14ème législature

Question N° 69863
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Budget
Ministère attributaire > Budget

Rubrique > impôts et taxes

Tête d'analyse > fraude fiscale

Analyse > multinationales. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 25/11/2014 page : 9721
Réponse publiée au JO le : 01/09/2015 page : 6677
Date de renouvellement: 03/03/2015
Date de renouvellement: 09/06/2015

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget, sur les pratiques d'optimisation fiscale de certaines banques et entreprises, qui donnent lieu à l'évasion de capitaux nationaux vers des pays tels que le Grand-Duché du Luxembourg. Le 5 novembre 2014, le consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) a publié des enquêtes démontrant que plus de 300 multinationales auraient fait transiter des centaines de milliards de dollars par le Luxembourg, échappant ainsi à des milliards de dollars de taxe. Selon la société d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC) qui apporte des données plus précises, 548 accords confidentiels auraient été conclus entre les autorités fiscales du Grand-Duché et plus de 340 multinationales. L'affaire des « Luxleaks » qui se retrouve actuellement sous le feu des médias est symptomatique des travers de notre système fiscal actuel et risque de ne pas laisser indemne l'actuel président de la Commission européenne. Tout récemment en effet, le groupe de la gauche unitaire européenne et de la gauche verte nordique a lancé un appel auprès des eurodéputés des autres familles politiques afin de voter une motion de censure contre la nouvelle Commission européenne. Par-delà cette affaire, il apparaît nécessaire de renégocier la convention fiscale bilatérale France-Luxembourg afin d'éviter que de telles pratiques continuent à se dérouler en toute impunité. En effet si ces accords fiscaux ne sont pas par définition des pratiques illégales, ils entraînent inévitablement une fragilisation des entreprises de nos territoires qui doivent s'acquitter d'impôts tandis que de grands groupes s'y soustraient. Il souhaiterait donc connaître son avis sur la question soulevée par l'affaire des « Luxleaks » et plus largement sur les mesures pouvant être mises en œuvre pour lutter contre ces pratiques inéquitables.

Texte de la réponse

La lutte contre la fraude et l'évasion fiscales internationales est une priorité majeure du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle, au niveau international, les chefs d'Etat et de Gouvernement des pays du G20, à Brisbane, les 15 et 16 novembre 2014, ont demandé à l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'assurer la transparence des « rulings » qui constituent une pratique de concurrence fiscale dommageable entre les Etats. Ainsi, d'ici la fin de l'année 2015, dans le cadre de ses travaux sur l'érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices dits « BEPS » (Base erosion and profit shifting) auxquels la France participe, l'OCDE doit travailler à mettre en place un échange spontané et obligatoire d'informations couvrant notamment les accords préalables unilatéraux en matière de prix de transfert. En outre, l'OCDE proposera dans les mêmes délais de nouvelles règles pour appréhender des situations présentant un fort risque d'évasion fiscale en matière de prix de transfert ainsi que l'instauration d'une norme documentaire plus exigeante sur les transactions entre entreprises liées au sein de groupes multinationaux, comprenant notamment la mise en place d'une déclaration par pays à destination des autorités fiscales. En parallèle, au sein de l'Union européenne, par lettre du 28 novembre 2014, le ministre des finances et des comptes publics a demandé, conjointement avec ses homologues italien et allemand, au commissaire européen en charge de la fiscalité, d'engager l'adoption de règles communes au sein de l'Union européenne, en 2015, sur trois aspects majeurs : la transparence généralisée des « rulings » mais aussi des trusts et de toutes les formes de sociétés ; la lutte contre les situations d'optimisation car il n'est pas justifié que le droit européen favorise des montages organisés pour échapper à toute imposition effective ; des règles pour faire face aux Etats et territoires tiers qui alimentent aussi l'optimisation par leur opacité et l'absence de fiscalité. La proposition de directive présentée par la Commission le 18 mars 2015 afin d'assurer un échange automatique d'informations sur les « rulings » de la part des États membres, très ambitieuse, est un pas important dans la concrétisation de cette démarche. La France promeut l'avancée rapide de ces travaux et appelle en outre de ses voeux l'engagement prochain de discussions plus larges sur d'autres volets de la lutte contre l'optimisation fiscale au niveau européen. En outre, comme le sait l'auteur de la question, les outils de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales au plan national ont été considérablement renforcés depuis deux ans avec notamment la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude et la grande délinquance économique et financière et celle du 29 décembre suivant de finances pour 2015. En matière de fiscalité internationale, plusieurs dispositions de nature à renforcer la lutte contre l'optimisation agressive ont été adoptées avec, notamment, le renforcement des obligations documentaires en matière de prix de transfert ou encore l'accès aux comptabilités analytiques et comptes consolidés en cas de contrôle. L'article 78 de la loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 vient de durcir les sanctions en cas de non-présentation de la documentation relative aux prix de transfert. Désormais, cette pénalité pourra être calculée sur la base du montant des transactions non-documentées, et non plus seulement sur celle des rehaussements notifiés. Enfin, s'agissant de la renégociation de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée, un avenant à ce texte a d'ores et déjà été signé le 5 septembre 2014 afin de mettre un terme à des schémas d'optimisation au travers de cessions de biens immobiliers en présence d'entités interposées. Il sera prochainement soumis à la ratification du Parlement. En outre, le Luxembourg et la France vont poursuivre des travaux communs visant à moderniser le dispositif conventionnel existant qui devrait intégrer notamment l'ensemble des mesures anti-abus préconisées à l'issue des conclusions de BEPS.