14ème législature

Question N° 70080
de M. Élie Aboud (Union pour un Mouvement Populaire - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité publique

Tête d'analyse > statistiques

Analyse > mesures de la délinquance. évaluation indépendante.

Question publiée au JO le : 25/11/2014 page : 9767
Réponse publiée au JO le : 07/04/2015 page : 2715

Texte de la question

M. Élie Aboud attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les vives inquiétudes suscitées par les récentes déclarations de ce Gouvernement concernant la délinquance. Selon les services de ce dernier et sans attendre la traditionnelle présentation officielle de fin d'année, on observerait un recul de la délinquance dans le pays. Chacun s'accordera à mesurer le sérieux doute généré par ces déclarations. Outre le fait du changement profond des outils statistiques, il convient de remarquer les interprétations non dénuées de sous-entendus dans la présentation de ces données. Il faut, incontestablement, mieux analyser dans le détail les résultats. En effet, sur aucune partie du territoire, surtout pas dans le sud de la France, on assiste, dans les faits, à un tel recul de la délinquance, bien au contraire. C'est pourquoi il lui demande de ne plus modifier les appareils statistiques et de bien vouloir confier à un organisme indépendant l'évaluation de sa politique de sécurité.

Texte de la réponse

Le ministère de l'intérieur a engagé dès 2012 une réforme globale de la production et de la présentation des chiffres de la délinquance. Cette démarche a abouti à la mise en place en avril 2013 d'une nouvelle architecture de production et de présentation des statistiques de la délinquance, conçue en étroite concertation avec l'Observation national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Ce nouveau système, plus exhaustif et intégrant des données qualitatives, vise à renforcer le pilotage opérationnel des services et à rendre plus fidèlement compte de la réalité diverse de la délinquance (cybercriminalité, violences intrafamiliales, comportements portant atteinte à la tranquillité publique...). Pour garantir la continuité historique des statistiques, les indicateurs permanents de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ont été conservés et figurent parmi ces nouveaux indicateurs. En termes de pilotage et d'évaluation, le nouvel outil statistique s'appuie sur une refonte des indicateurs d'efficacité des services. Cette réforme répond à une exigence tenant à la qualité du débat public mais aussi à une exigence opérationnelle, car les statistiques sont un outil de pilotage indispensable pour assurer une direction efficace des services et fixer des objectifs. Parallèlement, la police nationale et la gendarmerie nationale se sont dotées de nouveaux outils de recensement des faits plus fiables et plus précis (logiciels de rédaction des procédures modernisés). Cette réforme a été complétée par la création, en septembre 2014, d'un service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) au sein du ministère de l'intérieur. Dans le prolongement des préconisations de la mission d'information parlementaire relative à la mesure statistique des délinquances et de leurs conséquences, présidée par le député Jean-Yves Le Bouillonnec, le ministre de l'intérieur a en effet décidé d'intégrer la production des statistiques de la délinquance dans le champ labellisé de la statistique publique. La création du SSMSI est la concrétisation de cet engagement. Dirigé par un inspecteur général de l'INSEE, le SSMSI, composé de personnels issus de l'INSEE, de la police nationale et de la gendarmerie nationale, répond aux plus hauts standards de la statistique publique : suite à l'avis favorable rendu le 18 juin 2014 par l'Autorité de la statistique publique, il bénéficie en effet du statut de service statistique ministériel au sens de la loi du 7 juin 1951 portant sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. L'objectif est que les données produites par ce service sur la base des procédures enregistrées par les services de police et unités de gendarmerie, croisées avec les enquêtes annuelles de l'INSEE, ne soient plus sujettes à caution, pas plus par exemple que ne le sont les statistiques économiques. Le SSMSI est l'interlocuteur privilégié de l'ONDRP, avec lequel il mène ses missions dans un esprit de complémentarité. Il convient à cet égard de rappeler que l'ONDRP est un département de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), établissement public placé sous la tutelle du Premier ministre. L'indépendance et l'impartialité de l'ONDRP sont reconnues, garanties notamment par son conseil d'orientation présidé par un inspecteur général de l'INSEE. Alors que le SSMSI produit des données statistiques à partir des informations figurant dans les procédures de la police et de la gendarmerie, les missions de l'ONDRP s'étendent, elles, à la centralisation des données sur le prononcé, la mise à exécution et l'application des mesures et sanctions pénales. En outre, l'ONDRP conçoit et exploite avec l'INSEE l'enquête nationale de victimation « Cadre de vie et sécurité ». Témoignage de l'indépendance croissante de l'ONDRP, son président a présenté début 2013, pour la première fois en toute autonomie dans ses propres locaux, les statistiques de l'année écoulée. La méthode statistique et la publication officielle des chiffres sont en effet ses prérogatives. De la même manière, l'ONDRP a rendu public le 26 janvier son bulletin mensuel sur la criminalité et la délinquance enregistrées, comportant des données portant sur l'année 2014. Indépendamment de la « rupture de continuité » des séries statistiques relevée par l'ONDRP et liée notamment à la mise en place encore récente de nouveaux outils informatiques dans la police et la gendarmerie, le cadre actuel offre donc désormais toutes les garanties nécessaires et les polémiques passées sur la réalité des chiffres n'ont plus lieu d'être. En revanche, le débat public est naturellement ouvert concernant les situations que font apparaître ces chiffres et l'efficacité de l'action publique. De ce point de vue, il va de soi que le ministère de l'intérieur est parfaitement fondé à commenter, comme tout autre acteur public ou privé, les résultats de la politique de sécurité. Il va de soi aussi qu'il lui appartient d'évaluer constamment les résultats de la politique qu'il mène, d'apporter les ajustements nécessaires. Ce travail d'évaluation interne n'interdit en rien à d'autres acteurs d'évaluer la politique de sécurité. S'agissant de la proposition figurant dans la question écrite et tendant à « confier à un organisme indépendant l'évaluation de sa politique de sécurité », elle reviendrait à méconnaître la mission confiée au Parlement par l'article 24 de la Constitution (« [Le Parlement] contrôle l'action du Gouvernement. [Le Parlement] évalue les politiques publiques »). Il convient à cet égard de souligner que le ministre de l'intérieur a décidé de rendre compte régulièrement à la commission des lois de chacune des assemblées parlementaires des données de la délinquance. Une première intervention du Ministre sur ce sujet s'est ainsi déroulée au Parlement en octobre dernier.