrement arbitraire de la cour de cassation. Cette jurisprudence reconnaît en effet comme juristes d'entreprise les seuls professionnels du droit conseillant la structure juridique qui les emploie et non les clients de leur employeur. Une telle situation se révèle particulièrement absurde. Car on voit mal au nom de quels critères objectifs l'on pourrait refuser la qualification de juriste d'entreprise aux conseillers juridiques des cabinets d'expertise comptable qui sont confrontés à une diversité de problématiques fiscales, patrimoniales ou sociales tout aussi complexes que celles auxquelles doivent répondre leurs homologues des autres entreprises. Il convient d'autre part de souligner que ces salariés travaillent le plus souvent en toute autonomie avec des clients dont ils sont proches. Leur métier est identique dans ses diverses composantes à celui exercé par les avocats d'affaires. Il en est de même de leur qualification. Il lui demande en conséquence si elle serait disposée à envisager une modification du décret de 1991 afin d'ouvrir la profession d'avocat à l'ensemble des professionnels du droit disposant des huit années requises de pratique et souhaitant exercer ce métier.

Texte de la réponse

En application des dispositions de l’article 11 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, l’accès à la profession d’avocat est en principe réservé aux titulaires d’une maîtrise en droit ou d’un diplôme reconnu comme équivalent, ayant réussi l’examen d’accès à un centre régional de formation professionnelle d’avocats (CRFPA), suivi une formation théorique et pratique de dix-huit mois et obtenu le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). Des voies d’accès spécifiques au profit des personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France sont prévues à l’article 98 du décret no 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat. C’est le cas des juristes d’entreprise (en vertu du 3° de l’article 98) qui peuvent devenir avocats en étant dispensés de la formation comme de l’obtention du CAPA, dès lors qu’ils sont titulaires d’une maîtrise en droit et qu’ils justifient de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou plusieurs entreprises. Ces voies d’accès à la profession d’avocat étant dérogatoires, elles sont d’interprétation stricte. Elles ne doivent donc avoir pour effet ni de concurrencer la voie d’accès principale à la profession, profondément rénovée par la loi no 2004-130 du 11 février 2004, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques et le décret no 2004 1386 du 21 décembre 2004, relatif à la formation professionnelle des avocats, ni de s’y substituer. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation donne une interprétation stricte des cas de dispense : elle considère que les fonctions ou activités juridiques alléguées doivent avoir été exercées exclusivement « dans un service spécialisé chargé dans l’entreprise des problèmes juridiques posés par l’activité de celle-ci » (cf., notamment, l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 16 mai 2012). C’est pourquoi un certain nombre de juristes, dont ceux exerçant leur activité au sein d’un cabinet d’expertise-comptable, sont actuellement exclus de la passerelle précitée.