Question de : M. Christian Estrosi
Alpes-Maritimes (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Christian Estrosi attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur le statut d'auto-entrepreneur créé par la loi du 22 juillet 2008 qui a permis à un grand nombre de créateurs d'entreprises de démarrer leur activité en bénéficiant d'un régime souple et adapté aux entreprises de petite taille. Une des composantes essentielles du statut d'auto-entrepreneur est sa qualité de travailleur indépendant. Il convient de noter toutefois que, à l'occasion de contrôles diligentés par certaines URSSAF, le statut d'auto-entrepreneur a été contesté conduisant ainsi à la requalification en contrat de travail du contrat existant entre un auto-entrepreneur et son donneur d'ordre. Cette situation crée une insécurité juridique dont pâtissent aujourd'hui les auto-entrepreneurs et leurs donneurs d'ordre mettant en péril ainsi un certain nombre d'entreprises, créatrices d'emplois et de richesse. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir préciser les critères qui permettent de distinguer un auto-entrepreneur d'un salarié afin de clarifier la situation des entreprises ayant recours à ce dispositif.

Réponse publiée le 6 août 2013

Le régime de l'auto-entrepreneur a été créé par la loi n° 2008-776 de modernisation de l'économie du 4 août 2008 pour simplifier la création et les déclarations sociales et fiscales d'entreprises individuelles relevant du régime fiscal de la micro-entreprise. Ce régime est donc destiné à dynamiser le véritable travail indépendant ; il n'a nullement été conçu pour couvrir l'externalisation abusive de salariés ou le recrutement de faux indépendants. Comme tous les entrepreneurs individuels, les auto-entrepreneurs sont, par définition, des travailleurs indépendants. Une activité indépendante se caractérise essentiellement par le fait que son auteur a pris librement l'initiative de la créer ou de la reprendre, qu'il conserve, pour son exercice, la maîtrise de l'organisation des tâches à effectuer et du matériel nécessaire, ainsi que de la recherche de la clientèle et des fournisseurs. Telle n'est pas la situation de personnes, salariées ou engagées dans un parcours de recherche d'emploi, à qui l'on demande de se déclarer comme auto-entrepreneur alors qu'elles travaillent en pratique sous l'autorité de leur recruteur voire de leur ancien employeur. Dans ce cas, le contrat entre l'auto-entrepreneur et son donneur d'ordre peut, sous réserve de l'interprétation souveraine du juge civil ou pénal, être requalifié en contrat de travail. Il existe, certes, en vertu de l'article L. 8221-6 du code du travail, un principe juridique de présomption simple de travail indépendant et d'absence de contrat de travail, lorsqu'une personne physique ou morale est régulièrement immatriculée au répertoire des métiers (pour les artisans), au registre du commerce et des sociétés (pour les commerçants et les mandataires), à des registres professionnels (comme le registre des transporteurs) ou affiliée auprès des organismes sociaux en qualité de travailleur indépendant (cas notamment des auto-entrepreneurs). Toutefois, et selon une jurisprudence abondante et constante de la Cour de cassation, l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la qualification donnée à la prestation effectuée mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur (Cour de cassation, assemblée plénière, arrêts n° 81-11.647 et 81-15.290 du 4 mars 1983, BARRAT - Chambre criminelle, arrêt n° 84-95559 du 29 octobre 1985, GUEGAN). Est ainsi considéré comme travailleur salarié celui qui accomplit un travail pour un employeur dans un lien de subordination juridique permanente, défini comme « l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cour de cassation, Chambre sociale, arrêt n° 94-13187 du 13 novembre 1996, Société générale). Les services de contrôle comme le juge, lorsqu'il est saisi, analysent de manière concrète la relation qui lie les parties selon la méthode dite du faisceau d'indices. Parmi les indices d'une relation salariée, peuvent être cités, sans que cela soit exhaustif : - l'initiative même de la déclaration en travailleur indépendant (démarche non spontanée, a priori incompatible avec le travail indépendant) ; - l'existence d'une relation salariale antérieure avec le même employeur, pour des fonctions identiques ou proches ; - un donneur d'ordre unique ; - le respect d'horaires ; - le respect de consignes autres que celles strictement nécessaires aux exigences de sécurité sur le lieu d'exercice, pour les personnes intervenantes, ou bien pour le client, ou encore pour la bonne livraison d'un produit ; - une facturation au nombre d'heures ou en jours ; - une absence ou une limitation forte d'initiatives dans le déroulement du travail ; - l'intégration à une équipe de travail salariée ; - la fourniture de matériels ou équipements (sauf équipements importants ou de sécurité). En outre, le fait de maquiller sciemment une relation salariale en contrat d'entreprise pour échapper à ses obligations d'employeur caractérise une fraude constitutive du délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, dans les conditions précisées à l'article L. 8221-5 du code du travail. Le plan national de lutte contre le travail illégal 2013-2015 a d'ailleurs retenu la lutte contre le recours aux faux travailleurs indépendants, et notamment aux faux auto-entrepreneurs, comme l'un des objectifs prioritaires.

Données clés

Auteur : M. Christian Estrosi

Type de question : Question écrite

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Ministère répondant : Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Dates :
Question publiée le 16 octobre 2012
Réponse publiée le 6 août 2013

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