Texte de la question
M. Laurent Wauquiez attire l'attention de M. le Premier ministre sur son annonce d'une baisse du nombre de cambriolages et de braquages en France. Ce faisant, en matière de statistiques, il va à l'encontre des prescriptions qu'il avait lui-même formulées en tant que ministre de l'intérieur. En effet il avait alors souligné la faible pertinence des analyses statistiques sur de courtes périodes et, plus profondément, l'absence de véritable fiabilité des statistiques de la délinquance avant 2016. Ce revirement est d'autant plus surprenant que, le 1er octobre 2014 devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. l'actuel ministre de l'intérieur précisait que le service statistique ministériel ne serait « capable de produire régulièrement des chiffres répondant pleinement aux normes de qualité de la statistique publique qu'à partir de l'été 2015 ». De fait, ce service n'est pas aujourd'hui en capacité de vérifier la fiabilité des chiffres issus de l'état 4001 de la police et de la gendarmerie. Il se contente, comme l'ONDRP, de compiler les données qu'il n'a pu vérifier. Par ailleurs, deux rapports publics de l'inspection générale de l'administration ont démontré que les erreurs ou les manipulations de statistiques portent sur des quantités massives de faits. Pour les seuls cambriolages, sur le ressort de la préfecture de la préfecture de police, « la sous-estimation est d'un ordre de grandeur de 15 % en juin 2012 et de 17 % en juin 2013 ». En conséquence, il lui demande donc les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre, au-delà des extrapolations statistiques, pour lutter durablement contre la hausse de la délinquance et notamment des atteintes aux personnes dans notre pays.
Texte de la réponse
Une nouvelle architecture de production et de présentation des statistiques de la délinquance, plus exhaustive que le système antérieur et davantage axée vers le pilotage opérationnel des services, a été mise en place en avril 2013. Cette réforme a été complétée par la création en septembre 2014 d'un service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), dirigé par un inspecteur général de l'INSEE et commun à la police et à la gendarmerie. Le SSMSI bénéficie du statut de service statistique ministériel au sens de la loi du 7 juin 1951 portant sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. Le SSMSI, qui produit des données statistiques à partir des procédures de la police et de la gendarmerie, travaille dans un esprit de complémentarité avec l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), dont les missions sont plus larges et qui, en particulier, conçoit et exploite avec l'INSEE l'enquête nationale de victimation « Cadre de vie et sécurité ». La publication des chiffres de la délinquance est une des prérogatives de l'ONDRP, qui a ainsi publié le 26 janvier dernier son bulletin mensuel sur la criminalité et la délinquance comportant des données relatives à l'année 2014. Pour autant, le débat public est naturellement ouvert concernant les situations que font apparaître ces chiffres et l'efficacité de l'action publique. Le ministre de l'intérieur est donc parfaitement fondé à commenter, comme tout autre acteur public ou privé, les chiffres de la délinquance et à évaluer les résultats de la politique de sécurité. En présentant ses voeux à la presse le 27 janvier 2015, le ministre de l'intérieur a cependant fait remarquer, une nouvelle fois et en toute transparence, que la mise en place du nouveau système statistique ministériel ne permettait pas à ce stade d'interpréter correctement les chiffres et donc de fournir des données consolidées fiables. Il a de ce point de vue simplement repris les réserves méthodologiques exprimées par l'ONDRP concernant la « rupture de continuité » des séries statistiques liée notamment à la mise en place récente et progressive d'outils informatiques plus performants d'enregistrement des faits constatés au sein des services de police et de gendarmerie. Ce problème sera prochainement résolu. Le SSMSI, labellisé par l'Autorité de la statistique publique, travaille à la validation des modules statistiques des nouveaux logiciels d'enregistrement des faits constatés et à la consolidation des séries de données pour permettre des analyses rétrospectives fiables. Le système sera stabilisé à partir de septembre 2015, date à partir de laquelle des statistiques de la délinquance seront publiées par le SSMSI, indépendamment des publications et analyses propres à l'ONDRP, qui conservent toute leur pertinence. Pour autant, s'ils doivent être considérés avec prudence s'agissant de la quantification exacte des faits, les chiffres produits révèlent dès à présent des tendances. Par ailleurs, certaines données s'avèrent moins sensibles aux changements d'outils informatiques et peuvent être considérées comme « signifiantes ». De ce point de vue, certaines grandes évolutions sont visibles. Comme il est indiqué dans la question écrite, les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont effectivement été plus nombreuses en 2014 qu'en 2013 (+ 3%). Cette situation commande d'aller plus loin dans ce domaine. Pour autant, il doit être noté que les violences crapuleuses reculent (- 8 %). Ce sont en effet les violences physiques non crapuleuses (+ 6 %) qui augmentent, dont il y a lieu de rappeler qu'elles révèlent des phénomènes sociaux complexes et appellent des réponses interministérielles. S'agissant des atteintes aux biens, elles ont été mesurées, dans leur globalité, comme étant stables en 2014. Les indicateurs font cependant apparaître une baisse des cambriolages (- 1,29 %), notamment de résidences principales (- 6,3 %), ainsi qu'une diminution significative (- 12 %) des vols à main armée. Il doit être souligné que l'ONDRP considère ces chiffres comme stables à l'épreuve des ruptures statistiques évoquées plus haut. Ces quelques chiffres ne justifient nul triomphalisme. Ils témoignent en revanche de l'engagement des forces de police et de gendarmerie sur le terrain et du bien-fondé des plans d'action spécifiques mis en oeuvre par exemple pour renforcer la lutte contre les cambriolages et les vols à main armée. Combinant répression, dissuasion, prévention et partenariats, la politique de sécurité du Gouvernement va donc se poursuivre et se renforcer, notamment dans le cadre des zones de sécurité prioritaires (ZSP) et des plans de lutte spécialisés (cambriolages, vols à main armée, vols de métaux, vols dans les exploitations agricoles, vols liés à l'automobile). Les indicateurs témoignant d'évolutions préoccupantes, notamment les violences intrafamiliales et les violences sexuelles, mais aussi les trafics et les fraudes qui nourrissent l'économie souterraine, feront l'objet d'une mobilisation accrue. Sur l'ensemble du territoire national, les forces de l'ordre vont poursuivre leur action pour lutter contre toutes les formes de délinquance et assurer la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Aux côtés de l'Etat, l'ensemble des partenaires de la sécurité et de la prévention, au premier rang desquels les maires, ont aussi un rôle essentiel à jouer. Cette politique de sécurité s'appuie sur des modes d'action adaptés aux enjeux locaux, sur des organisations optimisées et sur des moyens renforcés, par exemple dans les secteurs prioritaires (Marseille...). Près de 500 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes sont ainsi créés chaque année durant l'actuelle mandature et tous les départs à la retraite sont désormais remplacés poste pour poste. Dans le respect des impératifs de maîtrise des dépenses publiques, les services de police et de gendarmerie doivent également disposer des moyens de fonctionner correctement. Des efforts significatifs sont donc consentis sur les crédits de fonctionnement et d'investissement. 108 millions d'euros seront par exemple affectés en vertu du budget triennal 2015-2017 à l'équipement des forces de l'ordre dans le cadre du programme dit « sécurité 3.0 » (modernisation des moyens technologiques...). Par ailleurs, le renforcement du dispositif de lutte contre le terrorisme annoncé le 25 janvier par le Premier ministre prévoit un renforcement des moyens humains et matériels des forces de sécurité. Ces crédits, s'ils concernent essentiellement les services de renseignement, permettront notamment de renforcer la protection des agents sur la voie publique. Le Gouvernement a fait de la lutte contre la délinquance une priorité et met tout en oeuvre pour garantir aux forces de l'ordre les moyens de remplir efficacement leurs missions.