14ème législature

Question N° 70710
de M. Damien Abad (Union pour un Mouvement Populaire - Ain )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal

Tête d'analyse > voies de recours

Analyse > lieux habités. occupations illicites. procédures.

Question publiée au JO le : 09/12/2014 page : 10190
Réponse publiée au JO le : 14/06/2016 page : 5588
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de renouvellement: 25/08/2015
Date de renouvellement: 15/12/2015
Date de renouvellement: 22/03/2016

Texte de la question

M. Damien Abad attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la notion de flagrance et le délai de 48 heures. L'article 53 du Code de procédure pénale énumère limitativement les situations considérées comme constitutives de flagrance. Il envisage notamment l'hypothèse du « délit qui vient de se commettre ». La difficulté principale qu'engendre cette situation réside dans le délai écoulé entre la commission de l'infraction et sa découverte par le policier ou le gendarme, spontanément ou bien par dénonciation ou plainte. Le délai de 48 heures ne repose sur aucune disposition législative ou réglementaire, mais sur la pratique. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a néanmoins tendance à ramener ce délai à 28 heures (Cass. crim., 26 févr. 1991). Le constat de flagrance permet de mettre en œuvre les mesures listées aux articles 54 et suivants du code de procédure pénale. Or, souvent, quand des propriétaires voient leur logement occuper de façon illicite, leur demande auprès des forces de l'ordre pour obtenir l'expulsion des personnes malveillantes est refusée car la découverte du fait est supérieure à 48 heures. C'est pourquoi il souhaiterait qu'elle apporte une clarification sur le délai de 48 heures de la part des forces de l'ordre.

Texte de la réponse

L'enquête de flagrance fondée sur l'urgence constitue un cadre juridique qui, prévu aux articles 53 et suivants du code de procédure pénale, autorise une administration coercitive de la preuve (transport, constatations, perquisition, arrestation), après qu'a été constaté un crime ou un délit, récemment commis. Aux termes de l'article 53 du code de procédure pénale, est qualifié de flagrant « le crime ou le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l'action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d'objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu'elle a participé au crime ou au délit ». S'agissant de la deuxième situation de flagrance visée à l'article précité (« le crime ou le délit vient de se commettre »), la loi ne précise pas expressément la durée du délai qui doit s'écouler entre la commission de l'infraction et sa découverte par l'enquêteur - spontanément ou par dénonciation ou par plainte. Dès lors, la jurisprudence s'est efforcée de préciser ce délai. On a ainsi pu considérer que cette durée devait être brève, de l'ordre de quelques heures, la saisine de la police ou de la gendarmerie devant intervenir dans un temps très voisin de la commission de l'infraction. Puis la Cour de cassation a admis que l'écoulement d'un délai de vingt-huit heures (Cass. crim., 26 févr. 1991), voire de quarante-huit heures (Cass. crim. 8 avril 1998, 97-80610, Inédit) laissait néanmoins perdurer l'état de flagrance. Mais les décisions des juridictions du fond apparaissent diverses. Une cour d'appel a ainsi jugé que l'état de flagrance était caractérisé dans le cas où le dépôt de plainte a eu lieu six jours après la commission de l'infraction, lorsque seule la terreur éprouvée par la victime à la suite des violences et menaces exercées par les auteurs des faits est à l'origine du retard mis à prendre contact avec la police judiciaire (CA Aix-en-Provence, ch. instr., 21 sept. 2000 : Bull. inf. C. cass. 1er mars 2001, no 257). Par ailleurs, les infractions continues telles que la détention de produits stupéfiants, la séquestration arbitraire ou le recel peuvent toujours, dès lors qu'elles sont caractérisées, faire l'objet d'une enquête de flagrance. C'est également le cas, depuis la loi no 2015-714 du 24 juin 2015, du délit de violation de domicile, prévu à l'article 226-4 du code pénal. La modification introduite sur la proposition de loi sénatoriale "visant à faciliter l'expulsion des squatteurs de domicile" permet de reconnaître sans équivoque le caractère continu de l'infraction. Il en résulte notamment que le délit de violation de domicile peut, tant que dure l'occupation illicite, être constaté en faisant application des dispositions de l'enquête de flagrance. Il peut par ailleurs être rappelé que l'article 38 de la loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, a créé un dispositif administratif d'évacuation forcée des personnes occupant un logement suite à une violation de domicile. Il permet en cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, au propriétaire ou au locataire du logement occupé de demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure.