14ème législature

Question N° 71545
de M. Patrice Martin-Lalande (Union pour un Mouvement Populaire - Loir-et-Cher )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > travail

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > détachement. directive européenne. contrôles.

Question publiée au JO le : 16/12/2014 page : 10469
Réponse publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2362

Texte de la question

M. Patrice Martin-Lalande interroge M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les mesures que le Gouvernement compte prendre, et suivant quel calendrier, pour réduire les distorsions de concurrence que subissent les professionnels français du bâtiment et des travaux publics du fait du dumping social dont certaines entreprises européennes font légalement commerce sur le fondement juridique de la directive communautaire de 1996 relative aux travailleurs détachés à titre temporaire dans un pays européen. En vertu de cette directive communautaire 96/71/CE de 1996 relative au détachement des travailleurs, les travailleurs détachés à titre temporaire dans un pays européen relèvent en effet du droit du travail du pays d'accueil pour le contrat, le salaire minimum et les congés, mais du pays d'origine pour le paiement des cotisations sociales. Compte tenu du différentiel de taux de charges sociales pesant sur les salaires entre états membres de l'UE, certaines entreprises des pays à faibles charges sociales détachent leurs travailleurs dans des pays à fortes charges sociales où, biaisant ainsi la concurrence, elles remportent de plus en plus d'appels d'offres pour la réalisation de prestations de travaux. En France, 170 000 travailleurs détachés -- venant principalement de Pologne et de Roumanie -- étaient déclarés en 2012, 210 000 en 2013. Certains estiment le nombre des travailleurs détachés -- déclarés et non-déclarés -- à 350 000 en 2014. Ces travailleurs détachés exercent tous les métiers du BTP, de maçon à ferrailleur en passant par peintre, coffreur, plaquiste, plâtrier, carreleur, menuisier, charpentier, couvreur, etc. Il lui demande quelles actions le Gouvernement compte engager, avec quels moyens et suivant quel calendrier, pour réduire les distorsions de concurrence résultant de la directive communautaire relative au détachement des travailleurs et lutter plus efficacement contre le phénomène de dumping social intra-européen qui en résulte et détruit des emplois en France.

Texte de la réponse

Pour la bonne application des règles relatives au détachement dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union Européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la directive européenne 2014/67/UE du 15 mai 2014 renforce les moyens dont disposent les États pour lutter contre les pratiques frauduleuses. Elle prévoit notamment différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Le Gouvernement a fait le choix de devancer la transposition de cette directive en soutenant avant même la fin des négociations, l'initiative législative du député M. Savary. La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a donc notamment pour objet de transposer cette directive et de compléter la réglementation en matière de lutte contre les fraudes au détachement. Elle instaure un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants s'il ne respecte pas, ou pas intégralement, l'obligation de verser aux salariés - notamment détachés - une rémunération au moins égale au salaire minimum légal ou conventionnel. Elle transpose ainsi la directive d'application en garantissant à tous les salariés, et notamment aux salariés détachés, la possibilité de faire valoir leur droit au paiement d'un salaire conforme au minimum légal ou conventionnel. Mais elle va aussi plus loin que le dispositif prévu dans la directive. D'une part, la responsabilité solidaire mise en place n'est pas limitée au seul secteur du bâtiment mais s'applique à tous les secteurs professionnels. D'autre part, cette responsabilité pèse sur les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des donneurs d'ordre, quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance et n'est pas limitée au seul cocontractant. La loi complète également l'arsenal législatif français en matière de lutte contre les fraudes au détachement, notamment en élargissant les possibilités d'action offertes aux organisations professionnelles d'agir en justice même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée et en autorisant les organisations syndicales à agir au nom d'un salarié détaché même en l'absence d'accord expresse de l'intéressé. L'obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant en France est désormais consacrée par la loi. Son non respect est sanctionné par une amende, qui peut aussi être infligée au donneur d'ordre qui ne s'est pas assuré que son prestataire de service s'est acquitté de ces formalités. Enfin, la loi contient des dispositions qui renforcent les sanctions applicables en cas de travail illégal, qui peut souvent être constaté dans les cas de fraude au régime du détachement. Mais il faut amplifier l'action et traduire les sanctions dans les faits. C'est pourquoi figurent dans le projet de loi croissance et activité trois mesures importantes : - Premièrement l'augmentation de l'amende administrative pour non respect de la déclaration de détachement, avec un passage du plafonnement du cumul d'amendes de 10 000 € à 500 000 €. - Deuxièmement la possibilité pour l'autorité administrative de suspendre une prestation de service internationale. - Enfin La généralisation d'une carte d'identité professionnelle obligatoire sur tous les chantiers du BTP. Par ailleurs, les contrôles seront considérablement renforcés en 2015. 30 000 contrôles conjoints avec l'URSSAF seront opérés notamment dans les secteurs prioritaires, soit 8 000 de plus avec une action ciblée sur 500 grands chantiers. De plus, dans le cadre de la nouvelle organisation de l'inspection du travail, pour accentuer les contrôles, ont été créés un groupe national chargé des affaires les plus sensibles et des unités régionales. Le gouvernement est totalement engagé dans la lutte contre le travail détaché illégal. Il le fait pour les salariés employés dans des conditions indignes, pour les entreprises victimes du dumping social mais aussi pour l'emploi.