14ème législature

Question N° 71546
de M. Patrice Martin-Lalande (Union pour un Mouvement Populaire - Loir-et-Cher )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires européennes
Ministère attributaire > Affaires européennes

Rubrique > travail

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > détachement. directive européenne. perspectives.

Question publiée au JO le : 16/12/2014 page : 10400
Réponse publiée au JO le : 14/04/2015 page : 2828

Texte de la question

M. Patrice Martin-Lalande interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes sur les mesures que le Gouvernement compte prendre, et suivant quel calendrier, pour réduire les distorsions de concurrence que subissent les professionnels français du bâtiment et des travaux publics du fait du dumping social dont certaines entreprises européennes font légalement commerce sur le fondement juridique de la directive communautaire de 1996 relative aux travailleurs détachés à titre temporaire dans un pays européen. En vertu de cette directive communautaire 96/71/CE de 1996 relative au détachement des travailleurs, les travailleurs détachés à titre temporaire dans un pays européen relèvent en effet du droit du travail du pays d'accueil pour le contrat, le salaire minimum et les congés, mais du pays d'origine pour le paiement des cotisations sociales. Compte tenu du différentiel de taux de charges sociales pesant sur les salaires entre États membres de l'UE, certaines entreprises des pays à faibles charges sociales détachent leurs travailleurs low-cost dans des pays à fortes charges sociales où, biaisant ainsi la concurrence, elles remportent de plus en plus d'appels d'offres pour la réalisation de prestations de travaux. En France, 170 000 travailleurs détachés - venant principalement de Pologne et de Roumanie - étaient déclarés en 2012, 210 000 en 2013. Certains estiment le nombre des travailleurs détachés - déclarés et non-déclarés - à 350 000 en 2014. Ces travailleurs détachés exercent tous les métiers du BTP, de maçon à ferrailleur en passant par peintre, coffreur, plaquiste, plâtrier, carreleur, menuisier, charpentier, couvreur, etc. Il lui demande quelles actions le Gouvernement compte engager, avec quels moyens et suivant quel calendrier, pour réduire les distorsions de concurrence résultant de la directive communautaire relative au détachement des travailleurs et lutter plus efficacement contre le phénomène de dumping social intra-européen qui en résulte et détruit des emplois en France.

Texte de la réponse

Au niveau européen, la France a joué un rôle moteur dans l'adoption en 2014 d'une directive d'application des règles en matière de détachement des travailleurs. Grâce à l'action du Gouvernement, ce texte donne des outils concrets afin de mieux lutter contre les abus et les fraudes. D'abord, la liste des documents exigibles auprès des entreprises en cas de contrôle sera désormais une liste ouverte permettant à chaque Etat membre d'exiger les documents qu'il estime nécessaire, sous condition d'en informer la Commission européenne. Ensuite, ce texte prévoit l'obligation pour chaque État membre de mettre en place une responsabilité du donneur d'ordre en cas de fraude au détachement commise par son prestataire, dans le secteur du bâtiment. Il sera désormais possible d'établir une chaîne de responsabilités au niveau européen pour lutter plus efficacement contre les montages frauduleux. La loi du 10 juillet 2014 sur la lutte contre le dumping social (dite loi Savary) a permis d'anticiper la transposition de cette directive. Elle responsabilise davantage les maîtres d'ouvrage et les donneurs d'ordre quand ils recourent à des sous-traitants multiples et permet aux organisations professionnelles et syndicales de se constituer parties civiles en cas de travail illégal. Elle va même au-delà de la directive en instaurant une responsabilité solidaire obligatoire dans tous les secteurs. Le Gouvernement soutiendra également le processus de révision de la directive d'application sur le détachement des travailleurs proposée par la Commission pour renforcer les exigences sociales applicables et pour élargir à tous les secteurs le principe de responsabilité solidaire obligatoire du donneur d'ordre qui garantit le rétablissement des salariés dans leurs droits (prioritairement dans le secteur des transports et des travaux agricoles). Le Gouvernement poursuivra aussi son action en faveur d'une réduction du différentiel entre les États européens à travers l'instauration d'une rémunération minimale obligatoire et le rapprochement progressif des prélèvements sociaux. Au plan national, le Gouvernement mène sur le terrain une politique déterminée de renforcement des contrôles afin de lutter contre les fraudes au détachement des travailleurs, notamment grâce à la mobilisation de l'inspection du travail. La commission nationale de lutte contre le travail illégal, réunie autour du Premier ministre le 12 février 2015, a ainsi adopté un plan national de lutte contre le travail illégal. Dans ce cadre, l'amende maximale pour fraude au détachement a été portée à 500.000 euros au lieu des 10 000 prévus actuellement afin de renforcer son caractère dissuasif. Les entreprises responsables de fraude ne bénéficieront plus d'aucune exonération de cotisations sociales. Les contrôles seront également renforcés, notamment sur les 500 plus gros chantiers de construction en cours. Enfin, une carte d'identité professionnelle sera mise en place dans le bâtiment pour y faciliter les contrôles. La mobilisation du Gouvernement est donc totale, au niveau européen comme au niveau national.