Rubrique > énergie et carburants
Tête d'analyse > électricité
Analyse > réseaux de distribution. collectivités. compétences. réforme.
M. Jean-Claude Mathis attire l'attention de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique sur les inquiétudes exprimées par le syndicat départemental d'énergie de l'Aube concernant l'éventuelle attribution aux départements de la compétence « distribution publique d'électricité » sur la partie rurale de leurs territoires par le projet de loi portant « nouvelle organisation territoriale » qui sera prochainement examiné en 1e lecture par le Sénat. En effet, cette compétence est actuellement exercée par les grandes intercommunalités de type associatif que sont les syndicats d'énergie, sur une maille départementale pour soixante d'entre eux. Il s'agirait donc de démanteler les syndicats départementaux alors que leur organisation actuelle - au service de l'ensemble des communes - permet à celles-ci de disposer d'une expertise technique et engendre des économies d'échelle significatives pour la réalisation des travaux sur le réseau public de distribution d'électricité (sécurisation, renforcement et développement) et sur les installations communales d'éclairage public. Cette mutualisation des moyens entre les communes membres du syndicat leur permet par ailleurs de mener ensemble, plus efficacement, des actions importantes pour la transition énergétique, telles que la valorisation des énergies renouvelables, les actions d'énergie sur les bâtiments publics et l'éclairage public, les achats groupés d'énergie ou encore le déploiement de bornes de recharge pour les véhicules électriques. En outre, le scénario d'organisation qui donnerait la compétence « électricité » aux départements sur les territoires ruraux et aux EPCI en ville conduirait à une fracture territoriale entre l'urbain structurellement excédentaire du fait de la densité de sa population et le rural déficitaire. La solidarité qui s'est mise en place depuis plusieurs décennies en matière d'énergie pour aménager notre territoire national serait donc remise en cause, ainsi qu'à terme la péréquation tarifaire. Il serait paradoxal de remettre en cause l'existence des grands syndicats d'énergie, qui ont fait les preuves de leur efficacité, mais également contre-productif par rapport à l'objectif de rationalisation des coûts de structures. En effet, l'éclatement d'une compétence exercée par un grand syndicat ne peut pas être source d'économie ni d'efficience, alors que la réduction des déficits publics est un objectif de la réforme territoriale. La disparition des syndicats d'électricité ne concourrait pas à la réduction du « mille-feuille territorial » et n'aurait aucun effet positif. Quant aux départements, ils devraient supporter un nouveau fardeau de compétences déficitaires. Par ailleurs, dans ce scénario, la relation entre les communes et les départements n'étant pas sous-entendue par un lien d'adhésion, la gouvernance de la distribution d'électricité serait déterminée indépendamment de celles des communes, toutes représentées actuellement au sein des assemblées délibérantes des syndicats d'énergie. Ceci pourrait être préjudiciable à la prise en compte des intérêts communaux en matière de distribution d'électricité : alors que les communes ont à ce jour la maîtrise des investissements en matière de sécurisation, de renforcement, d'enfouissement et de développement du réseau électrique, travaux déterminants pour le maintien de la qualité et la continuité d'alimentation électrique, les programmes d'investissement seraient arrêtés de manière bilatérale entre ERDF et les départements. À ce sujet, aucune étude d'impact sérieuse ne semble avoir été réalisée sur la capacité des départements à préserver l'effort d'investissement au niveau atteint par les syndicats d'électricité - qui affectent la taxe sur la consommation finale d'électricité aux travaux sur les réseaux - ce qui mettrait bien entendu en difficulté des entreprises de travaux publics et fragiliserait l'emploi dans ce secteur, déjà touché par le contexte économique actuel. C'est pourquoi il lui demande de ne pas retenir cette orientation.