Rubrique > contributions indirectes
Tête d'analyse > accises
Analyse > alcools. rhums d'outre-mer. soutien. politiques communautaires.
M. Alfred Marie-Jeanne attire l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur l'évolution du marché du rhum et, singulièrement, sur celle de l'exportation des rhums des DOM vers Europe. Face à une concurrence acharnée, les données conjoncturelles attestent d'une diminution des exportations de rhum de l'outre-mer vers l'Europe malgré les efforts faits pour conquérir d'autres marchés. Parallèlement, on constate une tendance croissante à l'augmentation des rhums de Porto-Rico et des Iles Vierges. En effet, la volonté de restreindre le soutien aux producteurs de rhum en outre-mer contraste avec la politique américaine consistant à subventionner largement les productions des États précités. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. En passant de 4 718 hectolitres d'alcool pur (HAP) exportés en Europe en 2008 à 205 227 HAP en 2013, l'exportation a été multipliée en cinq années par plus de 47. Subséquemment, les exportations des producteurs des pays ACP ont diminué, passant de 438 023 à 244 321 HAP. Les rhums en outre-mer suivent la même tendance, les exportations passant de 197 786 à 190 382. Grâce à des îles situées dans la Caraïbe, deux marques productrices de rhum, Diageo (Îles Vierges américaines) et Baccardi Ora (Porto Rico), permettent aux Américains d'inonder le marché du rhum en Europe. À cet effet, un « système d'aide ultra-premium », baptisé accord « cover over », est en vigueur depuis 2009 pour une durée de 30 ans. Il permet au trésor américain de reverser à ces États 97 % du montant total des droits d'accises. Ces droits sont acquittés par les consommateurs américains de rhum, y compris sur les rhums importés. Puis, les sociétés Diageo et Baccardi Ora ont obtenu de leurs gouvernements la restitution d'une grande partie de cette rétrocession du trésor américain. En l'absence de plafond tant sur la quantité que sur le montant de l'aide, cette double rétrocession fiscale donne à ces producteurs un avantage concurrentiel indéniable. Ils ont ainsi bénéficié de 580 millions US $ de subventions déguisées en 2012. Le comble, c'est qu'il paraîtrait que, dans la même année, les producteurs Diageo aient reçu la livraison gratuite « clé en main » d'une distillerie d'une valeur de 137 millions US $ pour installer une unité de production aux Îles Vierges. Devant une telle distorsion de la concurrence, le maintien d'un différentiel concernant les droits exigés par l'Europe et la possibilité pour la France d'appliquer un taux d'accises réduit sur le rhum « traditionnel » ne suffisent pas. D'abord, à l'examen des nouveaux droits, les taxes à acquitter par Diageo et Baccardi Ora sont déjà largement couvertes par l'accord « Cover over ». Ensuite, l'avantage fiscal pour les producteurs de l'outre-mer est maintenu jusqu'au 31 décembre 2020 alors que l'avantage pour les producteurs de Porto-Rico et des îles Vierges est prévu pour trente ans à partir de 2009. Enfin, une livraison gratuite, « clé en main » s'apparente à une aide supplémentaire. Or, dans la stratégie diplomatique, si les pays ACP ont contesté le système américain de soutien à ces rhums, l'Europe, dans le cadre des négociations avec les États-Unis, préfère exclure les rhums français du débat pour éviter un point de blocage. Il lui demande si le Gouvernement consent à défendre fermement les intérêts des producteurs de rhum en outre-mer, à prendre les mesures adaptées pour compenser le préjudice causé et à saisir les instances de l'Organisation mondiale du commerce sur ce sujet préoccupant.