Question de : M. Jacques Krabal
Aisne (5e circonscription) - Radical, républicain, démocrate et progressiste

M. Jacques Krabal interroge Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'exclusion à la vente des chemins ruraux. Nos chemins ruraux sont des richesses pour la circulation douce, des couloirs de biodiversité, des éléments structurants de nos campagnes et aussi des espaces de loisir fort appréciés. Toutefois, ces chemins qui sont, conformément à l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime, la propriété privée des communes, sont fréquemment accaparés par des riverains contrevenants sous forme de labour, pâture, dépôts d'objets obstruant le passage ou installation de clôtures privées. La libre circulation pour l'ensemble des usagers est, du fait de ces incivilités, interrompue. Si l'autorité municipale n'utilise pas les pouvoirs de police qui lui sont conférés par l'article L. 161-5 du code rural lui permettant d'appliquer, entre autres, les articles D. 161-11 et D. 161-14 du même code, le chemin pourrait alors être considéré comme ayant cessé d'être affecté à l'usage du public. À partir de cela et conformément à l'article L. 161-10 qui stipule qu'un chemin rural qui n'est plus affecté à l'usage du public peut être aliéné, certains chemins sont mis en vente. Ainsi, du fait de l'inaction du maire, le patrimoine communal peut disparaître définitivement. Il faut souligner que les riverains d'un chemin rural bénéficient d'un droit de préemption en cas d'aliénation du chemin. Ainsi, dans les conditions évoquées précédemment, les riverains qui ont annexé le chemin peuvent en devenir les acquéreurs. La démarche revient alors à régulariser une situation illégale. Ne serait-ce pas alors un moyen d'encourager l'occupation illégale des chemins ? Il est fréquent que l'option de la vente soit choisie par les conseils municipaux lorsqu'une association ou des particuliers demandent le rétablissement de la circulation sur les chemins annexés. En effet, il est souvent plus facile de vendre le chemin plutôt qu'agir en faveur d'une ouverture. Il y a là une situation immorale qui donne aux contrevenants un avantage qu'ils ne devraient pas avoir, de par leur action d'occupation illégale. Ainsi, il lui demande s'il existe une disposition légale permettant d'exclure de la liste des potentiels acquéreurs d'un chemin, les riverains annexant ledit chemin. Mais surtout, s'il existe une disposition interdisant le conseil municipal de vendre un chemin rural pour lequel l'autorité municipale n'a pas appliqué sa compétence de conservation des chemins.

Réponse publiée le 3 février 2015

Les chemins ruraux sont des chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune et bénéficient d'un régime juridique particulier. Les chemins ruraux constituent un élément essentiel de notre patrimoine qu'il convient de préserver. Pour améliorer la qualité de la vie rurale, il importe également de maintenir le libre passage sur ces chemins. Afin de lutter contre les aliénations ou les appropriations privées de chemins ruraux, les critères déterminant qu'un chemin est affecté à l'usage du public sont souples. Ainsi, l'article L. 161-2 du code rural et de la pêche maritime pose le principe de la présomption de cette affectation, notamment par l'utilisation du chemin comme voie de passage. Cet article concourt ainsi à la préservation des chemins ruraux. En outre, aux termes des dispositions de l'article L. 161-5 du code, « l'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ». Il n'existe toutefois aucune obligation d'entretien pesant sur la commune (CE, 26 septembre 2012, Garin, n° 347068, mentionné aux Tables) et si le chemin n'est ni entrenu, ni utilisé par le public, alors il est désaffecté de plein droit et ne relève alors plus du régime applicable aux chemins ruraux (CE, 25 novembre 1988, Laney, n° 59069). Si, toutefois, le chemin est utile à la circulation du public et qu'il est fait obstacle à cette circulation, tout usager peut solliciter du maire qu'il fasse usage des pouvoirs d'urgence qu'il détient en vertu de l'article D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime pour faire cesser un tel obstacle. Le refus d'user de ces pouvoirs est un acte détachable de la gestion du chemin qui peut être contesté devant les juridictions administratives (Tribunal des conflits, 8 novembre 1982, Lewis et autres, n° 02252). Si, en revanche, le chemin n'est plus utile à la circulation du public et n'est donc pas utilisé comme voie de passage, aucun texte ne s'oppose à ce que ce chemin soit cédé aux riverains dudit chemin. Les modalités d'aliénation des chemins ruraux non inscrits au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée sont prévues par les articles L. 161-10 et L. 161-10-1 du code rural et de la pêche maritime. Cette aliénation ne peut intervenir que lorsque ces chemins cessent d'être affectés à l'usage du public. La vente d'un chemin rural peut être décidée par délibération du conseil municipal, après enquête publique relevant du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et mise en demeure des propriétaires riverains d'acquérir le chemin, à moins que les intéressés groupés en association syndicale n'aient demandé à se charger de son entretien. Cette délibération pourra elle-même être contestée devant la juridiction administrative qui vérifiera notamment que le chemin cesse d'être affecté à l'usage du public (CE, 3 décembre 2012, n° 344407 aux Tables). La législation paraît ainsi assurer une protection suffisante des droits des utilisateurs des chemins ruraux.

Données clés

Auteur : M. Jacques Krabal

Type de question : Question écrite

Rubrique : Voirie

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 11 novembre 2014
Réponse publiée le 3 février 2015

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