14ème législature

Question N° 71171
de M. Jean-Paul Bacquet (Socialiste, républicain et citoyen - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > élevage

Tête d'analyse > lait

Analyse > fromages. sécurité sanitaire. gestion des risques. politiques communautaires.

Question publiée au JO le : 16/12/2014 page : 10415
Réponse publiée au JO le : 06/01/2015 page : 61

Texte de la question

M. Jean-Paul Bacquet interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les préoccupations de la filière laitière française liées au projet de lignes directrices de la Commission européenne relatif aux procédures de gestion du risque « E. coli » producteurs de shiga-toxine (STEC). En effet, les critères de gestion du risque STEC retenus par ce projet diffèrent des avis des autorités sanitaires compétentes comme l'Agence française de sécurité sanitaire (ANSES) ou l'Agence américaine de la sécurité des aliments (USDA). La Commission européenne, au nom du principe de précaution, ne prend pas en compte certains éléments scientifiques majeurs qui permettraient d'écarter seulement les produits porteurs de STEC à risques pour la santé humaine. La filière laitière française s'inquiète ainsi des conséquences économiques et sociales qu'engendreraient ces nouvelles mesures si elles étaient adoptées en l'état : un taux de destruction de 8 % à 15 % selon les types de fromages. Par exemple en Auvergne, 600 à 1 000 tonnes de Saint Nectaire (fromage AOP) seraient détruits chaque année, 6 à 10 millions d'euros de pertes de chiffre d'affaires pour la filière pourrait être envisagées, sans compter le désarroi et le découragement des producteurs et affineurs de la région. C'est l'ensemble du territoire qui risque ainsi d'être touché par la disparition de nombreux emplois, d'un produit et d'un savoir-faire patrimonial. Par ailleurs, la filière craint que ces mesures s'imposent et deviennent la seule référence sur le marché intérieur comme à l'export. En revanche, consciente de tous les enjeux de la sécurité sanitaire, elle propose que, compte-tenues des connaissances scientifiques disponibles, la méthode la plus appropriée serait la recherche sur une souche isolée, pour maîtriser tous les risques tout en permettant à la France de rester le pays du fromage au lait cru. Face à cette situation, il souhaiterait connaître son avis sur la question ainsi que les actions qu'il compte entreprendre pour préserver la filière laitière et fromagère française, au sein de l'Union européenne, à ce sujet.

Texte de la réponse

A ce jour, aucun critère microbiologique n'est fixé dans la réglementation européenne pour les Esherichia coli producteurs de shigatoxines (STEC) dans les denrées alimentaires d'origine animale. En effet, les mesures de maîtrise préventives destinées à réduire la contamination fécale le plus en amont possible de la chaîne alimentaire étaient considérées comme suffisantes pour contribuer à la réduction des risques pour la santé publique. En l'absence de critère réglementaire, la Commission européenne a présenté, début 2014, un projet de document d'orientation relatif à l'application de l'article 14 du règlement (CE) n° 178/2002 au regard des aliments dans lesquels des STEC ont été détectés. Ce document vise à définir le caractère dangereux d'une denrée alimentaire contaminée par STEC et à harmoniser les modalités de gestion portant sur ces denrées dans les différents États membres. Basé sur l'avis de l'autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) publié en avril 2013, il définit une méthode identifiant le niveau de risque qui s'appuie sur le type d'aliment concerné, les habitudes de consommation et le niveau de sensibilisation des consommateurs. Il établit une répartition entre deux niveaux de profil d'aliments, à risque élevé ou faible, les produits au lait cru étant classés comme présentant un risque élevé. Si, d'un point de vue théorique, l'approche proposée par la Commission européenne est en adéquation avec l'objectif prioritaire d'assurer un haut niveau de protection de la santé publique, conformément aux dispositions générales du paquet hygiène, elle risque en effet néanmoins d'avoir des conséquences très lourdes pour la filière « lait cru », en imposant des mesures de gestion sans vérification préalable du caractère effectivement pathogène des souches de STEC éventuellement détectées. Les autorités françaises ont alerté la Commission européenne à différentes reprises au cours de l'année 2014 sur les difficultés pressenties si les lignes directrices étaient adoptées en l'état. La France a fait part de son expérience, et les difficultés liées à la gestion de certains produits, notamment les fromages au lait cru, contaminés par des STEC potentiellement hautement pathogènes ont été présentées. Suite à ces échanges, la Commission européenne a décidé de transmettre un questionnaire aux différents États membres pour recueillir leur avis. Ainsi, l'adoption de ces lignes directrices, initialement pressentie pour décembre 2014, a été reportée en 2015. Dans la réponse à ce questionnaire, les autorités françaises ont réaffirmé leur attachement à une approche permettant de garantir la protection du consommateur, associée à des mesures de gestion efficaces et proportionnées, compatibles avec les contraintes techniques et économiques des opérateurs, notamment du secteur laitier. Dans le prolongement des échanges réguliers avec les organisations professionnelles de la filière lait, le ministère chargé de l'agriculture a mis en place un groupe de travail « STEC » spécifique aux produits laitiers, auquel elles sont associées, ainsi que les scientifiques. La première réunion est programmée en janvier 2015 et devra permettre de faire le point sur les données scientifiques disponibles ou nécessaires afin de pouvoir étayer l'argumentation sur ce sujet lors des futures négociations au niveau européen.